you're on your own, kid (milo)

you're on your own, kid.

mardi deux mai, université de droit.
w/ @milo musat.

Lorsque le cellulaire de mon père s’illumine sous mes yeux et que je vois le nom de notre avocat apparaître, je ne peux m’empêcher de lire les quelques échanges. Toutes mes dernières demandes sont restées sans retour et je suis tout particulièrement agacée, je ne peux pas le nier. Ton avocat peut te voir après ses conférences à Harvard. Il finit à quatorze heures et te propose un dîner à vingt heures pour discuter de quelques arrangements. Que je lance à mon père en le regardant droit dans les yeux quand il entre dans le salon. Un soupir sort de ses lèvres et telle la gamine insupportable que je suis, je me lève et dis Encore une réunion dont on me tient éloignée. Merci papa. Il sait à quel point je ne supporte pas être mise de côté, surtout quand ça concerne le business familial. Oublie-t-il que je suis sa seule putain d’héritière et que c’est moi qui vais devoir gérer tout cela le jour où il passera l’arme à gauche ? Des fois, je me le demande. Dis à maman que je l’aime. Que je lance avant de quitter la maison familiale, sachant pertinemment que mon père va s’énerver, râler et m’offrir un cadeau digne de ce nom pour se faire pardonner. Ça marche toujours avec lui et je ne m’en lasse pas une seule seconde. On pourrait me qualifier de fille ingrate - ce que je suis - mais je ferais n’importe quoi pour mes parents. Au volant de ma Ferrari Spider 458 rouge, je file vers l’université et plus précisément le bâtiment utilisé par les futurs juristes en tout genre. Je mets un peu de temps à trouver une place qui me convient et c’est le pas déterminé que j’entre dans le bâtiment, cherchant le lieu de la conférence du jeune avocat. J’entre alors qu’il n’a probablement pas fini et m’installe au fond, profitant des dernières minutes du discours qu’il a appris par coeur. C’est un bon orateur, je ne peux pas lui enlever cela. Par contre, le manque de considération, c’est quelque chose que je peux lui reprocher. Les étudiants quittent l’amphithéâtre et je vais à l’encontre de cette marée, descendant les marches jusqu’au bureau principal. Bonjour Maitre Musat. Est-ce que je peux jouer l’étudiante folle amoureuse de lui ? Bien sûr. J’aurais plusieurs questions à vous poser. Et mes réponses, je compte bien les avoir.

you're on your own, kid.

may 2nd, law school.
w/ @Chiara Berrettini

Une journée overbookée au possible, un quotidien que Milo parvenait plutôt bien à gérer. S'il n'était pas enfermé dans son bureau à travailler sur des affaires, au tribunal ou en rendez-vous avec des clients, c'était à Harvard que l'avocat donnait des conférences à des étudiants, tout comme lui l'avait été. Et même là, il restait disponible sur son téléphone de fonction. Dîner proposé à l'un de ses clients pour le soir même, il le rangeait pour la dernière partie de colloque de sa journée. Temps qui filait à une vitesse, celle-ci se terminait et la marée quittait l'amphithéâtre. Une seule personne à contre courant, qui frayait son chemin jusqu'à lui. Surprise qui gagnait son visage, mais qu'il masquait bien vite à travers une expression neutre. Chiara n'était pas étudiante ici, aux dernières nouvelles. Disons qu'il avait l'habitude de la voir derrière les portes fermées du domicile familial, pas à Harvard. « Mademoiselle Berrettini. » Il ne l'avait jamais appelée par son prénom, ce qu'il faisait toujours par respect pour ses clients. Dans son cas, ce n'était pas tant par marque de respect, parce qu'il la considérait comme une gamine. Non, c'était plus son père qu'il considérait, et ce, depuis assez de temps pour vouloir le garder comme client encore de belles années. « Surprenant de te voir par ici, tu t'es perdue ou tu as enfin décidé de t'instruire ? » Impossible de s'en empêcher. Presque une habitude, d'être aussi désagréable l'un envers l'autre, lorsqu'il n'y avait personne d'autre autour. Bien sûr, il se tenait toujours à carreaux devant le reste de la famille. En tête à tête, comme tout de suite, c'était autre chose. « Mais bien sûr, je t'écoute. » Sourire en coin qu'il lui envoyait, alors qu'il continuait de ramasser ses fiches.

On pourrait me coller le titre de gamine pourrie gâtée et je l’accepterais avec le plus large des sourires sur le visage. Mes parents ont toujours tout fait pour me protéger, pour me rendre heureuse et me donner tout ce que je souhaitais même si les premières années de mon arrivée sur terre, nous n’avions pas autant d’argent qu’aujourd’hui. Seulement, ils se pliaient en quatre - pour ne pas dire en douze - pour moi et ils n’ont jamais arrêté. C’est bien pour cela que j’en joue toujours autant avec mon père, dramatique au possible. Je sais que mon petit jeu l’agace mais je ne m’en lasse pas le moins du monde. Je passe même une partie du trajet jusqu’à l’université à me demander de quelle manière il essayera de se rattraper cette fois. Un restaurant, de nouveaux bijoux, un agrandissement de mon équipe ? Je ne saurais trop dire mais je lui laisserais le temps de me surprendre. Un peu comme avec l’avocat vers lequel je me dirige. Va-t-il enfin me considérer et me surprendre ? Bonne question. En tout cas, je ne me gêne pas pour l’interpeller et lui adresser mon plus beau sourire. C’est gratuit. Au moins lui se souvient de mon nom de famille et, à vrai dire, il le valait mieux pour lui. Vous voyez Drago Malfoy qui ne cesse de balancer des “mon père en entendra parler !”, c’est un peu moi, je ne peux le nier. Je me pose contre le bureau, comme une façon de montrer que j’ai le pouvoir aujourd’hui et l’écoute. Puisqu’il semblerait qu’il n’y ait qu’en te coinçant que j’ai l’attention que je mérite, j’ai employé les grands moyens. On ne pourra pas discuter de quoi que ce soit de trop précis mais un peu de respect ne ferait pas de mal. Par ailleurs, je n’ai pas besoin d’être trop instruite d’un point de vue juridique et tu sais pourquoi ? Parce qu’il y a des gens comme toi que je paye pour travailler… pour moi. Magique, n’est-ce pas ? Pourquoi se faire chier à se débrouiller toute seule et se faire des nœuds au cerveau quand il y avait des avocats prêts à aider ? Je n’étais pas partisante du moindre effort mais mon domaine, c’est l’informatique et le codage, pas autre chose. Tu peux peut-être commencer par m’expliquer pourquoi tu ne réponds à aucun de mes messages et mails ? Commençons par le commencement, après tout.

you're on your own, kid.

may 2nd, law school.
w/ @Chiara Berrettini

Conférence des plus intéressantes qu'il venait de donner, et il ne pensait pas que la fin de journée pourrait l'être d'autant plus après cette arrivée surprise. Fille d'un gros client qui souhaitait s'impliquer de plus en plus dans leurs rendez-vous professionnels, mais qu'il ne prenait pas assez au sérieux pour la voir rejoindre leur table. Il semblerait que cette fois-ci, elle forçait le chemin jusqu'à celle de l'intervenant du jour, en fac de droit. « Est-ce qu'on mérite vraiment de l'attention quand on est si désespéré à l'idée d'en recevoir ? » Signe de faiblesse qu'elle venait de montrer là, et à la fois, ça l'amusait qu'elle fasse autant d'efforts juste pour qu'il daigne lui accorder un peu de son temps. À juste titre. « Je travaille pour ton père, nuance. » Il était tout sauf un larbin, et le ton si condescendant de Chiara lui rappelait bien vite pourquoi est-ce qu'il ne supportait pas d'être dans la même pièce qu'elle plus de dix minutes. Beau record de sa part, puisqu'elle avait réussi en même pas deux minutes, cette fois-ci. « Parce que dans ma liste de priorités, tu figures tout en dessous. Je réponds à mes clients en premier lieu. » Et elle, n'en faisait pas réellement partie officiellement. Il appréciait tout particulièrement lui rappeler qu'il ne la prenait pas au sérieux, et qu'il ne traitait qu'avec les personnes en charge du business, ses parents. Il n'empêche que Milo était bien curieux de comprendre ce qui était aussi urgent pour qu'elle se déplace jusqu'à l'université en personne. Il ne se rappelait pas qu'il s'agisse de quelque chose aussi important dans les mails qu'il avait lu de sa part. « Mais maintenant que tu as fait tout ce chemin, qu'est-ce que je peux faire pour toi ? Je ne me souviens pas avoir lu tes mails. » Il n'allait pas non plus se montrer aussi généreux sans la remettre à sa place. Bien sûr qu'il les avait ouverts, bien trop méticuleux pour passer à côté de ses nouveaux messages. L'avocat apprécierait juste de la voir se répéter.

Je ne pouvais m’empêcher de lever les yeux au ciel en entendant les mots de l’avocat. Désespérée de recevoir de l’attention ? On pouvait me le reprocher. Mais je le mérite, un point c’est tout. Mon rôle au sein de l’entreprise familiale ne cesse de grandir et je voulais y aller petit-à-petit pour gérer le jour où tout me tomberait dans les mains. Quand on hérite d’un empire, on a toute une vie pour s’y préparer mais moi, il a été difficile de me donner une réelle place. Mon grand-père ne m’a jamais fait confiance et il avait peut-être bien raison, je ne peux le nier. Je n’ai jamais été vraiment sérieuse, trop gâtée par ma famille et j’ai donc du pain sur la planche. Tu travailles pour l’entreprise de ma mère en réalité. Elle est à son nom, cette entreprise. Que je souffle rapidement. Mais c’est mon père qui gère tout l’administratif, là-dessus il a complètement raison. C’est juste que c’était plus simple et facile de justifier les billets qui restaient dans les poches de mes parents en fin de mois. Ma mère n’avait pas du tout un pied dans le milieu - enfin si mais de l’autre côté - et ces deux-là se sont bien trouvés. Ils sont tout ce que j’aspire à être à un moment de ma vie. Mais pas tout de suite, je n’ai pas le temps pour l’amour et les battements de cils. T’es fatiguant à te répéter. Si je n’avais pas compris que j’étais la dernière de ses priorités, je crois qu’il faudrait me faire faire un électroencéphalogramme pour vérifier que tout fonctionne. Il me prend peut-être pour la bécasse du quartier mais j’en suis loin, très loin même. On ne dirait pas comme ça, sous mes airs insupportables et mes guerres infantiles mais n’est pas diplômé du M.I.T. qui veut. D’un signe de la main, j’envoie virtuellement valser ses inepties, persuadée qu’il les a lu mes emails mais qu’il prend juste un malin plaisir à les ignorer. Nous avons de nouveaux talents. Que je lance rapidement. Et j’ai besoin que tu prépares leurs contrats au plus vite. Les vacances d’été arrivent à grands pas et avec elles, le départ des vieilles pleines de frics pour Martha’s Vineyard. Tout le monde va mettre son petit polo sur ses épaules et les paysages pastels vont fleurir sur l’île. Et le départ des gamins aussi, mais ça, ça ne m’intéresse pas. Les étudiants voleront vers je ne sais quelle destination - la seule chose dont je suis sûre c’est qu’en été, les hommes sont libres et ils aiment ce qu’on leur propose. Tu sais, si tu es incapable de lire mes mails et as besoin que je te parle toute la journée, on peut s’arranger. Je lui adresse un sourire, persuadée que ma voix de sirène finira par le convaincre. Je finirai par l’avoir à l’usure, c’est sûr.

you're on your own, kid.

may 2nd, law school.
w/ @Chiara Berrettini

S'il était d'abord intrigué à l'idée de savoir ce que la jeune Berrettini faisait là, il fut bien vite rappelé de toutes les raisons pour lesquelles il ne l'appréciait pas. Milo la regardait, peu impressionné. Comme s'il n'était pas déjà au courant de cette information, alors qu'il était leur avocat. Seulement, tout le monde dans leur cercle savait qui gérait réellement les affaires, et ses multiples rendez-vous avec le père confirmaient la chose. Il n'avait jamais eu à  « Oui donc.. Pour tout le monde, sauf pour toi. » L'avocat préférait le rappeler, puisqu'elle semblait être la seule qui n'en était pas consciente ici. Se déplacer jusqu'ici, pour ça ? Faire son spectacle, comme elle savait si bien le faire. Signe de la main telle une diva et extrêmement malpoli. Et il aurait pu prier que le vidéo projecteur au-dessus de leurs têtes s'écrase sur son bras. « Gamins dont tu fais partie. » Qu'il ne pouvait s'empêcher de glisser comme rappel qu'elle se prenait pour une grande dame, mais qu'elle restait dans la même tranche d'âge que beaucoup d'étudiants encore, dont les siens. Eux avaient au moins de bons projets de vie, loin d'être menés à gérer un réseau de proxénétisme. Il se contentait de ranger le restant de ses affaires en silence, l'écoutant tout de même amusé de par ses directives. « Je pensais que tu étais quelqu'un d'occupé avec des responsabilités ? Mais faut croire que c'est toujours ton père qui dirige les choses. Je l'appellerai pour vérifier directement avec lui ta requête. » A ce stade, il souhaitait juste l'emmerder, et surtout calmer ses envies de prendre un peu trop de place. Milo ne la prenait pas au sérieux, malgré ses tentatives. C'était avec le père qu'il gérait les affaires depuis des années, et ça ne changerait pas, à ses yeux. « Mais j'ai bien compris que tu rêvais de passer du temps à mes côtés. Plus besoin de venir jusqu'ici, tu sais. On recrute des stagiaires au secrétariat chez Ropes & Gray, ce sera plus simple pour toi de m'observer. Et tu corresponds bien au profil. » Il n'y avait rien de honteux dans le métier de secrétaire, mais tout était dans son ton qui se voulait rabaissant. Enfantilisant, comme il l'avait toujours fait avec elle, et qui avait le don de l'agacer. Ce serait sans doute son pire cauchemar de la voir au quotidien sur son lieu de travail, parce que même au milieu du large nombre d'employés de la firme, impossible de la rater. Par chance, elle avait d'autres ambitions et d'autres diplômes. Et une trop grande bouche.