mention : IVG, warning : rapprochement physique
@Joyce Millett
Le mot articulé par Joyce sembla signaler un danger que Ji-hun ne voulut pas entendre, et il tenta de la ramener aux prémices de cette intimité qui avaient fait se rapprocher les corps et autoriser les premiers touchers. Pour ce faire, il l’embrassa à pleine bouche dans l’espoir de la faire taire, mais la fermeté avec laquelle elle accrocha ses poignets de ses doigts l’obligea finalement à s’arrêter. Douche froide qu’il peina à apprécier, il plongea ses yeux dans la pénombre et se força à reprendre un rythme de respiration plus décent. Une seule oreille attentive aux paroles de la doctorante, l’autre avait été prêtée à son être qui multiplia les protestations. Être qui se sentit si bouleversé par le revirement de situation qu’il brûla finalement d’un feu de honte incontrôlable. Il abdiqua face aux paroles raisonnables de la plus jeune, veilla à ôter les paumes de ces côtes qu’il avait prises en otage, et affirma comprendre qu’une grossesse ne serait définitivement pas la bienvenue, autant pour la jeune femme qui venait d’en être opérée, que pour les nombreux projets au programme de leur avenir et qui n’attendaient plus qu’eux.
Il jura ne pas avoir eu l’idée de la faire souffrir en agissant ainsi, qu’après tant de semaines à s’être éloigné de la tentation, la soudaine proximité avait eu raison de lui et qu’il ne laisserait plus ça arriver. Mais ce soir, il supposa qu’il était préférable qu’il retrouve sa chambre. Il n’avait aucun refuge chez les Roses où s’exiler le temps de faire passer sa bêtise, de soulager sa conscience – et probablement pas que, mais hors de question de se masturber alors que Joyce dormait à côté. Pudeur qui n’avait jamais eu lieu d’être, mais qui réussissait à se glisser dans l’équation. Il se redressa pour donner un baiser à son front, parce qu’elle n’y était pour rien et qu’il était important qu’elle le sache, puis la hâta de se lever de quelques tapes légères de sa main sur sa cuisse. Il faisait nuit depuis longtemps. Ji-hun ne savait pas quelle position avaient prise les aiguilles à sa montre, ne regarda même pas. Aucun doute qu'il se faisait tard, et les deux scientifiques avaient besoin de se reposer vu ce qui les attendait la semaine prochaine. Il pensa à ces affaires posées sur le siège du bureau qu'il devait remballer et de la Dudley qu'il devra traversée sans éveiller le soupçon.
Pourtant, un « non » déterminé fit écho à son geste, et la voix tant éveillée de sa copine le surprit. L’impression que son visage s’était écartelé de par les traits expressifs qui l’avaient assiégé, il ne dit rien, la regarda tout simplement de ses yeux qui avaient failli se débrider. D’accord, s’autorisa-t-il d’acquiescer, bien qu’il ne se serait pas enfui si elle lui avait juste demandé de rester. Il fut toute ouïe à cette phrase pour laquelle il ne nota rien de nouveau. C’était exactement ce qu’il avait compris : que s’ils faisaient l’amour elle pourrait tomber enceinte, et elle ne désirait pas subir une interruption de grossesse. L’intervention subie le mois passé avait créé un mal physique, et une douleur interne indescriptible – le vide, l'avait-elle nommée, qui expliquaient son incapacité à imaginer cette décision possible. D’une vibration faible des cordes vocales, il lui fit savoir qu’il avait déjà intégré tout ça. Dans sa tête l’agitation se répéta ; puisqu’elle avait entamé un doctorat, et qu’elle comptait errer loin des terres états-uniennes, séparés tous deux par l'océan, il lui était impossible de s’imaginer faire tout ça avec un enfant sous le bras, sauf que…
Énergie monstre qu’il se devait encore de déployer pour communiquer dans cette langue qui n’était pas la sienne, plus fatigué que jamais par le rythme soutenu de ses activités, le brun traduisit mot par mot dans celle qui lui était plus familière – le coréen. Corrélation à faire pour ce non-linguiste avec la première partie du monologue de sa belle, les secondes passèrent sans doute pour une éternité du côté de l’américaine quand elles filèrent à toute allure du côté de l’Asiatique. Il la fixait, intégrant peu à peu l’annonce. Incapable toutefois de ressentir s’il s’agissait d’une chance qu’elle désirait laisser à une graine de s’installer en elle, ou si elle partait sur de la résignation, sur un véritable « risque », pour une simple partie de jambes en l’air. Il simplifia pour sa compréhension, de façon bien plus que succincte, mais c’était ce qu'il lui fallait : tu voudrais qu'on ait un bébé ? Aussitôt demandé que ça parut démesuré, mais l’idée ne manqua pas de caresser l'égo du brun pour autant. Joyce était intelligente, devait le sentir apte à partager avec elle une si grande et longue aventure, – de celles qui changeaient le cours d’une vie –, pour oser lui suggérer ça.
Il avait toujours pensé qu’il lui faudrait devenir un grand homme pour mériter une femme de choix, à coup de réussites et d’accomplissements, mais la biologiste paraissait le trouver à son avantage tel qu’il était ; l'aspect matériel ne faisait pas tout. Moment flatteur qui n’empêcha pas les secondes de se transformer en minutes. Puisqu’il n’y avait jamais réfléchi, il lui fallait un moment pour mesurer à quel point cela pourrait bousculer ses propres plans. Il avait eu deux petites sœurs, avait donc été témoin de ce qu’un enfant pouvait apporter avec lui comme obligations et responsabilités. C’était tout un quotidien qui allait être chamboulé, beaucoup de choses sur lesquelles un trait il faudrait savoir tirer, bien d’autres avec lesquelles il serait demandé de composer. Il eut une pensée soudaine pour la conversation qu’ils avaient eue la veille, de cette peur ressentie face à la possibilité qu’il puisse être obligé de partir, et de retourner là où aucune loi ne pourra le protéger, si l'obtention de la green card lui échappait. Il espéra que ça n’était pas une autre option qui avait pris vie dans la nuit, pour s’assurer de sa place à ses côtés, puisque la possibilité d’un mariage organisé pour arranger les choses avait été refusée.
J’assume, lui garantit-il qu’il était d’accord pour accepter le résultat de leurs actes. Non sans sentir son cœur battre éperdument, il ajouta : ma parole vaut pour ce soir, et pour toutes ces fois où tu auras « vraiment très envie de » moi. Il reprit ses mots, sourire léger qui finit par s'accrocher aux lèvres. Il ne se sentait pas prêt à devenir parent du jour au lendemain, mais ça tombait à pic : il aura plus ou moins neuf mois pour s’y préparer et tout organiser si cela venait à arriver. Il opina du chef tout en posant une main sur les mèches bleues au nom de la tendresse ; elle était « la femme pour toujours » après tout. Tu parles beaucoup trop, tu sais, lui fit-il remarquer, un peu moqueur. Elle savait pourtant à quel point être concis était important lorsqu’on s’adressait à lui, c’était d’ailleurs impressionnant le nombre de mots qu’elle était capable de débiter pour en venir à l’essentiel. Reprenons là où nous en étions , lui proposa-t-il. Ji-hun captura alors ses lèvres des siennes, sans crainte d’être repoussé, et replaça les mains féminines à sa nuque. Baisers déposés en douceur, ses paumes se placèrent dans son dos et agrandit contre elle sa silhouette.
Il pressa le corps de sa partenaire contre lui, du haut de sa colonne jusqu’au bas de celle-ci, dessina ainsi la position qu’il avait lâchée en cours de route, puis s’aventura sur sa taille. Aucune incertitude ne se trouva être légitime à présent, il la découvrit à moitié du t-shirt, incitant ce dernier à se loger dans ses palmes de quelques mouvements habiles de ses doigts. Il échangea un dernier regard confiant avec sa vis-à-vis avant de clore ses paupières, et de s’abandonner dans l’instant présent. Bouches légères en action, il se concentra sur cette peau qu’il appréciait de nouveau de ses empreintes, sur laquelle il finit par grimper au même rythme que se donnaient les mâchoires : délicatement et sensuellement. Atteignant une bonne altitude, il se rapprochait gentiment des prises naturelles qu’offrait sa poitrine. Et elle savait d’ores et déjà, Joyce, qu’il n’allait pas être réticent à s’y accrocher un instant , pas vrai ?
@Joyce Millett
(Ji-hun Hwang)
Blossoming
In the land of cherry blossoms,
Love bloomed like delicate petals.
Hearts entwined, two souls aligned.
Love bloomed like delicate petals.
Hearts entwined, two souls aligned.