« Il est trop tard pour rattraper ces moments de toute façon. » Elle lui en sert un sourire contrit, consciente qu’il a raison, et que tergiverser sur le sujet, ne rendrait que plus douloureuse la plaie.
« Et oui, il nous reste encore plein de choses à vivre. » Elle préfère entendre ça, elle est convaincue que malgré tout, ce sera super, ce rôle de papa.
« Et vu la puissance de la fierté parentale, crois moi, j’ai pas fini de la trouver incroyable. » L’amérindienne craque un sourire beaucoup plus enjoué et sincère,
« Ca je n’en doute pas. » Après tout, ce n’est pas nouveau, elle trouve les enfants géniaux.
La conversation se poursuivant, ils finissent par évoquer les choix, les différentes possibilités, ce qu’il aurait pu faire, et les choses qu’il a décidé d’entreprendre. Certains seraient partis, Haiwee le sait, ce n’est pas tout le monde qui peut assumer ses responsabilités.
« C’est vrai, et j’y ai songé… » C’est normal, dans le fond, sa fille elle n’était pas dans ses prévisions,
« Mais aucune autre option ne me semblait correcte et puis… Ayant moi même passé une partie de mon enfance sans père, je sais ce qu’on peut ressentir de ne pas avoir de réponse à cette question. » Elle comprend, évidemment, et reste silencieuse quelques instants, appréciant le fait qu’ils en sont à ce stade-là dans leur amitié, de pouvoir parler de leurs enfances, sans le réfléchir, ou hésiter. Bien sûr, elle est touchée par cette absence qu’il a dû subir, faute de son propre père, protecteur, qui l’a regardé grandir, qui lui manque aujourd’hui, plus que ce qu’elle ne saurait le dire.
« Et maintenant, tu ne regrettes pas. » D’avoir opté pour ce chemin-là. La fierté, elle transpire jusque dans le bout de ses doigts.
Les détails restés en suspens en ce qui concerne la relation qu’elle entretient avec Sheng depuis bientôt deux ans, il vient renchérir d’un
« Mais … ? » quand elle prend la tangente et penche pour le fait de commander, se réjouissant de voir que lui aussi le fait.
« Je vais prendre un café aussi, et des churros. » Elle approuve le choix, d’un sourire et d’un hochement de tête satisfait.
« Attends, prend la deux minutes s’il te plaît. » Prise de court, elle se laisse envahir par l’être de la petite, et dans le fond, la porter, elle le fait volontiers.
« C’est moi qui offre. » Evidemment, elle a envie de rechigner, mais d’un autre côté, elle se complait dans le rôle de tante improvisée d’Anaé.
« Fais attention à tes cheveux. En ce moment ça l’intrigue, elle aime bien s’y accrocher. Sa mère en fait régulièrement l’expérience. » Elle prend note, replaçant d’un geste tendre la petite entre ses bras, l’un de ses bras soutenant son corps, de sa main nouvellement libre, elle vient attraper ses petits doigts, s’amusant avec elle le temps qu’il paie et récupère ce qu’ils viennent de commander.
« T’en fais pas, je ne suis pas douillette. » qu’elle confie à l’enfant, comme un secret, soulignant son droit d’entortiller ses phalanges à ses boucles brunes si l’envie lui prenait. D’une petite voix, elle poursuit sur sa lancée
, « C’est parce que t’as hâte d’en avoir des aussi longs, n’est-ce pas ? » Mais pour réponse, elle n’obtient que des gazouillis animés.
« Je suis sûre que papa adorera te coiffer. » un brin moqueuse, convaincue que les nattes ne sont pas sa spécialité. Et les mains chargées de son ami la convainquent de ses prochains mouvements,
« Je te repose le temps du café. » Impossible pour elle d’imaginer que par maladresse elle pourrait la brûler. Alors elle l’installe dans la poussette, un sourire tendre sur ses lèvres vissé au moment de l’attacher. Et reprend quand elle récupère sa boisson et son bretzel …
« Mais … on n’en est pas au même point. » Pour lui, il sera plus long le chemin.
« Ce n’est pas grave, » qu’elle annonce en buvant un gorgée,
« je l’attends. » L’exclusivité viendra quand ce sera, pour lui, le bon moment.
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