Personne ne me croit quand je dis que j’ai eu une vie plus que chiant jusqu’à mes 15 ans… Et pourtant, c’est vrai. Mais je vais faire un effort pour ne pas m’endormir en vous racontant cette partie de ma vie.
Je suis né le 1er Juin 1988 à Galway, en Irlande mais j’ai été conçu sur une plage australienne. En fait, ma mère était Irlandaise mais elle rêvait d’autres horizons contrairement à ses parents, un peu chauvins qui ne juraient que par l’Irlande. Mon père, lui, était australien. Ils avaient une vingtaine d’années quand ils m’ont eu mais mon père avait déjà son avenir tout tracé. Enfin, son départ en Irlande n’a pas empêché que mon père devienne un important diplomate. Mon père, qui était passionné par l’Irlande, avait insisté pour que ma mère me mette au monde en Irlande. D’ailleurs, selon mes grands-parents maternels, ma mère et mon père n’arrivaient pas à se mettre d’accord pour me trouver un prénom : ma mère voulait un prénom assez international alors que mon père voulait absolument que j’ai un prénom irlandais. Ma mère a gagné et j’en suis assez heureux. Je ne renie pas mon héritage irlandais, c’est juste que les prénoms irlandais ne sont pas forcément les prénoms les plus faciles à prononcer surtout par un étranger. Mon père a continué ses études en Irlande pendant que ma mère faisait des études en langues étrangères. Ma mère ne s’imaginait pas vivre sans mon père. A la fin de ses études, mon père a trouvé un travail (Bien payé, bien sûr) en Irlande. Je devais avoir 3 ou 4 ans quand c’est arrivé. Un ou deux ans plus tard, mon père commençait à faire quelques voyages à l’étranger. J’ai vécu en Irlande jusqu’à mes 10 ans, jusqu’à ce que mes grands-parents maternels soient morts tous les deux.
Notre premier déménagement était en France. Nous n’y sommes pas restés longtemps mais en une année là-bas, j’avais appris à parler correctement français. Puis ce fut l’Allemagne, cette fois-ci nous restâmes 2 ans. Puis ce fut des missions courtes, quelques mois par-ci, quelques mois par-là. Ma mère n’avait pas le temps de se trouver un travail et, je me souviens, ça l’agaçait car c’était une femme active. Ma mère, pendant son temps libre, travaillait bénévolement pour faire le bien autour d’elle et ne pas être inactive. Enfin, nous arrivâmes au Canada. A Toronto, pour être exact. Je devais avoir 14 ans quand ma mère nous a annoncé qu’elle était enceinte. Mon père et moi étions médusés, nous ne pensiions pas que ma mère voulait un autre enfant, surtout près de 15 ans après la naissance de son premier. Dans le mois de Septembre 2003, ma mère se rendait à l’hôpital pour accoucher de son second enfant. Ni ma mère, ni celle qui aurait dû être ma petite-soeur ne rentra à la maison. Tout ce que j’ai vu quand j’attendais dans le couloir, c’était mon père qui entrait dans le bureau du médecin qui se chargeait de ma mère et qui en ressortait , en pleurant. J’avais tout de suite compris. Ma mère était morte en couche. J’ai dû surveiller mon père pendant toute une semaine de peur qu’il ne fasse une tentative de suicide. Au lieu de cela, mon père retrouva son “vieux vice”, comme il l’appelait, la cigarette. Il restait sur le canapé, dans le salon, à regarder la télé en buvant et en fumant. Un soir, j’ai craqué. Je me suis assis à côté de lui, j’ai décapsulé une bière et je lui ai piqué une cigarette. On a passé notre soirée comme ça. Le lendemain, on a parlé pendant… Je ne sais pas… 2 ou 3 heures de ma mère. Je n’avais jamais vu mon père aussi mal. Il a perdu son travail après le décès de ma mère. On a quitté Toronto en Décembre 2003. On est descendu dans le Sud, dans la Sun Belt. On a élu domicile à San Francisco.
L’air de rien, mon père et moi, on était bien. Ca nous manquait de ne pas avoir de présence féminine à la maison mais, on s’en sortais. Mon père monta son entreprise l’année suivant le décès de ma mère. On n’aurait jamais pensé que mon père deviendrait riche 3 ou 4 ans après la naissance de son entreprise. Suite à la mort de ma mère, mon père et moi avions pris l’habitude de nous retrouver régulièrement et de passer des soirées entre père et fils. Mon père tentait de s’intéresser à ce qui m’intéressait et réciproquement. Mais, au bout d’un moment, j’ai pris un peu mes distances… Surtout quand nous avons vu débarquer nos nouveaux voisins : les Jones. J’avais 16 ans et je ne savais pas que, grâce à eux, je vivrais mes meilleurs et mes pires moments. Les Jones avaient trois enfants : deux garçons et une fille. Leur fille s’appelait Amy, elle avait le même âge que moi. Je me souviens encore de la première fois où j’ai posé les yeux sur elle. J’étais assis sur le perron de la maison, je fumais tranquillement une cigarette pendant que mon père passait un peu de temps avec sa nouvelle chérie, à l’intérieur de la maison. Mon père tentait vainement de me faire croire qu’avec sa nouvelle chérie, c’était comme avec ma mère. Je savais très bien que ma mère était l’âme-soeur de mon père et qu’elle était partie trop tôt. C’était bête mais je crois que mon père et moi nous ressemblions plus que ce que nous pensions… Bien sûr, je ne m’en suis rendu compte qu’après plusieurs années. Bref, j’étais sur le perron, une cigarette entre les lèvres et je regardais le camion de déménagement se garer dans la rue, suivi d’une voiture familiale noire, très passe-partout. Je m’étais brusquement intéressé à mes nouveaux voisins lorsque je vis Amy. Elle était juste superbe même si elle n’était pas à son avantage. Notre première “discussion” fut plutôt une engueulade. Elle m’avait dit : “Hé, toi! Ca te dirais pas de te bouger un peu pour m’aider?!”. Bien sûr, moi, gamin un peu con de 16 ans, je suis partis à limite l’insulter de “petite conne”… Finalement, je suis venu l’aider parce qu’elle gueulait beaucoup trop et qu’elle devenait de plus en plus vulgaire.
Je n’avais aucune envie de lui adresser la parole vu comment elle m’avait insulté. En fait, une semaine plus tard, Amy frappait à ma porte pour s’excuser. A cette époque, je m’étais délecté de ses excuses parce qu’elle s’excusait. 6 mois plus tard,je m’en étais délecté parce que sans ces paroles, jamais je ne serais sorti avec elle et jamais je ne serais tombé amoureux d’elle. Après ses excuses, Amy me dit qu’elle aurait voulu sortir, découvrir la ville et qu’elle trouvait que j’étais sympa. J’avais accepté son offre même si j’avais une sortie de prévue avec des potes le soir. L’arrivée d’Amy avait eu lieu pendant l’été. Durant cet été-là, j’eu ma première petite-amie mais je m’en fichais royalement et ça n’a pas duré plus d’un mois. A la rentrée, je me retrouvais en cours avec Amy. On faisait un duo terrible ensemble. Toujours en train de parler et de rire. Cette époque était magnifique. Je crois que c’était en Novembre 2004, Amy et moi traînions dans les couloirs, comme à notre habitude. Sans crier gare, elle avait plaqué contre le mur, s’était redressée sur la pointe des pieds et m’avait embrassé. Ce baiser signa le début d’une belle
histoire d’amour qui dura près de 7 ans.
Notre histoire ne fut pas sans accrocs. Comme tous les gars de mon âge, j’ai eu besoin de faire des expériences. Je sortais tard, je buvais souvent plus que de raison, je fumais comme un pompier et je me droguais. Quand je dis que je me droguais c’est surtout que je fumais souvent des joints. Amy, elle, était intégre, elle voulait pas prendre ce genre de truc, elle ne voulait même pas fumer de cigarette. Amy était mon repère. Amy était une personne foncièrement bonne, comme ma mère. Souvent, je la décevais mais je ne le voulais pas. Un soir, après que j’ai encore une fois déconné, Amy m’annonça qu’elle me quittait. Dès ce jour-là, je me suis appliqué à m’améliorer. Heureusement, j’ai réussi à me reprendre en main car j’avais de la volonté. Amy et moi nous sommes remis en couple à la fin du mois de Juin 2005, après deux ou trois mois de rupture. Ce soir-là, je couchais pour la première fois avec elle (En fait, je couchais pour la première fois tout court). Nous passâmes cet été-là, dans la maison de campagne de ses parents, en Alabama. Cette maison-là a abrité nos plus beaux moments ensemble. La maison était bordée par un lac. Je me souviendrais toujours des moments passés dans ce lac et dans cette maison. L’année suivante, on y était retourné mais cette fois, mon père et sa chérie, Nicole, étaient de la partie. Mon père était heureux de voir l’effet qu’Amy avait sur moi. Il était heureux de voir que je trouvais un équilibre grâce à Amy. On pensait que jamais on ne se quitterait, que notre amour était plus fort que tout. On se trompait. On se trompait gravement. Vers la fin des vacances, Amy me trouva, en pleurs. Elle était enceinte. Il faut dire que, vu le nombre de fois où on avait couché sans se protéger, il aurait été étonnant qu’elle ne soit pas enceinte. Amy était partagée entre se faire avorter ou assumer notre erreur. Quelques jours plus tard, j’emmenais Amy se faire avorter. Amy pleurait dans la voiture en rentrant. On a dû rester collé l’un contre l’autre pendant des heures ce jour-là. Elle n’arrêtait pas de pleurer.
Nous n’avons plus reparlé de ce jour-là avant de longues années. Amy et moi restâmes ensemble. Peu à peu, on devait le petit monde de l’autre. Quand on a eu 18 ans, on a promis de s’épouser dès que nous aurions notre licence. Nous rêvions tous les deux d’Harvard. Nous l’avons eu, tous les deux. A 18 ans, Amy et moi allâmes faire notre première année d’étude à Harvard. On était si fier de nous. On tentait de se voir le plus possible, de passer le plus de temps ensemble. Souvent on enfreignait les règles pour passer la nuit ensemble. Nos études se passaient plutôt bien même si on bossait dur pour avoir un bon niveau. Mais Amy était avec moi et c’était plus simple de continuer sans déraper dans mon côté sombre. Le jour de mes 20 ans, Amy m’avait préparé une petite soirée en amoureux, dans notre appartement. Amy me reparla de l’avortement. Le souvenir était encore douloureux. Amy me dit qu’elle voulait être mère et qu’elle voulait que je sois le père. Normal, quoi! Mais je n’étais pas prêt. J’exposais mes arguments et Amy sembla me comprendre. Peu à peu, la parentalité devint un sujet de discussion récurrent. Mais ça m’énervait de plus en plus. Le pire arriva pendant l’été 2011. On était encore allé dans la maison de campagne de ses parents. On s’est engueulé un soir parce que je ne voulais pas être père pour l’instant et qu’elle, elle, voulait absolument un enfant. D’ailleurs, ce soir-là, elle avait bu. Elle qui ne faisait jamais d’excès avait beaucoup trop bu. Quand elle a quitté la maison, elle était en larmes et elle a prit la voiture. J’ai tenté de l’empêcher de prendre le volant mais rien n’y a fait. Ce fut la dernière fois où je vis Amy en vie. Elle n’avait pas parcouru beaucoup de distance lorsqu’elle fit un tonneau avec sa voiture. Amy n’avait pas mis sa ceinture, si bien qu’elle fut ejectée de son siège et, je ne sais comment, se retrouva écrasée par la voiture. J’étais là quand elle est morte. Je n’oublierais jamais ce moment. Je pleurais comme je n’avais jamais pleuré. Je lui tenais la main tandis qu’elle me disait que j’avais été l’amour de sa vie. Si elle avait su que je pensais la même chose. Honnêtement, je me demandais ce que mon père et moi avions fait au Ciel pour mériter de perdre les femmes que nous aimions. Après la mort d’Amy, j’ai disparu de la circulation. J’ai fais le tour du monde. Durant ce tour du monde, je me suis fait tatouer dans le dos (Une croix avec inscrit “Amy, mon âme soeur – 1988-2011”) Je suis retourné à Toronto. J’ai fini par retourner en Alabama, je suis allé sur la tombe d’Amy et je suis resté assis, là, à boire et à fumer pendant des heures. Je suis retourné en cours en Septembre 2012. Je ne peux pas dire que j’ai été un élève sérieux. J’étais encore tellement affecté par la mort d’Amy que je ne faisais strictement rien en cours. Peu à peu, pendant cette année-là, je me guérissais du traumatisme. Peut-être était-ce grâce à ce psy que j’allais voir? Peut-être était-ce parce que j’avais réussi à me ressaisir?
Aujourd’hui, si j’ai ce besoin de rire, de m’amuser c’est bien pour oublier la mort d’Amy et d’essayer de guérir une bonne fois pour toute. Je ne veux plus voir mon côté sombre. Je sais que, de là-haut, Amy me voit et je n’ai pas envie de la décevoir même après sa mort… Et si je me trompais sur la vie après la mort? Je m’en fous, je préfère penser ça que de retomber dans mon côté sombre.
Le jour où la bombe a explosé dans Harvard, j'étais en Alabama. Je rendais visite aux parents d'Amy. Je ne les avais pas revus depuis l'enterrement. Les Jones étaient retournés vivre en Alabama à la mort de leur fille. Avec Mrs Jones, nous avions longuement parlé d'Amy, de mon amour pour elle et de ce qu'elle m'avait apporté. C'était pendant l'une de mes discussions avec Mrs Jones que j'appris pour la bombe. Je priais pour que ceux que je connaissais n'aient rien eu.
En repartant pour Harvard, deux ou trois jours plus tard, Mrs Jones me rendit une bague que j'avais offert à Amy quand nous avions promis de nous marier quand nous aurions eu notre licence. Depuis, je porte toujours cette bague accrochée à une chaîne, comme un pendentif tandis que je portais toujours la bague qu'elle m'avait offert à la même occasion.
Ah oui, j’avais oublié de vous préciser que ma vie était loin d’avoir été joyeuse et pourtant, cette vie m’a appris à apprécier chaque moment de bonheur et de joie que la vie m’offrait. Cette vie m’a appris à positiver et, même si ce n’est pas facile tous les jours, je tente de positiver autant que possible, de trouver une bonne chose dans ma vie. Enfin, voilà, vous savez tout ou presque…