(Silver) kiss from a rose ✧

Qui côtoie la rose s'y pique. Cette facette de sa personnalité a le don de le faire sourire; c'est le mordant, la force de caractère en contraste de cette grossière superficialité, qu'il fuit depuis toujours. Sans doute pourrait-elle blesser, ou vexer des susceptibles, piquer jusque dans la chair vive de l'égo, mais c'est là, justement, ce qu'il trouve aussi intéressant. Pas d'ennui, pas de courbe plate dans une histoire avec Silver. Elle le fascine, lui donne envie de provoquer, d'aller titiller l'épine; alors, de temps à autre, le soldat du feu mange un sacré retour de flamme. - La franchise légendaire de Silver.. You gotta love it. il se gardera bien de préciser qu'il ne partagerais pas.

Ce coin de ville est sympathique, surtout au crépuscule. Le paysage se drape d'une ambiance quasi-mystique, où l'humain se mêle à la pénombre nocturne. La joie éclate ici et là, connote une profonde légèreté, et même Dee' s'attarde à laisser de côté les ennuis, préoccupations et autres délires existentiels. La simplicité du moment fera son bonheur, tout comme la femme qui se tient à son bras. - C'est plutôt cool d'avoir un acolyte pour dissoudre le temps en vitesse. Lui, au moins, il doit savoir enfiler une cravate. le regard oblique, se pare d'un éclat amusé; c'est raté, Quinn, il en faudra plus pour que l'aorte mâche son travail et qu'il lui porte un coup d'œil inquisiteur. A s'écarter du monde et du vivant en général, certaines émotions ont tendance à se faire la malle, Silver en fait pourtant pointer quelques réminiscences, mais Devon possède assez de recul (ou du moins, s'en persuade-t-il) pour en prévenir les contours.

Enfin sur la glace. A quelques sensations près, l'idée est la même qu'en rollers. Tout n'est qu'équilibre, et grâce de mouvement. Il faut se laisser porter, assouplir les muscles qui rêvent de crisper leurs fonctions pour maudire les chutes; Dee' se sent libre, léger, quelque peu enfantin, comme si l'innocence fleurissait là, sous la courbe argentée des patins. - Une Quinn non assurée, tiens donc.. le sourire éclate, amusé et fier, fier de partager ce plan potentiellement désastreux avec elle; ces instants valent de l'or, le cristallin scintille, d'ailleurs, de ce plaisir sincère, pur, désintéressé. - Inutile de me l'interdire. c'était évident, dès lors qu'il a proposé. En face à face, paumes de mains contre paumes de mains, le regard s'ancre dans le sien; Dee' amorce le mouvement, assez lent pour lui permettre d'éprouver la sensation de glisse, assez rapide pour lui laisser entrevoir le côté addictif. - On aurait pu faire du patinage artistique ensemble. dans une autre vie, plus tard, dans une distorsion parallèle, qui sait. Et, puisqu'un gamin manque de couper leur trajectoire, Dee' plante un coup d'arrêt, attire Silver de ses ailes d'acier, mains épousant naturellement les courbes de ses hanches. - Content de partager ça avec toi. La dernière fois que j'en ai fait, c'était sur un lac gelé.. Une vraie merveille. presque aussi incroyable que celle qu'il garde à son côté.   

Est-ce qu'elle se reconnaitrait, si elle venait à lire l'ébauche de son prochain roman ? Probablement. Ce personnage mystérieux, qui oscille perpétuellement entre lumière et obscurité, qui plait et semble avoir le monde à ses pieds, sans détenir, pourtant, la clef du bonheur, éternelle introuvable et manquante à son impressionnant palmarès. Serait-ce une représentation de Silver ? Peut-être, avec des limites. Ce ne sont que des fantasmagories, tirées aux méandres créatrices du quotidien. Un remake de romantisme interdit, l'immuable cliché de l'amour proscrit; une princesse et un vaux-rien, digne d'une tragédie.

- J'attends d'voir ça. le concept est simple, mais l'image n'en demeure pas moins plaisante. Une proximité fugace, le concours des doigts habiles autour de sa nuque, des regards croisés.. un énième cliché, pour satisfaire son côté fleur-bleue. Même si, d'un autre côté, Silver verrait clair dans ses yeux, et n'importe quelle personne attentive à son regard pourrait comprendre qu'il nourrit, à son égard, une affection particulière. Ce n'est pas près d'arriver, no worries. Peut-être aurait-il été légitime dans l'une de ces soirées, s'il s'était fait une renommée au basket, devenant plus qu'un joueur de réserve. Dans une autre vie.

Ce côté plus "vulnérable" lui donne un certain charme, bien loin de la femme en contrôle permanent d'une petite vie dorée; ici, c'est la maladresse, un soupçon d'innocence (qu'elle réfutera, mais qu'importe), et la simplicité en prime, pour sublimer sa grâce intemporelle. Peut-être aurait-il osé l'embrasser, s'ils s'étaient trouvés en pleine étendue gelée, au beau milieu des sapins, à la bougie d'un crépuscule naturel; ou à New-York, sur l'une des pistes mythiques qui font la réputation hivernale de cette grosse pomme. Ici, Devon se contente d'admirer, de toucher avec les yeux, ses traits graciles, sa profondeur d'âme où il aspire à plonger. - Autant que possible.. J'fais surtout du roller, mais j'ai eu droit à quelques instants sympas, au Canada et en Norvège, notamment. tant de passions pour une minuscule et courte existence, tant à voir, à faire et toucher, découvrir, tant qu'il s'épuise et maudit le temps, de ne compter que vingt-quatre petites heures pour s'abreuver ici et là. - On va déjà t'apprendre à tenir en équilibre.. Après, tu verras, tu pourras tourner avec moi. tel un danseur, Devon pivote, les doigts sur sa hanche demeurant son seul ancrage; la musculature s'invite à son côté, une main au creux des reins pour garantir l'équilibre, quand l'autre retrouve sa paume jumelle. - Un peu plus vite cette fois. dépose un chaste baiser sur les phalanges, puis l'entraîne de nouveau ; - comme une grande ! lâchée dans le grand bain, sur cette ligne droite dégagée, Dee' accélère pour mieux se tourner, glisse comme une australe nébuleuse jusque dans son regard ambré.    

Acquiesce d'un léger signe de tête, puis imagine, une seconde durant, l'enlever aux rues bétonnées, l'emporter en terre de souvenirs, où les préoccupations ne déchaînent pas leurs angoisses, où les esprits peuvent flotter librement, à l'abri des affres quotidiennes. - ça l'est.. mais tu le verras peut-être toi même, un jour. avec lui, ou pas, qu'importe dans le fond, tant qu'elle parvient à y déceler cette beauté dont il ne cesse de s'abreuver.

Reprend l'expérience artistique, s'amuse gentiment de l'arrogante en difficulté, mise au défi de tenir seule, tandis qu'il observe, à reculons, la maladresse inédite de Quinn impératrice. - comme si t'étais en mesure de m'interdire quoi que ce soit.. les bras se balancent, suivent la course gracile des jambes, véritables plumes filant à fleur de glace, alors que Silver perd l'équilibre.. toute seule, comme une grande. Comique. Il faut chuter pour apprendre, c'est une règle tacite. - probablement. il n'en esquisse pas moins une moue amusée, puis revient à son côté, s'abaisse et glisse ses mains contre les siennes, lui propose son appui pour se redresser. - t'auras sûrement un bleu.. faudra passer de la crème, histoire que ça se résorbe rapidement. elle le maudira, au risque de ne plus vouloir le suivre sur la glace. Les lèvres se fraient un passage contre la chevelure, gratifient la belle de sa tendre affection; - on peut s'en aller, si tu veux, avant que tu ne me haïsses définitivement.     

Aux antipodes du romantisme, gaffe l'homme sans même s'en apercevoir. Tout n'était que jeu, détente et partage d'une sensation à laquelle il est lui-même addict; Devon n'envisageait pas réellement la chute, bien qu'elle soit (à son sens) nécessaire à l'apprentissage. Mais peut-être a-t-il confondu sa philosophie avec celle de Quinn. Après tout, tomber n'a rien de dégradant, encore moins de ridicule; tomber est un passage obligatoire, pour quiconque aspire à vivre dans ce monde. Mais.. peut-être effleure-t-il les limites de Silver. L'instinct chevaleresque brouillé par l'historique horrifique des visions d'urgences, tourne la maladresse en une banalité quotidienne. Le cerveau relativise, et le côté fleur-bleue se heurte aux contours déconstruits de clichés à l'eau de rose. - Oui, j'peux encore faire ça. mais déjà, la belle s'échappe, fuit les bras au profit de la balustrade, tandis qu'il observe, partagé entre peine et incompréhension. - C'est pas si grave, tu sais.. aveugle au problème, aveugle quant aux attentes de la naïade; quelque chose ne va pas, bien qu'il ne mesure pas l'ampleur des ennuis. Silver avance, quitte la glace sans se retourner; assez clairvoyant pour comprendre qu'elle pose là une distance, non seulement entre la patinoire et elle, mais aussi entre eux. - Silver.. murmure en sortant à son tour, enlève les patins et se rechausse, canalise l'appréhension à l'incisive d'une morsure de l'inférieure, observe la foule anonyme et se demande encore pourquoi la soirée lui échappe. - c'était rien qu'une chute, comme j'en ai pris des dizaines.. pourquoi on dirait qu'le ciel vient de s'abattre sur nos têtes ? amplification, exagération, cherche le noyau putride afin de s'en débarrasser, préfère crever l'abcès plutôt que d'observer le silence de plomb.     

Le fil lui échappe, ne laissant pour unique option que celle du laisser aller. Lâcher prise, quand il souhaiterait retenir. La soirée pourrait tourner autrement, se jouer de façon différente, sans cette tension oppressante qui pousse chacun dans une direction opposée. On reviendra l'un vers l'autre, même s'il ne comprend pas la nature du problème. Silver lui file entre les doigts, et il ne peut qu'acquiescer. L'observer, australe nymphe, douceur amère aux piquants acérés. Le romantisme changé en brûlure, la glace en vitre les séparant. - mmh, okay..? repose toi bien, j'imagine. la joue accepte le baiser, impassible perplexe, encore en quête du nœud dans la pelote, se demande à quel moment tout a merdé. La chute, mais pourquoi ? - Bye, murmure la silhouette esseulée, se mord la joue en songeant à la soirée.. les plans viennent de changer, damnit.