moon, comet, etcetera //
(( s o l i n a ))
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fugitive planquée entre les murs sacrés, à l'heure où la nuit s'apprête à tomber. dehors, les nuances exquises de l'orange au vermeille pour peindre un ciel qui semble juger trop fort. dedans, les teintes immaculées font ressortir le goût du sang. comme si ça comptait encore d'essuyer ses péchés avant le lever de la lune, comme si ça comptait au moins jusqu'à demain. et puis, recommencer. cercle infernal dont la boucle ne sera jamais bouclée, trébucher sur l'obstacle mais n'jamais avoir la force de l'retirer. tina, elle sait plus si elle doit se sentir chez elle ici ou reconnaître qu'elle n'est plus que l'enfant illégitime du tout puissant. les mains jointes finissent par se desserrer, mal à l'aise de n'plus trop savoir comment ou qui prier. ingrate qui quémande la rédemption quand chaque jour un peu plus, elle attise les flammes des enfers. ce foutu doute qui suffit à l'amener à chaque fois jusqu'ici, sainteté qui suffit à l'apaiser pour un temps, berce comme maman, attrape les phalanges pour la guider doucement en arrière, vertueuse époque où à sa gauche et puis à sa droite ; les places étaient encore occupées. les ongles qui éraflent le bois du banc quand il se met à frapper ; le retour à la réalité. les acouphènes qui reviennent menacer les tympans, énième coup dur pour le déni qui s'accroche et qui résiste, vieil ennemi ou meilleur allié. repliée dans sa dévotion, tina se risque à rouvrir les yeux sur la factualité. sinistre. elle balaie les visages de ses yeux noirs, trie les neufs des réguliers, traverse sans s'poser. jusqu'au regard familier. madeleine de proust qui contraint le corps à chanceler, oblige l'échine à s'écraser sur le dossier, le palpitant à louper son battement. bruit de serrure au fond du crâne ; ouverture de cette putain de boîte de pandore. tu portes ses traits sur un corps altéré. refonte du gosse qu'elle a aimé aimer. artisan des premiers planeurs au creux de l'estomac. est-ce que c'est toi ? tomber sur toi. retomber. inexorablement. à moins qu'elle ne se soit jamais vraiment relevée tina, chute éternelle qui n'a de limites que les imaginaires, de celles qu'on façonne pour essayer d'oublier. avancer. refaire sa vie, comme ils disent. depuis toi, depuis ça, tina s'est acharnée à la défaire.
s o l a l - même les lettres de ton prénom ont l'effet du verre brisé sur la langue. elles écorchent du souvenir ; quand elles s'échappaient si souvent de ses lippes, murmurées comme une incantation. solal.. solal.. comme un mirage. fantôme du passé qui s'évertue à venir parsemer de noir quelques unes de ses nuits blanches.
mais, t'es pas vraiment là n'est-ce pas ? t'es pas capable d'y être parce que t'es censé être resté là où elle t'a laissé tina, à l'abri des fins douloureuses et des ruptures incurables. comme si t'avais jamais existé, comme si l'histoire était fictive, montée de toutes pièces dans l'architecture encéphalique d'une gosse qui avait besoin de s'exiler quelque part. dans tes bras. voilà, c'est tout. t'as jamais existé solal. elle s'en est persuadée, convaincue pour que ça fasse moins mal. te muter en un ami imaginaire, un sanctuaire, un putain de placebo. rectifier le tir, même si c'est elle qui a appuyé sur la détente. subconscient qui joue des tours à te faire réapparaître sous ses billes noires, elle grogne tina, entre ses dents serrées à maudire ses traumas, ceux qui se pointent comme des flashs, lumières rouge clignotante comme pour lui rappeler qu'ils ne dorment vraiment jamais, qu'elle ne s'en sortira pas indéfiniment. l'audace qui pousse à affronter l'angoisse et elle se lève la brune, s'accroche à la sangle du sac pour empêcher les jambes de flancher. fait tinter la pierre froide des aiguilles des talons, fonce tête baissée.. droit dans l'mur. e n c o r e. l'épaule qui accroche la tienne et les yeux qui peinent finalement à s'risquer de vérifier. la moitié du visage presque à l'abri, camouflé sous les mèches brunes. ces yeux bruns. envoûtants. parfait écho aux siens. elle voudrait parler tina, balbutier n'importe, s'excuser d'sa maladresse, prétendre s'être trompée d'adresse. mais rien n'sort, mots bloqués au fond d'la gorge s'amassent et s'font durs à avaler. elle t'a banni de son ciel comme on arrache un pansement ; brutalement. il paraît que ça fait moins mal. alors c'est quoi, là, cette lame froide qui vient se planter dans le myocarde, gratter une plaie encore purulente ? dégage. disparais encore. que l'palpitant puisse se remettre à battre normalement, pour que le sang dans ses veines, circule à nouveau correctement. va t'en encore, solal.
@Solal Zaher
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