Conquest of Paradise | Ellingter

Si hier en fin d’après-midi je jouais aux plus malignes en conduisant une moto neige, en sachant où j’allais parce que c’était un guide qu’Ella et moi, on suivait. A présent, les pieds dans la neige et le nez froid, je ne peux qu’affirmer, qu’elles ne sont pas toujours bonnes, mes idées. Oui, ça, je veux bien l’avouer. Puisqu’à défaut d’aller profiter du festival, de nourriture, de boisson et d’un brin de folie. Là où tous les participants de ce weekend semblent être allés, j’ai préféré lui proposer d’aller nous balader en montagne, en forêt. Alors que ce n’est plus utile d’en douter, clairement ce n’est pas le meilleur moment de l’année ou même de la journée pour s’aventurer dans une petite randonnée. Surtout pas quand le soleil commence à décliner. Qu’elle est de moins en moins claire, la vallée.

Puis, l’orientation, ce n’est pas le sens pour lequel je suis la plus douée, loin de là, je ne sais pas l’utiliser, voilà ce que je crois. Et les arbres, et la neige, je le jure, depuis quelques minutes, ce sont absolument tous les mêmes. Des points de repères, je n’en ai aucun, mais pour le moment cela dit, je ne dis rien, je me contente d’afficher un air serein, de faire comme si je ne paniquais pas, que tout allait parfaitement bien. En toutes circonstances, je maitrise les faux-semblants de mon existence, surtout lorsque je suis avec toi, parce que c’est une métaphore, n’est-ce pas ? On est perdu dans cet endroit, comme on l’est dans cette relation qui n’existe pas. Ce n’est que pour une illusion que l’on se bat. « Je pensais que tu ne viendrais pas. » Parce qu’on se croise sans jamais se voir, au détour d’envies qui ne savent écrire une véritable histoire.

MADE BY @ICE AND FIRE.

Je m’étais ramené et j’avais trainé Camille ; on avait besoin de ça. D’accord, peut-être plus moi que lui. L’homme allié était un roc friable en son sein. J’n’avais pas encore réfléchis à la manière de piquer, ni comment souffler les vérités que je connais. Alors, je le garde près de moi. C’est toi, que je laisse davantage vagabonder. L'égoïsme me soufflant qu’avec un peu de chance, j’étais le seul -ou presque-, à avoir perçu ta valeur. Puisque je suis bien incapable de te laisser resplendir comme il le faudrait, c’est de l’air que je t’offre. T’en fais quoi, de cet oxygène ? Est-ce que quand tu l’inspires, tu penses un peu à moi ? Est-ce que ça brûle quand ça gagne tes poumons ? Pas loin du cœur, le vital devient toxique. J’ai jamais su vraiment gérer les dosages. Comme l’orientation. Comme les décisions, les pas en arrière quand il le faut. Tu proposes et je dispose. Un sac à dos pas suffisamment rempli pour assurer nos arrières en cas d’emmerdes, mais la langue bien pendue pour te déblatérer toutes les connaissances que j’ai emmagasiné sur les lieux. Disons que parler de tout sauf de ce qui déconne entre nous, ça me va bien. J'entraîne mon cœur à moi, à mieux endurer les perturbations. L’attention sur mon récit, orateur auto-centré, et la confiance en tes pas. Sauf qu’aucun de nous deux n’a pris l’ascendant sur la direction, alors nous tournons en rond. Je ne le vois pas. Y  a tout un tas de choses que je ne vois pas. Je ne comprends même pas le sens de ta question. “Ici, en vacances ? Ou avec toi ?” Les phalanges appuyées contre le tronc d’un arbre, je prends quelques secondes pour regarder autour et admirer ce paysage qui ressemble parfaitement au précédent. Une encoche sur les lèvres quand je te regarde. “J’en avais envie.” Précise. “Pour les deux.” Parfois tu vois, j’ose prendre une décision, aussi futile soit-elle. Les sourcils se froncent à peine. “Pourquoi tu pensais ça ?” Soit j’ai l’air trop chiant pour prendre des vacances, soit trop distant pour sembler vouloir passer un moment avec toi. Quoiqu’il en soit, j’me suis encore pris les pieds quelque part. Destiné à trébucher.

MADE BY @ICE AND FIRE.

C’est étrange car lorsque mon regard croise le tien, j’ai la sensation d’avoir dit une bêtise, un truc sorti de nulle part, comme si tu ne comprenais pas. A dire vrai, ce n’est pas la première fois, Jasper, n’est-ce pas ? Que nos longueurs d’ondes ne s’entrecroisent pas. En fait, on pourrait même parler d’habitude… Elles diffèrent nos latitudes. Tu gagnes le Nord quand je trouve le Sud. “Ici, en vacances ? Ou avec toi ?” Peut-être un peu des deux, c’était une réflexion qui sonnait comme une généralité. Du coup, je serre les mâchoires, parce que j’ignore ce que je me dois de prononcer. Je ne veux pas gâcher le moment avant même qu’il n’ait réellement commencé.

J’en soupire lorsque je le regarde s’appuyer à l’arbre givré, me narguant de la nonchalance qu’il s’évertue à me montrer. “J’en avais envie.” J’en mords ma lèvre inférieure, je tente de pallier le bon que vient de faire mon pauvre cœur. “Pour les deux.” Je soupire de soulagement et presque, de ma faiblesse, je m’en veux. “Pourquoi tu pensais ça ?” J’en hausse les épaules, je me dédouane par avance, « Ah ça, » hésitante, la docteure, qui tâtonne dans une relation qu’elle s’évertue à conserver, malgré le fait que tout lui hurle de partir de l’autre côté, de laisser tomber, elle aime trop se battre pour des causes désespérées, « parce que t’as tout un bus ? » regarde comme je le place bien, comme je sais faire semblant que ça ne me fait rien. L’insolence, je maitrise, moi aussi. L’effronterie joliment travestie. « Tu veux que je te dise… ? » Le suspense, là encore, j’arrive à le jouer, j’attends ton approbation pour reprendre le fil de la discussion, « Je crois qu’on est perdus. » dans le cœur de ce mont, mais surtout dans notre relation.

MADE BY @ICE AND FIRE.