You know what ? Let's just swim and talk a bit ft. Lara (14.01)

Les annonces du lundi matin avaient créé bien plus de peur que de mal. Tout du moins, c'était ce que Ji-hun espérait. La fin de l'année passée n'avait pas été fructueuse pour les swimmers and divers des Crimson, qui avaient reçu des scores lamentables, ainsi leur faire louper un entraînement à cause de mesures mises en place à la hâte n'avait pas été pour les aider. Ce fut avec cet esprit compétitif que Ji-hun se rendit au Blodgett pool, afin de rattraper ce qui n'avait pu être fait ce mardi. Comme d'habitude il se savonna sous les jets, de haut en bas, avant d'entrer dans l'espace réservé au bassin. Discipliné et concentré, il se posa de côté et étira chaque partie de son anatomie, contracta et détendit chaque muscle qui faisait son corps avant de grimper sur le muret. Il vérifia son bonnet et remplaça ses lunettes avant de plonger. Bras droits devant, tête rentrée entre ses biceps, il fila comme un poisson sous la surface et entama un aller, puis un retour, et encore un aller, avec sérieux.

Cependant, à chaque longueur, il se trouva ralenti par l'un des sportifs du samedi, ou gêné par les mouvements bourrés d'insécurité d'un habitant venu tenter la natation à coup de «pourquoi pas». Il se montra patient, mais au bout d'un quart d'heure, il n'eut d'autre choix que de sortir sa carrure d'athlète de l'eau chlorée et de s'installer sur le rebord, jambes à moitié immergées. Le torse se bombait au rythme de sa respiration, parce qu'il avait tout de même tout donné, mais comment espérer s'entraîner avec application parmi la foule ? Détail auquel il n'avait pas réfléchi. Aujourd'hui, il devra se contenter de faire trempette, et d'attendre que le tout public se fatigue pour tenter une percée. Il désactiva alors l'option de sa montre, clôturant ainsi ses espoirs d'améliorer ses temps, quand une jeune femme aux cheveux bruns apparut à ses côtés tel un dauphin qui se serait volontairement extirper de son habitat naturel pour se poser avec grâce sur l'esplanade.

Elle n'était pas une débutante, ce fut ce qu'il se dit en la voyant si à l'aise dans l'eau que sur terre. Jolie, commenta-t-il, avant de reprendre pour effacer toute ambiguïté, votre sortie. Il lui sourit avant d'engager la conversation : sportive, ou une grande habituée ? Son accent trahissait le fait qu'il n'était pas né ici. Étranger qui ne l'était plus tant que ça, à présent.

You know what ? Let's juste swim and talk a bit - @Ji-hun Hwang
J'avais toujours aimé nager. J'aimais l'effort et la discipline que cela demandait, sans jamais aller dans le frontal mais plutôt dans la subtilité. J'aimais enchainer les longueurs, me concentrer sur ma respiration et sur mes muscles qui s'afféraient à la tâche. Ca me détendait, me vidait l'esprit. Et c'était exactement ce don j'avais besoin actuellement. J'avais été recrutée ainsi que d'autres danseurs pour le ballet du Lac des Cygnes, dont la représentation se tiendrait à Boston. Si j'étais aux anges, le plus dur était à venir puisqu'ils n'avaient pas encore sélectionné leur cygne principal... et je comptais bien tout donner pour avoir ma chance. Depuis j'étais sous tension, bossant comme une acharnée tous les soirs jusqu'à pas d'heure. Les communiqués n'avaient fait qu'aggraver la situation; la piscine s'était retrouvée prise d'assaut par tous les étudiants et bostonien, m'empêchant de nager comme à mon habitude c'est à dire, sans être dérangée. Et malheureusement, même si les restrictions s'étaient allégées, il semblait que tout le monde avait pris goût à la natation tout d'un coup. Au bout de plusieurs minutes à batailler intérieurement pour ne pas littéralement couler les débutants qui m'empêchaient de nager, je finissais par m'extirper de l'eau pour m'asseoir sur le rebord, le souffle court. Ce n'est qu'à cet instant que je remarquais cet homme à ma gauche, qui semblait en avoir fait de même. Je soupirai, retirant mes lunettes. Dévisageais un instant l'inconnu en entendant sa remarque, avant d'hocher légèrement la tête. Merci dis-je, les gouttelettes d'eau ruisselant encore sur mon visage. On va dire les deux... vous non plus vous n'arrivez pas à nager ? demandai-je avec un léger ton compatissant. Il suffisait de voir comment il était taillé pour comprendre qu'il n'en était pas à son coup d'essai.

Impossible de se mouvoir comme il le voulait, Ji-hun eut l'affreuse sensation de pouvoir couler à tout moment, giflé par un mouvement effectué de travers, ou assommé par un plongeon mal cadré. L'environnement ne lui semblait pas propice à l'entraînement, se montrait même dangereux pour un nageur concentré sur ses battements de jambes et l'arc de ses bras. Il décida donc d'arrêter le massacre et de s'installer sur le bord de la piscine. Il inspira et expira lentement pour commencer à gagner une respiration moins agitée, et éteignit les données qui continuaient de s'enregistrer à son poignet. Moment où une jeune femme sortit de l'eau aussi, poussée par la force de ses bras à venir s'asseoir près de lui. Il ne put s'empêcher de complimenter la manière dont elle s'était envolée sans éclaboussures – ou presque.

Les gouttes ruisselaient déjà sur leur corps respectif, créant une flaque sur les contours beiges de la piscine. À sa question, il tira sur ses lunettes, regarda le bassin, observa les lignes de nage. Une mimique à ses lèvres apparut, signant sa résignation. Je ne viens pas ici, d'habitude, avoua-t-il. Pas en-dehors des compétitions et des quelques entraînements qui s'y passaient, en tout cas. Il attendait patiemment de pouvoir rejoindre les vagues de l'océan, sa meilleure récréation. Je ne pensais pas y trouver autant de monde, ajouta-t-il avant de gonfler ses poumons puis de soupirer. C'est... la première fois que je ne me sens pas à l'aise dans l'eau, rit-il. Depuis sa fuite de Corée du Nord, où la mer de l'Est avait plus souvent été son ennemie que son alliée. Jay, se présenta-t-il, en lançant sa main droite en direction de la jolie brune pour se serrer la pince.

Si le développement de ses muscles signait la marque unique de la natation, il était curieux de savoir ce qu'en disait sa silhouette. Sportive et habituée, elle avait dit. Parmi tous ces gens, je ne vous ai pas vue nager, fit-il, vous faites partie d'un club, l'interrogea-t-il. De ceux qui menaient ses adhérents sur les podiums ?

You know what ? Let's juste swim and talk a bit - @Ji-hun Hwang
Il n'y avait rien de plus agaçant que ne pas pouvoir nager tranquillement avec fluidité. Ca pouvait s'apparenter à la conduite, lorsqu'on a quelqu'un devant soit qui conduit mal, n'avance pas et qu'on se retrouve frustré. J'étais exactement dans cet état d'esprit à cet instant, et cet inconnu devait certainement avoir perçu mon impatience dans ma voix. On pouvait relativiser en se disant que la piscine était un lieu public, ouvert à tous, et qu'il fallait donc vivre en communauté. Oui et bien parfois, je m'en serai bien passée de la communauté. Il semblerait que certains se soient trouvés un nouveau passe-temps depuis la fin du couvre feu commentai-je lorsqu'il m'avouait ne pas s'être attendu à autant de monde. A mon grand désespoir. Et au sien aussi, de toute évidence. J'appréciai le trait d'humour de sa remarque, et mon visage se détendit petit à petit, esquissant presque un sourire. Lara, enchantée Jay répondis-je en acceptant sa poignée de main, accueillant avec plaisir ses marques de politesses. J'essuyais les gouttelettes qui perlaient à présent mon visage d'un mouvement de bras, me yeux glissant malgré moi sur la foule devant nous qui s'essayait à la nage pendant que nous discutions. Non, je nage pour le plaisir... pour me challenger aussi ajoutai-je, histoire d'être honnête. Je venais ici déjà lorsque j'étais étudiante, à l'époque il n'y avait pas autant de monde.

Poignée de main offerte, accompagnatrice de présentations, et acceptée par Lara. Prénom qui trouva écho entre les lèvres du nageur,  pour l'assimiler, la deuxième et dernière syllabe se perdant dans la naissance d'un énième sourire. Enchanté , fit-il. C'était toujours plaisant de rencontrer d'autres personnes, d'autant plus s'il trouvait en elles des points communs. Et ce fut le cas, avec la demoiselle à l'allure sportive à ses côtés. Le plaisir de nager, l'envie de se challenger, il semblait qu'il ait trouvé là une part de son reflet au féminin. Il plissa les yeux, et opina du chef, acquiesçant subtilement, comme s'il avait pu dire ces mots lui aussi. Pourtant sa présence ici s'expliquait par bien plus que ça.

Je fais partie des sportifs d'Harvard, informa-t-il sa voisine, on a perdu quelques heures d'entraînement, à cause des restrictions annoncées en début de semaine. Règles qu'il avait prises comme une punition quand il n'avait jamais fauté. Il ne s'était pas reconnu dans le discours de la Doyenne, avait toujours privilégié son doctorat et ses scores chez les Crimson. Ça n'avait eu aucun sens à ses tympans, mais qu'importait. Il en était là aujourd'hui, à vouloir rattraper ce qui – semblait-il – ne pouvait pas l'être. J'aurais essayé..., lâcha-t-il. Il préférait revenir vainqueur de ses aventures, mais il fallait bien admettre lorsqu'on était vaincu. La foule, aujourd'hui, aura eu raison de sa séance, c'était comme ça.

Il osa tourner la tête vers son interlocutrice, et se permit de détailler sa silhouette, en espérant ne pas paraître impoli. Vous êtes plutôt bien taillée pour une femme qui nage que par plaisir, lança-t-il tout en détournant les yeux, histoire de ne pas paraître insistant, je suis curieux... Il laissa un éclat s'échapper d'entre ses lèvres et glissa ses lunettes sur le bonnet, mais ne fit pas disparaître ses yeux derrière – pas encore. La curiosité pour le monde scientifique était apparue bien assez tôt en lui, mais elle avait grandi, dépassant son unique intérêt, aussitôt le pied posé sur le continent américain. Si les problématiques avaient été les seules questions qu'il s'était permis de poser, il en était autrement aujourd'hui.

You know what ? Let's juste swim and talk a bit - @Ji-hun Hwang
Ainsi il était étudiant à Harvard. Au fond ça n'avait rien d'étonnant, il y avait tellement d'étudiants à Boston, et Harvard était une université immense. J'étais restée très attachée au campus, et si j'aurais préféré oublier certains souvenirs vécu là bas, je n'en gardais pas moins beaucoup de bons moments. Oh, tu dois faire partie des Crimson alors ? commentai-je, avant de l'entendre m'expliquer qu'il avait raté plusieurs entraînements à cause des restrictions imposées en début de semaines. Le tutoiement était venu naturellement, sans que je ne m'en rende vraiment compte. J'hochais légèrement la tête, ne pouvant que comprendre cette frustration qu'il devait ressentir. Je savais qu'à sa place, j'en aurais été malade. Je comprends... dis-je, compatissant à sa situation. Peut-être que tout n'est pas encore totalement perdu. En tout cas on peut dire que tu auras tout tenté ajoutai-je avec un léger sourire en faisant référence à la situation actuelle. La piscine municipale de Boston bondée de monde avait clairement été sa dernière chance le pauvre. Puis son visage se tourna plus concrètement vers moi, détaillant ma silhouette. Le toisant de prime abord, je compris rapidement qu'il était davantage en train de jauger ma forme physique que réellement de me mater, même si ça pouvait clairement porter à confusion. Je me pinçai les lèvres, amusée. Je vois ça dis-je avec légèrement alors qu'il semblait lui-même gêné de son propre comportement, ce qui était assez mignon. Je suis danseuse. Et je pratique pas mal d'autres sports aussi dis-je en haussant légèrement les épaules. Je n'étais pas à l'aise lorsqu'il s'agissait de parler de moi. Qu'est-ce que tu étudies à Harvard ? demandai-je, curieuse à mon tour.

Le regard capta le corps de la brune à ses côtés, suivit les lignes de sa silhouette pour la scanner. Et si l'intention était simplement de confirmer qu'elle ne semblait pas être amatrice de natation, il se rendit compte que sa façon de faire pourrait la mettre mal à l'aise, alors il regarda ailleurs, prenant un faux plaisir à passer en revue les nageurs du week-end battre mollement des bras, quand lui agitait des membres semblables à des nageoires. Il s'excusa en silence, en ne reportant son attention directement sur la jeune femme pour l'instant. Il apprit qu'elle était danseuse de métier, et pratiquait bien d'autres activités. Il ne put s'exprimer autrement que par un : wah ! Même s'il croisait au quotidien des étudiants aux statuts sociaux bien différents, il ne pouvait qu'être admiratif.

Je suis étudiant-chercheur en pharmacologie , répondit-il lorsqu'il fut question de ses études à Harvard. Après deux masters validés en chimie et biologie, Ji-hun avait tout mis en oeuvre pour voir céder les portes du doctorat, et travailler sur un projet de thèse qui lui tenait à coeur. Aujourd'hui il passait son temps entre sa formation doctorale en amphithéâtre et ses travaux en laboratoire, il assistait son professeur dans ses recherches et prenait place derrière le micro des conférences scientifiques. Des projets plein la tête émergeaient encore toutefois, à croire qu'il n'en avait jamais assez de s'accomplir en tant qu'homme. Vous avez étudié à Harvard, vous aussi, l'interrogea-t-il. Avant d'être cette femme aux multiples talents artistiques et sportifs, elle devait bien être passée par une université.

Il ne la regardait toujours pas, gêné qu'elle ait pu croire qu'il avait été tenté d'entrer dans la contemplation des parties les plus intimes. Elle était une jolie femme, Ji-hun se rendrait menteur d'affirmer le contraire, mais il ne voulait pas passer pour ces mecs lourds qu'on croisait un peu partout, à l'affût d'une paire de fesses ou d'une poitrine à mater. Il ne se permit pas de la tutoyer, car elle paraissait un peu plus âgée – ou au moins bien plus engagée dans la vie que lui, mais proposa : vous viendriez faire quelques longueurs avec moi ? Une brasse tranquille dans les flots chlorés de la piscine municipale. Ça n'avait rien d'extravagant, rien de romantique, et c'était là tout le but recherché : de se défaire de ce regard, sur elle, précédemment posé.