Il est tard, presque trois heures du matin et dans ta chambre tu feuillettes ce journal intime que tu avais écrit des années auparavant, des souvenirs te reviennent en mémoire, une larme coule sur ta joue, tu te souviens de tout, des odeurs, des visages, de leurs voix. Une nostalgie intense qui te prends au trippes. Les mots d’une enfant écrits sur un journal qui n’a pas été ouvert depuis, la sensation d’entrer dans la vie de quelqu’un d’autre pourtant ces mots ce sont les tiens.
3 mai 1999 Mon cher journal, aujourd’hui papa nous a encore laissé dans la grande maison de mamie avec Adonis, je ne comprends pas vraiment pourquoi il ne s’occupe jamais de nous, j’ai l’impression qu’il ne nous aime plus, j’ai peur quand il n’est pas là. Mamie est gentille, je l’aime beaucoup, pourtant il me manque un papa et une maman, je ne sais pas où elle est maman. Papa me dit qu’elle est partie, qu’un jour elle reviendra pourtant ça fait longtemps qu’il dit ça mais elle n’est jamais revenue, je crois qu’il y a que mamie qui veut bien s’occuper de nous finalement.
15 juin 1999 Mon cher journal, je suis désolée de ne pas t’avoir ouvert depuis tout ce temps, mais tu sais ce n’est pas facile en ce moment. Il y a un peu plus de deux semaines que papa est définitivement parti, mamie m’a dit que lui aussi est allé rejoindre papi et je crois que j’ai compris que je ne verrais plus jamais aucun d’eux, on a retrouvé papa dans un son lit, il ne bougeait plus, mamie m’a dit qu’il vivait dans ma tête désormais, mais moi ça me fait un peu peur tout ça. Alors je suis allée dormir avec Adonis, il a dit que je ne devais pas avoir peur que lui il serait tout le temps là, il me l’a promis alors je le crois.
11 septembre 2001 Mon cher journal, aujourd'hui j'ai regardé la télé avec Adonis et mamie, ça m'a fait peur, je suis bien contente de pas vivre à New York, on a vu des avions s'écraser dans les plus grandes tours de la ville. Adonis était comme un fou, mamie a pleuré, il lui a promis qu'il vengerait le pays, mamie lui a dit que c'était un bon américain et que papi serait fier de lui. Moi j'ai pas tout compris, ils m'ont dit qu'il m'expliqueraient quand je serais plus grande, mais j'ai 9 ans, je suis grande ! C'est pas juste !
20 mars 2003 Aujourd'hui j'ai vu partir Adonis et j'ai beaucoup pleuré, il m'a promis qu'il reviendrait mais moi j'ai peur. La guerre a commencé, avec mamie on regarde souvent les informations pour savoir ce qu'il se passe, je pleure souvent et elle me prend dans ses bras en me disant que je ne dois pas m'inquièter, j'ai onze ans et j'ai l'impression que je ne verrais plus jamais Adonis.
18 juillet 2005 Je crois que je n'ai plus la force d'écrire mes maux dans ce journal, Adonis est mort il y a deux semaines aujourd'hui, demain il y aura la cérémonie des obsèques, je n'ai plus la force alors je te fais mes adieu mon cher journal, tu es le témoignage de mon amour pour lui et je te garderais bien précieusement.
Une larme coule sur ta joue, ces paroles innocentes qui te touchent sont celles d’une enfant qui a grandi dans un monde qu’elle n’a jamais bien compris. La pluie bat contre ta fenêtre, tu t’allumes une clope et tu t’assois sur ton lit. Tu repense à ton frère et à cette putain de guerre d’Irak, , il t’avait promis qu’il serait là, il te l’avais juré pourtant la guerre prends les fils, les frères, les amis, les amours, les enfants sans qu’on puisse réellement faire quelque chose. Il est mort le 18 juillet 2005 et t’aurais préféré qu’il n’y aille jamais. T’as toujours été convaincue que si ton grand père était encore au pouvoir rien de tout cela ne serait arrivé. T’aurais du le retenir, t’as jamais compris pourquoi ta famille était tant dévouée aux Etats-Unis, tous prêt à donner leurs vies pour ce pays, mais toi, toi ça te fais mal.
Aujourd’hui tu connais toute la vérité sur ta famille. Qui était John Fitzgerald Kennedy, comment il est mort. T’as cette sensation qu’une malédiction s’est abattue sur les hommes de la famille Kennedy, tous morts les uns après les autres. Tu t’es retrouvée seule avec ta grand-mère, comme si vous étiez les deux seules rescapées.
Tu te souviens encore de ce jour-là où on est venu taper à ta porte, une dame, une belle femme, étrange ressemblance qui pouvait vous unir. Elle devait te parler c’est ce qu’elle disait. Vous avez discuté tout une après-midi dans le jardin d’hiver, ta grand-mère a passé tout ce temps là à la fenêtre peut-être avait-elle peur que tu la laisse seule, que tu partes avec cette femme, savait-elle qui elle était avant de te la présenter ? Sans doute. Les mots de cette dame raisonnent encore dans ta tête « Azela, je suis ta mère » alors tu l’as écouté te parler, t’expliquer pourquoi elle était partie, elle ne supportait pas cette vie, cet héritage qui n’était pas pour elle. Elle n’était pas prête à porter ce nom, passer d’un simple blaze à Kennedy n’était sans aucun doute pas une chose facile et tu l’as bien compris, tu ne peux pas lui en vouloir, t’es pas ce genre de fille là. T’avais besoin d’elle, au final même ta grand-mère en avait besoin alors d’un commun accord elle s’est installée avec vous dans la résidence des Kennedy. Elle était infirmière et à ta demande elle a accepté de veiller sur ta grand-mère le temps que tu ailles faire tes études à Harvard. Tu y retournes souvent, t’as toujours été attachée à ta famille c’est sans doute l’une de tes plus grandes valeurs.