Boston, Centre ville ☆ Samedi 3 décembre 2022 ☆ Après-midiTu te blasais toi-même, quelle idée tu avais eue d'aller acheter de l'alcool pour une soirée alors que tu n'y connaissais rien. Tu avais rapidement fait demi-tour, prêt à rentrer chez toi, complètement bredouille mais apparemment tu n'en avais pas encore fini avec ce magasin. En te dirigeant vers la sortie, tu étais tombé sur cette fille qui semblait perdue dans sa contemplation du rayon de bouteilles, au point que tu dus signaler ta présence pour pouvoir passer. Tu allais une fois de plus rebrousser chemin pour passer autre part quand elle remarqua enfin ta présence. La jeune femme te répondit très franchement et très honnêtement que ça n'allait pas, ce qui eut le mérite de retenir ton attention. Ce type de réponse sincères se faisait plutôt rare, puisque quand on posait la question
ça va, par automatisme on répondait
oui, même si ça n'allait pas vraiment parce qu'on ne se voyait pas s'épancher sur ses problèmes auprès d'un inconnu. La réponse positive, qui était presque devenue un réflexe pavlovien, était elle-même induite par une question devenue toute aussi banale qu'intintéressante. C'était surtout un élément faisant partie des rituels sociaux que l'on appliquait à la lettre sans se poser plus de questions. Si on devait être un tant soit peu honnête, personne n'en avait rien à faire de savoir comment vous allez, puisque le temps que vous répondez, votre interlocuteur était déjà passé à autre chose. Or, la détresse perceptible dans la voix de la jeune femme t'incita à t'attarder un peu plus longtemps que prévu. De toute évidence quelque chose clochait dans cette situation, même si tu ne savais pas ce qu'il en était pour le moment. L'écouter semblait être un bon début. Tu l'observas en silence, les lèvres pincées. Elle voulait partir, qu'elle disait, complètement paniquée. Elle n'arrivait pas à finir ses phrases, elle butait sur le choix de ses mots. Le tout semblait extrêmement confus. Toi, tu restais planté là, t'efforçant de rester stoïque. Ce n'était guère aisé, quand tu avais toute cette compassion qui te venait naturellement, comme si cela coulait de source. Tu reconnaissais là les premiers symptômes d'une crise d'angoisse. Depuis le mouvement de foule qui avait eu lieu lors de la parade d'halloween, tu en faisais parfois, quand tu étais confronté à une foule trop dense. Tu sentais alors la peur qui s'insinuait dans tes veines, ton cœur qui s'emballait, les sons qui te parvenaient de manière déformée. Ton cerveau se mettait alors en veille, comme pour te protéger des souvenirs douloureux qui remontaient à la surface. Tu sentais que c'était juste là, ça affleurait à la surface, prêt à exploser. C'était probablement ce qui était en train de se passer pour elle. Tu secouas vigoureusement la tête quand elle te demanda si tu voulais quelque chose. "
Non, je n'étais que de passage, je m'en allais justement vers la sortie." Tu lui répondis, en lui adressant un sourire qui se voulait bienveillant. "
Ne vous inquiétez pas, vous ne me gênez aucunement, Je peux même vous accompagner jusqu'à la sortie si vous le souhaitez." Puis, tu remarquas la valise qu'elle avait avec elle. "
Votre valise...vous aviez l'intention d'aller quelque part?" Peut-être qu'elle partait en voyage, peut-être qu'elle en revenait, tu n'en savais rien, dans tous les cas poser des questions ne pouvait pas faire de mal. Tu ne voulais pas te montrer trop intrusif, tu voulais simplement la distraire de ce qui semblait l'effrayer, l'amener à penser à autre chose, en somme, même si tu n'étais pas certain d'avoir compris ce qui la terrorisait autant.
@Rose Wertheimer