Strike, spare or split : let's be incredibowl ft. Luiza (24.10)

Ji-hun termina ses cours à l’heure prévue, mais plutôt que de rejoindre la Pforzheimer House, il emprunta le bus qui menait vers le centre ville de Boston. Il fixa les écouteurs à ses oreilles et laissa la playlist de son téléphone passer quelques chansons des Eagles. Il profita de l’absence de voisin d’assise pour poser son sac et sortir ses notes de la journée auxquelles il ajouta quelques définitions, quelques notions, et les compléta par davantage de recherches sur son portable. Habitué d’écrire plutôt que de pianoter sur un ordinateur – faute d’outils informatiques personnels en Corée du Nord –, il y retranscrivait le tout le soir tombé. Double travail, double peine, qu’il pourait s’éviter s’il avait au moins pensé à changer de méthode ; mais le voulait-il au moins ? Le temps passa trop rapidement pour qu’il puisse finir. En rangeant, il se promit de travailler une fois de retour dans sa chambre.

Il zippa son bagage de cours et le hissa sur l’une de ses épaules avant de sortir du transport en commun. Il atterrit à un arrêt de bus auquel il n’avait pas eu souvent affaire, parce que Ji-hun restait principalement autour des diverses aires du campus, d’Harvard et de Cambridge. Il chercha l’adresse sur son écran, mit en marche l’itinéraire de Google Maps, et suivit les recommandations jusqu’au bowling où Luiza l’avait invité pas plus tard qu'à midi. De Brookline Ave Jersey St. au bâtiment de jeux, il ne marcha que cinq minutes. Il remarqua très vite la Adams, et pressa le pas. À grandes enjambées il traversa les voies routières qui les séparaient et, une fois à sa hauteur, tira sur le fil de ses écouteurs. Que tu es là, longtemps ça fait, l’interrogea-t-il tout en fermant l’application musicale avant de ranger son mobile ; il n’était pas en retard.

petite luiza, enfant solaire, aucun instant sans se dire qu’elle doit apporter de la gaieté quelque part, près de ses proches, des gens qu’elle aime, de ceux qu’elle apprécie simplement.
découvrir un peu plus ce pforzheimer t’avais permis de le connaître un peu mieux et tu n’étais pas déçue d’avoir engagé la conversation. le campus d’harvard mesurait de nombreux hectares et pourtant ce n’était pas rare de croiser des têtes connues au quatre coins de l’université. attablé face à son repas à la caféteria, tu avais reconnu la tête brune avec qui tu avais passé une partie de l’évènement organisé par les dudleys, sans forcément réfléchir, dans une sorte d’élan, tu lui avais proposé de passer une fin d’après-midi, un début de soirée en ta compagnie. t’ignorais si il avait beaucoup de fréquentations à harvard, mais c’était toujours cool de rencontrer de nouvelles personnes, en tout cas, de ton avis.

arrivée sur les lieux depuis quelques minutes, t’avais cru un instant être en retard, t’étais pressée, beaucoup, pour pas grand chose au final. le fait étant que tu n’aimais pas faire attendre, comme une angoisse, tu préférais être même trop en avance. sortie de ton après-midi au newbury, t’étais rapidement passée par chez toi pour enfiler une tenue un peu plus confortable. adossée au muret face à l’entrée du bowling ton visage s’étira dans un sourire lorsqu’il entra dans ton champs de vision. « noooon, j’suis arrivée y a pas longtemps », si t’avais attendu, c’était uniquement de ta faute, pas la peine de le mettre dans l’embarras ou quoi que ce soit. « j’espère que t’es prêt pour ta défaite ! », large sourire affiché alors que vous vous dirigiez vers le bâtiment.

Ji-hun profita que le feu était au rouge pour dépasser les voies routières. Passage clouté emprunté d’un bout à l’autre de la rue, il se retrouva bien vite à hauteur de la Adams qu’il avait croisée une première fois au campus, une deuxième fois à l’après-midi organisé des Dudley et ce midi même – si on pouvait compter cette petite interlude comme troisième fois. Écouteurs arrachés de ses oreilles, il fut aussitôt rassuré par Luiza, et attaqué par la même occasion. À peine quelques secondes s’étaient écoulées, il fut surpris mais pas déstabilisé. Avait-elle oublié qu’elle faisait face à un Pforzheimer ? Le genre d’homme qui ne se laissait pas facilement marcher sur les pieds et donnait le meilleur pour atteindre ses buts. Bien sûre de toi tu sembles, Luis-ja, répliqua t’il, d’un ton amusé. Parce qu’il était loin d’être un type qui aimait écraser les autres, il prit ça à la rigolade. Ils feront tous deux de leur mieux, et adviendra que pourra.

Et si, à rentrer, on commençait, déjà , proposa-t-il de ne pas rester plantés sur le trottoir. Il n’y avait qu’en jouant qu’ils pourront décréter qui d’eux deux étaient le meilleur au bowling. Il l’invita à passer devant, accéléra le pas juste pour lui ouvrir un pan des grandes portes qui fermaient le bâtiment. Des jeux d’arcades resplendissaient de leurs plus belles couleurs fluo, et ça fit penser au nord-coréen aux bancs de poissons qu’il aimait observer à l’aquarium. Mais ils n’étaient pas là pour ça. Le guichet des pistes de bowling se trouvait plus loin, ils durent alors dépasser un nombre incalculable de bornes avant d’arriver au comptoir. Bonjour, pour un jeu, s’il vous plaît , demanda le brun, sortant d’ores et déjà son portefeuille dans l’optique de payer pour deux. Quarante-trois pour moi, et …, ne put-il donner la pointure de sa concurrente. Il la regarda, sourcils relevés et interrogateurs.

pas du genre à douter d’toi forcément, aucune prétention, juste la facilité d’la vie qu’t’avais peu avoir, une bonne étoile, sans aucun doute, t’aimais à croire qu’il s’agissait d’ton père. t’avais pu vivre des expériences incroyables juste en étant au bon moment au bon endroit. la présence du pforzheimer à tes côtés n’te dérangeait pas pour dire ce que tu pensais, pas l’genre à réfléchir, plutôt l’inverse même, pas réellement d’filtre, c’comme ça qu’on avait tendance à t’apprécier.
« si je n’le suis pas, personne le sera pour moi », lâchais-tu l’plus naturellement du monde, grand sourire affiché sur ton visage. toujours mieux servi qu’par soit même, pure mais triste réalité, et pourtant comme pour beaucoup d’chose, tu t’y étais accoutumée. « oui oui allons-y, voir de quoi nous sommes capables ! » t’suivais alors ji-hun en direction du bowling. les yeux pétillant, l’sourire béat sur ton visage, t’aimais les jeux, en plus d’la danse. t’aimais toutes ces lumières, toute cette ambiance. finalement arrivés devant l’comptoir sur lequel t’posais tes coudes machinalement. « 37 s’il vous plaît monsieur » avant d’reporter ton attention sur ton compagnon pour l’après-midi. t’avais bien remarqué l’porte-feuille sorti, grimaces intérieure, faut qu’tu dégaines ton argent avant quoi que ce soit t’sais comment ils sont les gens. encore plus les garçons, encore plus quand ils ont les moyens, quand ils sont galants. critères correspondants en tout point au coréen à tes côtés. « on vous doit combien monsieur ? », aucun c’est fourbe, mais au moins t’savais que tu pouvais arranger les choses à ton avantage.

… Et 37, s’il vous plaît , répéta-t-il à la suite de sa comparse étudiante. Le portefeuille déjà dégainé, Ji-hun s’apprêtait bien évidemment à payer pour la partie qu’ils étaient venus disputer. Qu’importait si l’initiative venait de la jeune femme, certaines règles avaient la peau dure sans qu’il ne veuille véritablement heurter qui que ce soit, et encore moins Luiza avec qui il s'était, tout de suite, très bien entendu. Deux participants, du coup, confirma-t-il à son interlocuteur, Luis-ja, L.U.I.Z…, commença-t-il en lançant un regard à sa voisine pour être certain que, malgré sa mauvaise prononciation il l’épelait parfaitement, A. Et Jay, J.A.Y. Plus simple et plus court que de donner son prénom coréen. Ils furent entrés dans l’ordinateur et le numéro de la piste leur fut adressée. Combien, s’il vous plaît, sortit-t-il d’ores et déjà quelques billets. Il paya en cash, et la totalité de la note.

Ji-hun profita que le jeune homme partit à la rechercher de leurs chaussures pour rassurer la Adams: te charger des boissons, tu pourras, si tu veux ? Il tourna sa tête vers la concernée et lui sourit. Ça coûtait certainement moins cher, mais c’était ainsi que ça se passait sur sa péninsule ; plus au sud qu’au nord cela dit, mais il prenait exemple de ses voisins. 37, des petits pieds tu as, se permit-il ; pour une américaine en tout cas. Joyce faisait du 38, et la fille de sa marraine du 39. Pointures bien plus grandes que celles qu’il avait connues jusqu’ici. C’est mignon , complimenta-t-il, de quel coin tu es ? Était-elle née à Boston ou ailleurs ? Est-ce qu’en fonction de l’endroit où tu voyais le jour, les caractéristiques physiques étaient différentes ? Et puis quelles origines marquaient cette peau d’une si jolie couleur hâlée.