Let me be your hero tonight ft. Esmée (12.10)

Récemment il abusait des sorties, Ji-hun. Il fallait avouer que le mois d’octobre appâtait sa curiosité. Sérieux dans l'abus depuis le mois d’avril, il avait besoin d’un peu plus de distractions pour ne pas craquer, pour ne pas imploser. Conscient qu’il multipliait les rendez-vous avec l’aube, il se disait que novembre se montrera plus sage. En Corée du Nord, il y avait eu ces nombreuses relations avec les femmes pour l'aider à tenir le rythme qu’il s’était donné. À Boston, il y avait toutes ces découvertes qui lui permettaient de vivre avec le poids des responsabilités. Dans les deux cas, le stress était invisible mais bien présent. Alors, en sortant de cette pizzéria, il ne se sentit pas coupable de prendre le chemin du parking, où étaient diffusés des vieux films d’horreur, plutôt que de retrouver la Maison des Pforzheimers.

Linges et nourriture accrochés à l’arrière de son vélo aux allures vintage, il arriva derrière la file d’attente de véhicules et décida de mettre pieds à terre. Mains de chaque côté du guidon, il fit rouler son deux-roues à la recherche d’une place où s’installer, loin de ceux qui gardaient le moteur allumé pour assurer le chauffage de l’habitacle. Il marcha alors jusqu’à repérer un coin plutôt tranquille. Béquille tirée, il commença à défaire la sangle du porte-bagage quand une silhouette féminine parut s’avancer vers lui. Il y regarda à deux fois, de peur de se tromper ; il n'avait pas l'impression de la connaître, ou sa mémoire lui faisait défaut. Il lui adressa un sourire aussi amical que confus. Et, lorsqu’elle fut à sa hauteur, il articula de sa voix grave un : Salut ?

LET ME BE YOUR HERO TONIGHT
@Ji-hun Hwang & @Esmée Bourgeois

Tu termines le travail plus tôt ce soir. T’as le droit à une soirée où sans doute tu pourras profiter d’une vraie nuit de sommeil. Tu es plutôt ravie de te tirer du Nirvâna au vue des hommes qui ont encore essayer de te caresser ce soir. Il est parfois très difficile pour toi de prendre sur toi, si tu ne veux pas perdre ton job. Ouais les risques du métier c’est comme ça que le patron appel ça. Toi tu voudrais juste lui enfoncer la tête dans la cuvette pour leur remettre les idées en place. Toujours est-il que tu es libre ce soir de rentrer. Tu n’as plus assez d’argent pour te payer un taxi alors tu vas devoir marcher. Tu croises les bras contre ta poitrine resserrant ta veste pour cacher ta tenue. Toujours été sexy dans ce travail, mais en dehors t’assumes pas forcément.

Tu te mets à marcher dans les rues de Boston et bien sûr tu as une trotte avant d’arriver jusqu’à chez toi. Tu sens une présence derrière toi depuis un petit moment déjà. Tu jettes un coup d’œil et tu le vois. Un habitué du Nirvana qui fait une fixette sur toi depuis quelques temps déjà. Tu te sens pas tellement rassurée par la situation et tu vois que le drive in est plein ce soir. Voilà une chance pour toi de trouver une diversion. Tu entres et cherche du regard un moyen de pouvoir te protéger. C’est à ce moment là que tu vois un homme seul. Tu fonces droit sur lui, toujours suivi pour le moment par le gars. Tu viens très près et vient le prendre dans tes bras pour murmurer à son oreille.

— " Vous voyez le gars avec le manteau rouge derrière moi, il me suit. Vous pouvez m’aider ? "

Volonté absolue de passer une bonne soirée devant un vieux film, – la nuit des masques –, qu’il n’avait jamais vu. Pas complètement fan de l’horreur, le mois se prêtait bien à la découverte d’un autre genre cinématographique. Les avis laissés sur les divers sites de bandes-annonces avaient aidé à dépasser ses appréhensions. Il s’y rendit à vélo et contourna la longue file d’attente de véhicules pour trouver un endroit hors bitume sur lequel s’installer. Il n’eut pas à faire un grand tour pour ça, mit la béquille devant un parterre d’herbes qui n’avait pas encore été attaqué par les temps automnaux, légèrement éclairé par un lampadaire. Il commença à défaire son barda de façon à installer la couverture et se délecter de la pizza encore fumante qu’il venait d’acheter, mais ce fut sans compter sur cette silhouette féminine qui s'avançait vers lui.

Étrange, il ne lui semblait pas la connaître. Pourtant la façon intime qu’elle eut de le serrer dans ses bras lui mit le doute. Élan d’affection ou erreur sur la personne, il préféra ne pas en abuser, au cas où. Le murmure qui s’échappa de sa bouche jusqu’à son oreille le conforta dans l’idée qu’il y avait une explication à ça. Ji-hun leva son regard sur le fameux homme habillé d’un manteau rouge et fronça les sourcils. Ce que tu regardes, comme ça, je peux savoir, n’attendit-il pas pour entrer dans son rôle. Il posa chastement une main dans le creux du dos de la jeune femme et se montra doublement interrogateur, fixant sans ciller le visage masculin qui, à quelques mètres de là, lui faisait face. De la laisser tranquille tu ferais mieux, si te confronter à moi tu ne veux pas, articula-t-il sèchement, d'un ton  encore plus grave que celui qui qualifiait déjà sa voix.

Intérieurement, il se dit que les lectures concernant la jalousie qu’il avait lues par curiosité, suite à une conversation, n’avaient pas servi à rien finalement. Il laissa un rire jaune s’échapper d’entre ses lèvres en voyant l’homme camper sur sa position, et ajouta : l’anglais tu ne comprends pas, ou quoi ?

LET ME BE YOUR HERO TONIGHT
@Ji-hun Hwang & @Esmée Bourgeois

Tu te sens toujours perplexe face à ton incapacité à te défendre face aux hommes. Chaque fois, c’est comme si ils portaient le visage de ton père. Tu revois ses coups, ses cris et ses endroits où il t’enfermait. Tu te sens paralysé par tes angoisses d’enfant qui te submerge et la seule chose que tu peux faire c’est essayer de trouver quelqu’un pour t’aider. Tu as du mal à admettre tes faiblesses, mais tu te rends à l’évidence lorsqu’il le faut. Par chance ce soir il passe un film et tu vois un homme qui n’est pas dans une voiture.

Tu viens limite te jeter dans ces bras et tu le serres dans tes bras. Tu arrives à lui demander son aide alors que tu n’oses pas regarder l’homme au manteau rouge. Tu as juste besoin qu’il joue un petit ami ou même un ami si ça peut le faire fuir. Le son de la voix de ton sauveur résonne alors qu’il s’adresse à ton harceleur. Tu le sens te serrer contre lui et tu viens cacher ton visage dans son cou pour essayer d’être de un crédible et de deux parce que tu ne veux pas qu’il sache combien tu as peur. Tu entends que l’homme ne bouge pas et tu dois sans doute venir à son secours pour essayer de te débarrasser de cet homme au manteau. Tu prends tout ton courage pour te tourner et le regarder.

— " J’ai déjà un petit ami. Laisse moi tranquille s’il te plaît. "

Tu enroules tes bras autours du cou de ton sauveur et glisse tes lèvres sur sa joue. Ouais niveau crédibilité on avait déjà vu mieux.

Réconfort et soutien apportés d’un geste chaste à la jeune femme qui avait serré son corps contre le sien, Ji-hun comprit rapidement qu’elle était harcelée par le fameux type au manteau rouge. Il n’attendit pas pour prendre la parole et se confronter au gars verbalement. Il lui ordonna de baisser ce regard vicieux qu’il portait à la demoiselle, d’oublier ses mauvaises intentions et de la laisser tranquille. Malgré son fort accent et sa syntaxe déstructurée, ses phrases étaient compréhensibles, et il ne comprit pas pourquoi l’homme en question insista tant. Ce dernier ne bougea pas, certainement trop épris de la fille que le nord-coréen avait accueilli dans son bras. La victime prit son courage à deux mains pour se confronter à son harceleur et joignit à ses paroles une fausse cajole amoureuse et un bisou doux sur la joue de l’asiatique.

C’eut suffit pour décourager le bonhomme qui tourna les talons non sans pester des mots vulgaires à l’encontre de la jeune femme. Encore heureux, parce que : qu’est-ce qu’était supposé faire un petit-ami ? Ji-hun n’avait jamais été l’homme d’une demoiselle. Il tapota doucement le creux du dos de l’inconnue et l’informa : il est parti, je crois. Elle n’était certainement pas à l’abri d’un deuxième essai, mais elle avait agi intelligemment en s’adressant au nord-coréen. Loin, il ne doit pas être , fit-il toutefois, que tu te joignes à moi, ça ne me dérange pas. De jouer un ami plus qu’intime non plus ; il fera de son mieux pour être crédible. Pizza, ça te va, l’interrogea-t-il, l’invitant indirectement à se joindre à lui pour la soirée horreur. D’installer la couverture, laisse-moi juste le temps, lui demanda-t-il. Ils devaient mettre un terme à leur étreinte, du coup, mais il ne partait pas loin.

Il ne lui posa pas plus de questions, elle lui parlera de son histoire avec cet individu si l'envie lui prenait de s'expliquer.