TW | The world is Yours | Théody

De mes ongles parfaitement manucurés, sur le bar, je bats le rythme de la musique qui défile dans cette boite de nuit que je trouve déjà démodée. Je suis lasse de cette soirée, m’ennuie des rires de ces filles qui se disent mes amies, et suis totalement obsédée par le fait que demain je serais à Paris. La fashion week ayant débutée, mes collections pour le printemps deux-milles vingt-trois je  me dois d’aller les présenter. Que ce soit pour les vêtements ou encore mes produits de beauté. Et quand j’écoute l’une d’elle se plaindre d’un rien, ça finit de m’achever. Je lui en sers un sourire forcé avant de songer à appeler l’un de mes passe-temps préférés.

D’un mouvement rapide, je sors de ma pochette mon cellulaire, parcours les noms présents dans mon répertoire, avec lenteur je fais défiler l’alphabet, j’hésite c’est vrai quand je vois le prénom de Sheng s’afficher, mais je descends encore dans la liste parce que de toutes les manières, dans la capitale française, il sera à mes côtés bien qu’avec lui, on ne sait jamais, et puis j’en viens à tomber sur le baptême de celui auquel j’ai pensé en premier. Malgré le brouhaha, après avoir appuyé sur la touche appel, j’entends la tonalité, craque un sourire carnassier quand il se décide à décrocher. Ne m’annonce même pas, quand je prononce à haute et intelligible voix ; « Et si je te disais que t’as dix minutes pour te pointer au Lux pour qu'on s’amuse tous les deux ? » Ne pas attendre sa réaction, me contenter de raccrocher, le vice sur le bord des lèvres lorsqu’elles vont s’acoquiner avec les bulles du champagne que j’avais commandé. D’une œillade je vérifie les chiffres affichés sur l’écran, néanmoins, c’est plutôt évident, qu’il sera en retard, forcément. Parce que je n’ai pas précisé le jeu, et que les règles, ce sont toujours celles que je veux.

@Théodore Hawthorne

Dix. C’est court et long à la fois, et ça me fait sourire en un rictus enclin à la perversité. Alors elles défilent, ces minutes. Elles se font trop lentes tout autant que rapides. Laisse le temps à l’adrénaline de grimper en mon intérieur, de galvaniser mes envies de terreur. Et si certains auraient pu hésiter, je sais que lui, va finir par se pointer. Car je connais la soif qui l’habite, j’entends les besoins de s’élever, je les respire, bien plus qu’on ne saurait jamais le décrire. Il va venir… Intimement persuadée, je les mettrais tous, mes doigts, à couper. Une marionnette entre lesdites phalanges, maitresse qui ne donne rien en échange.

Mais malgré tout, il parvient à me surprendre. Par cette proximité nouvelle, indésirée, de ce corps qui voudrait épouser le mien et ces lèvres qui caressent de ma peau, le grain. « Et si je te disais que je suis là ? » Entre la musique et autres rires, je parviens à entendre le murmure de sa voix. Evidemment, j’en suis étonnée, moi qui me voyais déjà le renvoyer faute d’un temps écoulé. Ma langue passe sur mes lèvres, le temps de le jauger, de la tête jusqu’aux pieds, « Je suis censée être impressionnée ? » par cette apparition qui semble t’apporter tant de fierté ? De mon point de vue, t’as échoué.

J’en bois une gorgée de champagne pour parapher mes mots, mais aussi accompagner mon geste. Celui de ma paume qui se tend vers toi, je l’indexe jusqu’à toucher son épaule d’une légère pression du doigt, dans le but de le repousser, qu’il recule juste d’un pas. Je réimpose les limites à l’aide d’une distance de sécurité. Un sourire carnassier lancé à celles qui se disent mes amies, « Tu peux disposer. » Je suis une reine et lui n’est qu’un pion, une pièce inutile sur mon échiquier.

@Théodore Hawthorne

Le truc, c’est que ça fait partie de mes jeux préférés, c’est un fait notoire, le monde entier le sait, que Wendy Witter peut être un ange comme une pétasse qui peut hanter. Et quand tu me regardes comme ça, que tu jauges et que j’ai cette sensation puissante de te tenir dans le creux de mes doigts. Ca me galvanise, ça m’électrise. C’est délectable comme amusement et j’en ai une foutue maitrise. « Même si tu l’étais, tu n’en dirais rien. » Pour le coup, je pourrais quasiment penser qu’il me connait bien. Mais au lieu de le souligner, c’est une toute autre attitude que je me décide d’employer. Putassière dans la moindre de mes manières. Un tyran qui contrôle un univers. Tu sais, Théodore, dans la manipulation, j’estime être passée depuis de longues années au niveau expert. Je connais les codes que tu te contentes d’entrevoir, je sais les moyens à déployer afin de briser les histoires. Je visualise les secrets, j’analyse et je sais à quel moment appuyer. J’agrandis les plaies à défaut de les panser.

Mais là, juste là, il agrippe mes doigts, m’entraîne et croit qu’il peut s’accorder une autorité sur moi. « Je ne crois pas non. » Un égo écorché de pauvre con. Ca frôle la déraison. « Tu as dit vouloir t’amuser ? » Je l’ai dit, et te virer, c’était jouissif à souhait. « Nous allons honorer ta parole. » Ce n’est qu’à ce moment-là que je me décide à planter mon regard dans le sien, ses pupilles je les détaille rapidement, et je préfère me dire que je me trompe sur les prémices que je parviens à lire, feignant un sourire pour ne pas perdre la face devant les spectatrices. J’en approche même mon visage de son oreille afin de lui souffler, ces quelques mots, désabusés ; « J’crois que t’as pas conscience de ce que tu fais. » et c'est loin de m'inspirer, de me charmer. Je ne suis pas de celles que l’on traite comme une poupée, le rôle de la marionnette a maltraiter. Et plus encore, je suis loin d’être l’une de ces groupies, une idiote qui se traîne jusque dans son lit. « Méfies-toi. » les risques, je ne suis pas certaine qu'il les voit.

@Théodore Hawthorne

Pourtant, depuis le temps, il devrait avoir assimilé, que c’est une mauvaise idée que de vouloir me défier. Qu’il fait partie de ces personnes que je me plais à torturer. A manipuler. Qu’il n’est qu’un pion sur l’échiquier, et qu’à la fin, je suis toujours celle à signer, un échec et mat maitrisé. Je suis la reine, le tyran, que je décide de l’ampleur des amusements. Et avec lui, ça ne se termine jamais comme il l’attend. C’est ce qui me plaît autant. Qu’il soit si avide, à revenir à chaque fois, quand il rampe, il y a cette impression de puissance en moi. « Toi non plus, apparemment. » Mais Théodore, tu l’es toujours, ce petit garçon paumé, sous couvert de ton assurance, j’arrive à voir, que tu n’as pas changé.

Et quand ses phalanges s’accrochent aux miennes, qu’il ose braver les interdits de la soirée pour me toucher, je lutte contre une nausée, d’autant plus lorsqu’il s’aventure à les glisser dans mon dos, me fait frissonner, revendique une place à mes côtés que je ne suis pas prête de lui donner. M’étonne de l’entendre rire alors que je viens de lui souffler cette mise en garde qu’il prend à la légère, l’être humain se voulant toujours plus orgueilleux et fier. De nous deux, c’est lui qui sera abîmé. Faute de ne jamais être positionné au sommet. « Es-tu véritablement en position de me menacer Wendy ? » A mon tour de pouffer, j’y suis éternellement dans cette position-là. Puis il recule, se détache, et presque je trouve ça déplorable, pour une fois qu’il faisait preuve d’un certain aplomb direct envers moi. « Tu devrais mieux choisir tes… amies. Je suis certain de plutôt bien connaître certaines d’entre elles » L’attaque est belle, en résulte même l’un de mes rictus, expression amusée, à croire que je me nourris de la méchanceté, et c’est d’un regard froid que toutes, je les balaie.

La pointe de ma langue s’insinuant sur mes lèvres, un brin agacée, avant d’en revenir à lui, déclinant mes prunelles sur sa silhouette, entièrement, de haut en bas, et m’arrête à ses pupilles de plus en plus dilatées. Je le déteste de m’inspirer ce sentiment, celui qui me fait revenir à l’année de mes quatorze ans. Je le jure, le rire de Liam, je l’entends. Sauf que ce n’est pas moi, que je suis loin d’être une fille comme ça. Je le hais d’autant plus de se pointer devant ma personne dans cet état. Exécrant d’être encore capable de reconnaître les effets. Si j’ai envie de l’insulter, lui murmurer que ce n'est qu'un déchet, j’opte pour ne pas m’y rabaisser, me contente de lui ordonner ; « Va crever ailleurs. » Puisque la poudreuse multiplie la froideur de mon cœur.

@Théodore Hawthorne

Il est la représentation de tout ce que je déteste, tout ce qui me débecte et qui me blesse. Pantin du seul vice au monde que je ne supporte. Pour lequel je ne flanche plus, je ne flanche pas. L’attrait de la cocaïne et l’ensemble de ses cousines, il s’est envolé lorsque Liam m’a quittée. A présent, tout ce que ça provoque en mon être, c’est l’envie de gerber, la bile bordant le carmin de mes lèvres. Une destruction qui me montre d’autant plus combien Théodore est loin de mériter de graviter dans mon univers. Qu’après tout, j’ai raison de faire vivre, depuis des années, un enfer. D’être dans son histoire autant la reine que la méchante sorcière.

Alors oui, tu peux aller crever ailleurs, dépérir loin de mon monde, la creuser seul ta putain de tomber. Et le faire en silence, parce que ce serait plus beau. Je n’ai ni la volonté, ni le besoin de les connaître, tes maux. « J’aimerais beaucoup, mais j’ai une invitation à honorer Wendy. » Une connerie de ma part, je te l’accorde, mais ce n’était que pour le plaisir de t’envoyer chier. Tu vois, c’est le genre de passe temps qui fait partie de mes péchés. « Je ne vais tout de même pas t’abandonner aussi vite, nous avons à peine commencé. » Seulement, il semble omettre un détail des plus importants, c’est moi qui décide quand je veux jouer. Et à la vue de mon état, j’ai déjà déclaré son forfait.

D’une œillade assassine, j’observe sa façon de commander un verre d’un affront de ses doigts, et son corps qui s’installe trop proche de moi. « Offres moi une récompense pour ma rapidité, et je réfléchirais à partir. » J’en déglutis, quand mes prunelles déclinent finalement sur lui. Il y a sur mes traits, je le sais, une expression de dépit, parce que c’est tout ce qu’il parvient à m’inspirer. Un dédain qui n’en finit pas d’augmenter. Et de mes ongles je vais heurter le boiser du comptoir, je le jure, je les entends claquer d’agacement malgré l’ambiance autour de nous qui s’en devient au fur et à mesure de la soirée, un sacré foutoir. « T’as oublié où se trouve ta place. » Qui commande dans notre relation qui dérange. Dans mon sac, je vais chercher un billet que je glisse sur le bar, et m’aventure à avancer mon visage vers toi, pour te confier un petit secret, « Mais t’as raison sur un point, on récompense toujours les chiens. » J’en craque un sourire carnassier, mauvaise à souhait, et m’éloigne du bar d’un pas. Les princesses de toutes les façons, ça part toujours en premier. Et la vermine, ça s’écrase avec les pieds.

@Théodore Hawthorne