why r u here ? — neal #1

Nuit du 16 au 17 septembre.

La soirée avait été longue. Le brouhaha de la foule avait été dérangeant. Je n’étais pas en état de supporter cela après la semaine catastrophique qui venait de s’écouler. Les événements s’étaient enchaînés à une vitesse folle. En début de semaine, il y avait eu ce Veritas avec cette photo de Rob et moi. Ce Veritas qui avait eu des conséquences. Mon mari était venu pour savoir où se trouvait la vérité dans ces mots. Il connaissait maintenant le visage du mafieux pour qui je travaillais et mes pertes de mémoire étaient revenues dans la conversation. Gamin qui préférait occulter la possible tromperie du Summer Camp. Gosse qui ne voulait pas fouiller dans ces histoires. Alors, les déboires abordés dans le Veritas n’étaient que ceux dû à l’alcool et la drogue. C’était ce que j’avais envie de croire. C’était ce que j’avais dit à mon mari. Bien vite, la page avait été tourné. En revanche, Rob s’était énervé violemment. La parution de cette photo qui laissait voir son visage et un lien entre nous lui déplaisait fortement. Sa voix m’avait filé les frissons et une rencontre avait été fixée. Une rencontre pour laquelle j’avais angoissé toute la journée de mercredi même si je passais cette journée aux côtés de mon amoureux totalement déconnecté du monde. J’avais tenté de mettre ça dans un coin de ma tête sans réellement y parvenir. Gamin dominé qui avait peur des conséquences. Gosse soumis qui s’attendait au pire. Finalement, l’entrevue était arrivée jeudi à une heure de Boston. Ça avait été bref. Ça n’avait pas été catastrophique. Ça avait juste été chamboulant comme toujours. Ça avait imposé une nouvelle organisation. Mais, tout s’était bien passé. Enfin… Côme s’était trouvé là à tout voir et l’embrouille entre lui et moi avait eu lieu. Une embrouille que j’avais effacé de ma tête rejoignant de nouveau la ville et mon mari. Je me sentais mieux. Je me sentais plus détendu. C’était de cette manière que mon vendredi s’était déroulé. J’avais travaillé plus détendu qu’en début de semaine. Quelques heures au garage, un temps avec mon mari, de longues heures au Lord Hobo. Mon service se terminait tout juste.

Passant la porte de derrière, je glissais une cigarette entre mes lèvres avant de jeter un coup d’œil à mon téléphone. Pas d’obligations. Alors, comme souvent après mes soirées au bar, je prenais un temps pour moi. Clope coincée entre les lèvres, je prenais le temps de marcher dans Boston pour évacuer. Me détendre. Effacer le brouhaha de la soirée. Me calmer. Respirer. Être seul en tête à tête avec moi-même. Quelques minutes. Ça faisait toujours du bien et mon mari le savait. Il respectait ce temps dont j’avais besoin chaque soir de boulot avant de rentrer à la maison. Je déambulais dans les rues sans but. Je me laissais avoir par la vie. Je me laissais juste porter par le jeu du destin. Le contrôle m’échappait. Je lâchais les rênes de mon existence. Les rues défilaient sous mon regard sans que je n’y prête attention. Soudainement, je bifurquais dans une de ces ruelles sombres de Boston. Je connaissais parfaitement ce chemin. L’être ne se souvenait que trop bien de ces lieux. Pourtant, au lieu d’y pénétrer, je me stoppais à l’entrée. Mes iris sombres observaient l’endroit sans bouger sans parler. Mon regard se stoppait sur les prostitués qui se trouvaient là. Hors de question que j’entre dans cette ruelle. Je n’étais clairement pas un client. Je n’étais plus un prostitué. Je devais rester à l’entrée. La voix dans la tête criait pour me pousser à avancer et à m’enfoncer plus loin pour retomber dans les déboires du passé. Je résistais. Gamin marié. Gosse fidèle. Être humain qui n’était plus libre et n’avait plus le droit de commettre d’écart. Peu importait ce que la tête hurlait, peu importait les chamboulements de cette semaine, peu importait l’envie de liberté. Je n’avais pas le droit bordel. J’appuyais mon épaule contre le mur comme si cela pouvait m’empêcher de m’enfoncer plus loin. Je restais là à tirer sur ma cigarette en silence. Je demeurais ici à observer le spectacle sous mes prunelles jusqu’à ce qu’une main ne s’abatte à l’arrière de ma nuque. L’être se raidissait. Le corps se tendait. Je me sentais pris au piège. Déglutissant difficilement, je me retournais avec lenteur. J’avais peur de me faire engueuler. J’avais peur de me faire entraîner. Mon dos rencontrait le mur comme si je n’étais qu’un gosse en quête de soutien. Levant les yeux, je découvrais celui qui venait de m’interrompre. Ace. Cela faisait longtemps que je ne l’avais pas croisé. Bien trop longtemps. Les mots glissaient entre ses lèvres et je secouais négativement la tête riant à moitié devant les dires. Tirant sur la clope, je baissais les yeux avant de répliquer « C’pas un rêve. C’pas l’Enfer. Et j’suis certain que tu ne fantasmes plus sur moi depuis un moment. » Les vérités étaient énoncées sans sourciller. Le regard était baissé sans hésitation. Gamin qui osait parler, mais qui gardait sa soumission.

Prendre le temps de souffler était toujours une excellente chose pour moi depuis que mon boulot au Lord Hobo était devenu trop compliqué. Gamin écorché par les événements. Gosse bridé par le mariage. Je refusais d’abandonner ce travail qui comptait tant à mes yeux alors il avait fallu s’adapter. J’avais été obligé de trouver une solution pour me permettre de continuer ce boulot sans finir dans tous mes états après chaque service. La solution s’était rapidement imposée. Prendre le temps de marcher quelques minutes suffisait à détendre l’être et oublier la soirée. Je ne me perdais jamais très longtemps dans ces marches. Ce n’était que le temps d’une ou deux cigarettes. Ce n’était pas bon de marcher trop longtemps. Il y avait toujours ce risque que je me retrouve dans mes déboires passés. Il y avait toujours ce danger pour que la vie nocturne me happe comme autrefois. Je préférais ne prendre que quelques minutes pour souffler avant de retourner au plus vite à la maison auprès de mon mari. Le désir de ne pas traîner trop longuement était toujours là comme si je savais que l’ombre du danger planait au dessus de ma tête. Le danger d’un attrait. Le danger d’une chute. Un danger foutrement trop présent ce soir alors que le destin et le hasard s’étaient joués de moi. Je me retrouvais à me stopper à l’entrée d’une de ces ruelles sombres de Boston. Je me retrouvais planté devant l’une de ces ruelles de mon passé et la question s’invitait dans ma tête. Est-ce que cette vie me manquait ? Peut-être bien ouais. Un peu. Quelque part. Il y avait un manque qui pulsait dans l’être. J’étais amoureux de mon mari. J’étais comblé aux côtés de l’être aimé. J’étais heureux avec cet homme que j’avais choisi. Pourtant, une partie de l’être connaissait la souffrance du manque. Gamin mafieux qui avait toujours nagé dans cette vie de débauche. Gosse soumis qui avait souvent besoin d’autre chose. Autre chose que le mari ne savait pas offrir car il ne faisait pas dans cette domination là. Il ne faisait pas dans cette violence là. Alors, ouais ça manquait quelque part et la voix de la tête le savait. ELLE hurlait pour que je m’enfonce. ELLE criait pour que je plonge dans cet univers. Je le refusais. Sage. Fidèle. Je m’appuyais contre le mur pour rester ancré dans la réalité. Je tirais lentement sur ma cigarette pour occuper le corps et la tête. Il était hors de question que je plonge. Seul j’étais certain de tenir cette promesse silencieuse. Cependant, bien trop vite, je n’étais plus seul.

La main se posait sur ma nuque. Je me tendais. Je me raidissais. Je me retournais avec lenteur laissant le dos rencontrer le mur. La main quittait ma nuque pour se poser sur le mur et protéger ma tête. Douceur dérangeante qui avouait une préoccupation, un attachement. Non ? Mes iris sombres se levaient sur Ace. Figure du passé que je n’avais pas vu depuis un long moment. Je secouais négativement la tête aux propos lancés et je riais à moitié avant d’oser répliquer. Même si les mots quittaient mes lèvres laissant croire à ma domination, je restais à jamais ce gamin soumis. Je gardais les yeux baissés et Ace ne tardait pas à répliquer. Je déglutissais difficilement en entendant les mots. Je venais marmonner un « Neal… » sans savoir me retenir parce que je n’appréciais pas le surnom qui venait de quitter les lèvres du jeune homme. Je ne voulais pas de ce surnom. Je ne voulais pas de ce chemin dangereux. Je n’avais même pas le temps de rajouter quoi que ce soit que sa main libre attrapait mon menton. Je me laissais faire. Je suivais le mouvement relevant la tête. Mes iris croisaient les siennes alors que l’interrogation m’était adressée. Bordel, je n’avais pas la réponse à cette question… Ou peut-être que je l’avais sans vouloir l’avouer. Je ne pouvais pas dire que cette vie me manquait. Je ne voulais pas dire que ces corps à corps me manquaient. Alors, je me contentais d’hausser les épaules comme s’il n’y avait pas la moindre explication à donner face à ma présence ici. Mâchouillant nerveusement ma lèvre, je n’osais plus bouger laissant ma cigarette se consumer dans le vide. Je fermais les yeux un bref instant en quête de courage. Je fermais les yeux un bref instant comme pour repousser les picotements chauds et agréables face au contact des doigts anciennement connus. Lorsque mes prunelles s’ouvraient de nouveau, j’osais bouger levant la main pour repousser celle de Ace qui tenait mon menton. C’était bien le seul geste que j’osais faire. Je restais appuyé contre le mur. Soumis. Offert. Sage. Mon regard se posait sur la ruelle et je soufflais « Suis pas dans la ruelle d’abord… Je suis juste à l’entrée et je… J’fais rien de mal… J’allais rentrer… » Essayer de m’en convaincre. Essayer d’y croire pour de vrai. Je sentais le manque faire bouillir les veines tandis que mes iris observaient ma vie d’autrefois. Le soupir m’échappait et je me détachais de la vision du passé. Baissant de nouveau la tête, j’apportais doucement la cigarette à mes lèvres avant de la laisser s’échouer au sol. Mon regard se relevait pour se planter dans celui du jeune homme à mes côtés et je reprenais « Je croyais que tu ne te retrouvais jamais seul la nuit… » Haussant un sourcil, je me montrais joueur un bref instant avec ce sourire taquin accroché à mon visage. J’osais peut-être un peu trop. Je rajoutais bien vite « De toute manière, même seul, tu ne fantasmerais pas sur moi. Je suis certain qu’il y a mieux dans ton entourage. Mieux et surtout des gens en mesure de donner vie à n’importe lequel de tes fantasmes. » Mon regard sombre osait se planter dans celui de Ace comme pour lui faire comprendre que moi je n’étais plus rien pour lui. Comme pour lui faire savoir qu’il avait déjà perdu cette partie. Parce qu’il l’avait perdue pas vrai ?

Était-ce mal d’être autant attiré par l’aura sombre de la ruelle ? Était-ce mal d’avoir envie de céder à cet appel ? Était-ce mal d’avoir envie de se laisser happer et de replonger ? Une partie de mon être hurlait que ce ne l’était guère. Une partie de mon être ne cessait de crier qu’il s’agissait de ma nature. Ce n’était que ma normalité au sein de cette existence. J’avais bien trop longtemps vécu de cette manière. J’avais passé de si longues années à errer dans ces ruelles sombres et fichtrement excitantes. Ça avait été ma vie. Ça avait été mon quotidien. Ça avait été ma drogue. Gamin si souvent abandonné aux mains des autres. Gosse se plaisant à se soumettre aux désirs d’autrui. Alors, putain, comment étais-je censé résister à cet appel ? Comment étais-je censé faire pour ne pas craquer de nouveau ? Les iris sombres rivées sur le spectacle qui se dessinait sous mon regard, je n’osais pourtant pas avancer. Je n’osais pas faire le pas supplémentaire qui me ferait de nouveau pénétrer dans ce monde tentateur. Ce monde qui avait été mon terrain de jeu pendant de si longues années. Je n’avais pas le droit d’y entrer de nouveau. C’était interdit bordel. Je n’avais pas le droit de céder à cet appel aussi puissant soit-il. Mes iris sombres se perdaient sur ma main et sur cette bague à mon doigt. Marié… C’était fou de croire à cette réalité. Et, pourtant, elle était bien réelle. J’étais marié. Je m’étais lié à vie à quelqu’un. Je m’étais engagé auprès de Lukas. Alors, je n’avais pas le droit de le trahir. Je n’avais pas le droit de rompre la promesse de fidélité même si, quelque part, l’être le voulait. Je ne pouvais pas le faire. Il fallait que je bouge. Il fallait que je m’en aille. Il fallait que je rentre. Il fallait que je m’éloigne de ce monde bien trop tentateur. Je ne devais pas pécher. Cependant, avant même que je ne puisse m’enfuir, la main se posait sur ma nuque. Le corps bougeait pour laisser le dos rencontrer le mur et les iris se poser sur lui. Ace. Le diable sur l’épaule. La tentation en personne. Ace se trouvait face à moi à présent et m’échapper de cette situation risquait d’être encore plus compliqué. Ace était cette figure de mon passé que je n’avais pas vu depuis longtemps. Il était cette personne de mon passé face à qui je n’étais pas certain de résister. J’étais peut-être déjà bien trop fichu. Gamin condamné sans même être entré dans la ruelle.

Le regard baissé, tout mon être se montrait bien trop soumis à la présence du jeune homme. Je restais sur la réserve. Bien trop sage. Bien trop offert. Bien trop prêt à lui obéir aussi peut-être. Ou peut-être pas. Les barrières étaient là. Je le savais alors que je venais marmonner mon prénom comme pour le reprendre et lui faire savoir qu’il n’avait pas la permission de me donner des surnoms. Ce n’était qu’un marmonnement pas assez puissant pourtant. Gosse trop écrasé dont Ace se jouait encore. Il soufflait une réalité avec un surnom encore. Il balançait ce chéri qui me déplaisait et qui entraînait la grimace sur mon visage. Le soupir passait la barrière de mes lèvres avant que je ne rajoute dans un murmure « Si tu t’en souviens, tu peux l’utiliser alors… » Je ne parlais que d’une capacité. Je ne donnais pas d’ordre. Je n’obligeais à rien. Je savais rester parfaitement à ma place et Ace devait bien le savoir alors qu’il plongeait encore plus dans ce jeu dérangeant. Sa main libre glissant sous mon menton pour m’obliger à croiser son regard. Ce picotement agréable s’éveillait sur ma peau me poussant à fermer les yeux un bref instant comme pour profiter de la faille que j’ouvrais un bref moment. Très bref car, bien trop vite, mes iris s’ouvraient et je bougeais pour repousser la main d’Ace qui me touchait. Le joueur n’avait pas dit son dernier mot et sa main ne tardait pas à revenir se poser sur ma joue puis dans mes cheveux. Le regard tourné sur la rue, je soufflais les mots comme pour tenter de me convaincre de la réalité alors que je sentais le corps s’abandonner aux doigts de Ace. Mon regard se reposait sur lui à l’interrogation et le « Non » m’échappait. Brut. Ferme. Dur. Non, je n’entrerai pas de nouveau dans cette ruelle. Je n’avais pas le droit. Je ne pouvais plus le faire. Et, comme pour l’expliquer sans me perdre dans mes mots, ma main gauche se levait et je venais agiter mon annulaire où se trouvait la bague. Cette bague qui changeait tout à ma vie. Cette bague qui me donnait suffisamment de confiance pour oser jouer moi aussi. La cigarette s’échouait sur le sol tandis que la main retombait et que les propos glissaient entraînant le rire de Ace. Je secouais négativement la tête à sa réponse refusant de croire que son esprit pouvait s’évader vers moi quand il se retrouvait seul. Je ne tardais d’ailleurs pas à le faire savoir plantant mon regard dans le sien. Ace se penchait vers moi me poussant à retenir ma respiration soudainement alors que les propos tombaient. « Je… » Les mots mourraient dans ma gorge sans même glisser entre mes lèvres. J’aurai aimé lui dire que je n’allais pas rester devant lui très longtemps. J’aurai aimé lui faire savoir qu’il avait perdu. Cependant, c’était moi le perdant non ? Il se penchait encore plus vers moi et ses lèvres se déposaient sur ma joue avant que de nouveaux mots ne tombent. Des mots qui attiraient la rougeur sur mes joues. Des mots qui me poussaient à baisser les yeux. Ace riait. Sa main glissait pour se poser sur ma taille et l’interrogation résonnait. Je fermais les yeux un instant. Je tentais d’ignorer les picotements dans mon corps. Cette chaleur foutrement agréable. Ce désir fichtrement présent. Je soufflais lentement. Mes prunelles s’ouvraient de nouveau. Mon regard se perdait sur la ruelle un instant avant de se poser sur Ace. Je plantais mes prunelles dans les siennes me décollant du mur pour me rapprocher de son corps. La distance se réduisait. L’une de mes mains se posait sur son torse glissant lentement vers le bas de son corps. Mes doigts attrapaient la ceinture de son pantalon et je me penchais un peu plus pour susurrer à son oreille « Pourtant… C’était mon rôle tu sais… Réaliser n’importe quel fantasme… » Sourire amusé aux lèvres, mes doigts glissaient par-dessus le pantalon de Ace frôlant brièvement la zone interdite. Et, bien trop vite, je m’éloignais de nouveau. La distance se remettait en place. Mon dos retrouvait le mur. Mes prunelles se détournaient pour observer de nouveau la ruelle et je reprenais « Où veux tu m’emmener Ace ? » Curiosité malsaine bien trop présente. La question m’échappait sans que je ne sache la retenir avant que je ne marmonne « Je ne compte pas rester ici ni même m'attarder à l'extérieur. Je dois rentrer. Mon mari m’attend. » Il fallait remettre les choses en place. Il fallait remettre la réalité à sa place. Et, putain, il fallait surtout remettre les barrières bien droites. Il était interdit de flancher. Même face au diable tentateur.