Apres s’être revus plusieurs fois à la Luna Caffe, le temps d’une commande, d’une préparation de boisson ou d’un service, Aya et Ji-hun avaient réussi à organiser la nuit qu’ils attendaient tant depuis plus d'un mois déjà. Le programme était simple : nuit de folie sur le dancefloor, à danser et boire comme si les responsabilités s’étaient envolées, comme si le monde s’était arrêté de tourner, et puis les draps. L’envie de passer le reste du petit matin allongés l’un près de l’autre, ou l’un dans les bras de l’autre – on ne pouvait prévoir à l'avance. Et pour ça, il avait fallu être certains de l’absence des propriétaires du logement où le nord-coréen vivait. Parce qu’ils étaient nés à une époque où il était fortement conseillé d’être mariés avant de partager un lit. Le brun respectait leurs convictions, parce qu’en retour ils respectaient les siennes. Cohabitation qui se voulait parfaite, malgré les années qui les séparaient. Ils aimaient le calme aussi, espéraient rester maîtres de leur logement quand bien même ils avaient offert une chambre à un étudiant.
Ils avaient mis un certain temps à se décider de prendre la route depuis la rentrée de septembre, parce que la météo avait joué avec le soleil et la pluie. Finalement, ils avaient fait fi des pronostics du présentateur, raison pour laquelle la cheffe d’entreprise et le doctorant avaient pu se retrouver là, accoudés au comptoir du Lux, à parler et rire sans jamais trouver bon de s’arrêter. Plusieurs semaines s’étaient écoulées, et ils avaient énormément d'informations à partager. Le biochimiste raconta la fin de l’été, ses premiers entraînements, sa rentrée. Il n’oublia pas de discuter du programme de doctorat qui l’attendait, et de son emploi du temps digne d’un ministre. Il raconta son séjour à New-York, et ce que Chuseok représentait dans sa culture – le fameux Thanksgiving coréen, la fête de la mi-saison. Il avait en tête de diminuer ses heures de travail, et d’arrêter de travailler à l’hôtel, avouant sans mal qu’il avait besoin de repos, et bien sûr il écouta la plus âgée ; il savait être à l'écoute, lui aussi.
Il but une gorgée du cocktail qu’il avait choisi de goûter – pour changer des whisky, puis il tourna le visage vers la piste de danse où nombreux jeunes et moins jeunes s’étaient d’ores et déjà élancés. Cela faisait déjà une bonne heure qu’ils étaient entrés dans l’établissement nocturne, pourtant ils n’avaient pas encore foulé le milieu de la salle de leurs pieds, il proposa alors : nos verres on finit, et je t’y emmène ? Est-ce-qu’elle avait envie qu’il l’invite à se trémousser parmi tous ces fêtards ? Ils avaient tellement à rattraper, et pourtant devaient aussi penser qu’ils étaient là pour tout oublier et se laisser aller. Du pire danseur tu n’as pas hérité, je préviens , lança-t-il, rieur et plein d’humour ; il n'était pas mauvais, mais, que tes talons aiguilles, au placard tu as laissé, je vois ça. Il constata en se permettant de baisser son regard sur ses jambes jusqu’à le poser sur les chaussures adéquates qu’elle portait pour l’occasion, puis observa davantage la silhouette de ses gambettes.
Ses yeux marrons atterrirent dans ceux foncés d’Aya, moment où il lui offrit un sourire chaleureux. Il décida de faire cul sec. Le troisième verre commandé finit entièrement dans son gosier, et à peine le temps de le reposer qu'il attrapa la main de la jeune femme de la sienne. Il lui demanda soudain : prête ? Prête à se vider la tête en sa compagnie jusqu’au lever du soleil ?
@Aya Wolford
(Ji-hun Hwang)