(rp Libre) - Dēbeō

Silence. Il alourdit l’atmosphère. Compact. C’est l’adjectif qui souligne le mieux cette sensation. Désagréable est la solitude pour la plupart des êtres déambulant dans cette université, mais pas pour lui. A l’inverse, elle est sa maitresse. Sa meilleure amie. Elle qui l’accompagne. Le rassure. L’aube étant encore obscure, l’ombre se fond dans l’immense amphithéâtre. Se mêle aux entités déjà présentes. Mouvement. A pas de velours, il descend les escaliers qui le mènent au cœur du lieu. Inspiration. Il s’imprègne de l’odeur familière. Celle de la poussière et du bois vieillit. Après deux ans d’assistanat, Gavyn est enfin professeur. Rien de vraiment nouveau. Cela fait un moment qu’il mène des cours ou des conférences seuls. Souvent peu apprécié par les étudiants à cause de son intransigeance, il l’est pour ses compétences. L’homme sait de quoi il parle. Cela peut être même déconcertant. Claquement. Se dispersant en millier d’échos, le bruit de son sac posé sur le bureau brise la religiosité de l’amphi. Tournant le dos aux centaines de chaise, il attrape une craie pour inscrire un unique mot : dēbeō. Le devoir. Celui qui leur incombe en tant qu’étudiant d’Harvard. Et alors que le bruit de la craie résonne encore, un autre se fait entendre. Celui d’un pas dans son dos.

Première rentrée en tant qu'intervenante à Harvard, conférence qui s'annonce bien. Tout est préparé, écrit, et j'ai été sur les bancs d'Harvard donc je sais ce qu'il en ressort. J'entre dans l'amphithéâtre, voit quelqu'un déjà au bureau. J'approche, pas sûre de la chose. Il est peut-être étudiant et voulait faire son intéressant ? Il écrit dēbeō, et c'est cohérent quant à mon cours. Peut-être qu'il est professeur ? Intervenant lui aussi ? Pourtant, c'est mon amphithéâtre, j'ai vérifié la porte, mais je peux probablement me tromper. "dēbeō ?" un sourire aux lèvres alors que je pose mes affaires sur le bureau, essayant de parler tout doucement pour ne pas que les étudiants entendent nos échanges. "C'est une belle entrée en matière, mais je crains que ce soit le mauvais amphithéâtre..." c'est une belle entrée en matière pour moi ici, l'idée est très bonne cela dit.

Le bruit perturbe sa paix matinale. Derrière lui, une voix féminine s’élève. Elle vient caresser son ouïe. Recouvrant au passage, le brouhaha des étudiants. Eux qui remplissent l’amphithéâtre. D’ici, il peut ressentir leur énergie. Soupirant, Gavyn dépose sa craie. Se frotte les mains, avant d’enfin daigner se retourner. « Aux dernières nouvelles, c’est le bon amphithéâtre. » Les opalines froides, il les darde sur l’inconnue. Son visage ne lui est pas familier. Les traits fermés, il tend un bras pour tirer une feuille de son classeur. Juste derrière elle. Puis, la brandissant devant ses iris, il reprend d’un ton sans équivoque : « Vous voyez. J’ai réservé pour ce matin. » Et il n’allait certainement pas céder sa place. Peu importe qui était cette femme, elle s’était trompée. Pas lui. « Maintenant, si vous voulez.. » D’un geste de la main, il lui fait comprendre de déserter l’espace. « J’ai un cours à commencer. » Rompant le contact visuel, l'ombre repose la feuille sur le bureau. Se détourne d'elle.