Ji-hun se remettait progressivement d’une angine blanche. Chopée après avoir été exposé devant les climatiseurs des deux établissements dans lesquels il travaillait, elle s’était voulue tenace et douloureuse malgré ce qu’il pouvait bien dire à ses amis pour les rassurer. Il avait loupé quelques heures à la Luna Caffe, n’avait pu s’entraîner durant une semaine et n’avait pu se satisfaire d’un bon repas pendant quelques jours, tant et si bien que son estomac avait crié famine toutes les deux heures. Il avait bu, beaucoup d’eau, mais ça n’avait pas complétement satisfait son système digestif. Nul en cuisine, il avait dû se contenter de bouillon déshydrater, quand sa mère avait toujours eu deux ou trois recettes en tête pour remplir les panses de ses enfants, lorsque ceux-ci étaient malades. Dans des moments comme celui-ci, on se rappelait plus facilement à quel point il était important d’avoir ses parents, parce qu’on avait besoin d’eux – même à vingt-six ans.
Ce fut ainsi qu’il eut l’idée de couvrir ses arrières pour les mois à venir. Le temps s’était adouci, annonçant l’arrivée prochaine de l’automne puis de l’hiver, et le nord-coréen s’était rendu compte qu’il n’avait rien dans sa pharmacie qui pourrait renforcer son système immunitaire, et pallier aux petits maux récurrents de l’hiver. Il en avait parlé à l’association des expatriés qui l’avait soutenu, et c’était ainsi qu’il avait obtenu l’adresse à laquelle il allait se rendre aujourd’hui. Entraînement de natation tout juste terminé, il entra les coordonnées des « trésors de Gaïa » dans son smartphone de façon à en apprendre l’itinéraire depuis le complexe sportif d’Harvard. Harbor area n’était pas à côté, il retira aussitôt l’option de s’y rendre à pieds. Il ne savait pas encore s’il s’en sortirait financièrement sans puiser dans les ressources qu’il voulait mettre de côté pour sa future vie d’adulte, alors il mit un nouveau masque chirurgicale – pour éviter de contaminer d’autres personnes – et marcha.
Il enchaîna la Red Line avec la Blue Line puis un bus, et arriva une heure dix plus tard devant la boutique. L’heure de midi trente un peu dépassée, il poussa la porte en espérant que celle-ci ne soit pas fermée durant la pause méridienne. Son entrée fut accompagnée d’un carillon accroché au plafond et il observa l’intérieur du magasin à la recherche d’un vendeur. Une jeune femme donnait ses conseils à un client, et il attendit qu’elle le remarque pour se pencher en avant de façon à la saluer, parce que ses origines étaient marquées sur ses traits asiatiques, et qu’il reconnut là quelques similitudes avec les siennes. Il s’avança vers le fond, là où étaient entreposées les herbes dont il aurait besoin. Et quel plaisir de faire de nouveau face à ces plantes sèches ! Il sourit d’ailleurs en retrouvant les images de sa mère préparer une concoction à base de fleurs que son père avait rapporté du travail. Souvenirs visuel et olfactif qui fit apparaître un léger sourire sur ses lèvres.
Le départ du client tinta, signe que la vendeuse était à présent disponible pour lui. Bonjour, lui adressa t’il poliment après être allé à sa rencontre, bas du visage toujours caché derrière son masque, le stock de plantes médicinales, je viens faire, pour aborder les plus humides saisons. Il indiqua la raison de sa venue, attendit d’elle qu’elle puisse le conseiller sur les indispensables à tenir à porter.
@Kaylann Haynes
(Ji-hun Hwang)