Perception is reality (Hannah et George pt.2)

Septembre pointait déjà le bout de son nez. Et avec lui, l’arrivée d’une nouvelle rentrée à Harvard. Une année charnière pour George, maintenant bien assis dans sa position. Une année où il comptait bien conduire toute son équipe à leur vitesse de croisière.

Pour marquer la fin de l’année, donc, et pour lancer la prochaine sur le bon ton, il souhaitait convier l’ensemble de l’équipe à une petite soirée chez lui. Un petit moment pour célébrer la vie. Pour la plupart, il ne s’agirait pas de la première occasion où ils passeraient un moment dans le somptueux loft qu’il partageait avec Skylar. Chaleureux au possible, George ne parvenait jamais à dresser de barrière entre lui et les gens qu’il côtoyait au quotidien. Ces gens n’étaient pas que des collègues de travail : ils étaient des individus avec qui il oeuvrait de concert pour accomplir quelque chose d’important.

Puisqu’il revenait à peine d’un voyage en Europe, il avait confié l’organisation plus large de l’événement à son directeur adjoint. C’était donc ce dernier qui s’était chargé des invitations, et puisqu’il avait un faible pour Hannah, l’ancienne stagiaire, il assuma que son absence sur la liste des invités que lui avait transmis George constituait une erreur et avait pris sur lui de l’ajouter à la liste d’envoi…

La soirée prenait donc tout doucement son envol. Une vingtaine de personnes se distribuaient à travers le spacieux appartement, partageant leurs histoires de vacances avec une coupe de champagne à la main. Sur les tables basses se trouvaient disposées quelques bouchées préparées par George lui-même spécialement pour l’occasion. Un esprit de camaraderie planait dans l’air, alors que cette équipe déjà tissée serrée par la culture de leur chef continuait à tisser des liens.

George s’arrêta à mi-chemin de son récit sur les fjords de Norvège qu’il avait visité en compagnie de son épouse lorsque la sonnette d’entrée se fit entendre.

« Pardonnez-moi une petite seconde, je reviens. »

Ouvrant la porte, il manqua perde connaissance, dans un flashback assez frappant de la première fois où il avait rencontrée la jeune femme.

« Hannah! Quelle… »

… surprise de te voir ici! Il n’avait absolument rien contre elle, bien au contraire. Le mois passé avec elle avait certainement été l’un des plus agréables et de plus productifs de sa courte carrière à Harvard. Son énergie et son dévouement était contagieux, et plusieurs des idées nées de leur collaboration allait très certainement devenir des éléments clés de leur campagne de financement à venir.

Il n’y avait qu’un seul hic – son look de [i}supermodel[/i]. George avait consacré une énergie folle à cacher son existence à Skylar, sa femme, de crainte de faire naître chez elle une explosion de jalousie, honnêtement peut-être pas si infondée que ça…  Il n’avait d’ailleurs jamais fréquenté avec autant d’assiduité son groupe de soutien pour les infidèles repentant.

« … joie de te revoir! T’as l’air en super forme! Comment était le summer camp ? Entre, entre, je t’en prie! T'as pris de super belles couleurs en tout cas. »

Il retomba rapidement sur ses pattes. Il ne souhaitait pas la mettre mal à l’aise. Néanmoins, il s’agissait de la seule personne ici présente ce soir à laquelle il ne fit ni accolade, ni la bise. [i} Keep calm and stay away from fire, as they say[/i].

Il manqua l’envoyer rejoindre Danny au fin fond de l’appartement. Question de pouvoir parvenir à s’en tenir loin. Mais sa nature fondamentale reprit le dessus – surtout lorsqu’il constata que Skylar n’était pas présentement dans les parages.

« Bienvenue chez moi. Je suis content que tu sois là. Même si tu n’as pas été avec nous longtemps, toute l’équipe avait super hâte de te revoir. Et moi aussi. »

Déjà les convives les plus près lançaient des [b} Hey, Hannah![/b] ravis et n’attendaient visiblement que l’hôte la libère pour pouvoir venir la rejoindre.

Il était bien difficile de demeurer indifférent et de ne pas succomber au charme de la demoiselle Boehringer.

Il est temps de redescendre, de reprendre ses esprits, de se focaliser sur la rentrée. Tu espérais secrètement que cet été ne fut qu'un rêve et pourtant, quand tu te retournes sur Boston, ton coeur rate un battement. Tu constates qu'il n'y a personne qui t'attend à l'aéroport et que ton taxi ne suivra pas le chemin de l'appartement conjugal qui on peut dire les choses ainsi. Tu n'habites plus avec Joaquin. Tu t'es arrangée pour que tes affaires soient directement amenées dans ta nouvelle colocation. Les autres habitants sont forts sympathiques et également sans filtre. Ils se connaissent par coeur et aiment blaguer ensemble. Tu te sens un peu à part, bien qu'ils essaient de t'intégrer de la meilleure manière qu'il soit. Tu n'es pas dans ton état d'esprit habituel, joyeuse et prête à faire de nouvelles connaissances. A vrai dire, dès que tu es sobre, c'est la dépression qui t'envahit depuis ta rupture avec Joaquin. C'était pourtant ton choix, un choix qui s'est tout simplement imposé à toi. Tu ne peux rien y faire, c'est comme si on t'avait coupé les ailes. Quand tu regardes devant toi, tu n'y vois aucun avenir.

Pourtant ce soir, il va falloir faire un effort. Tu dois garder la tête haute. Tu dois faire bonne figure devant tes anciens collègues d'un temps. Ton stage au sein de l'université s'est tellement bien passé que George t'a invité à une petite soirée. Tu ne peux pas décliner son invitation. Tu viens de la haute, ton père t'a appris les bonnes manières. Il faut parfois se faire violence. Tu enfiles une robe noire, sobre, juste au corps. Quelque chose d'élégant sans trop en faire malgré tout. Une paire d'escarpins de cette même couleur et un rouge à lèvres rouge carmin pour réhausser le tout et ne pas paraitre fade. C'est ainsi que tu te rends à l'adresse indiquée sur l'invitation. Le taxi te dépose juste devant et tu sonnes en te demandant encore si c'est une bonne idée.

Lorsque ton ancien boss vient t'ouvrir, tu te rends compte que l'invitation, c'était peut-être juste pour la forme, pour être poli. Il dit être heureux de te revoir mais, il ne semble pas convaincu et il a du mal à t'entrainer avec lui dans son mensonge. Malgré tout, tu esquives un petit sourire en replaçant une mèche de cheveux derrière ton oreille. Je vous... te... remercie. Tu esquives un nouveau sourire, amusée. Tu n'en dis pas plus concernant tes vacances. Tu te doutes que c'est pour les formalités et tu n'as pas trop envie de t'attarder sur tes problèmes personnels. Il t'invite à entrer et c'est ce que tu fais. Tu fais signe à tes anciens collègues. Même si tu n'es pas restée longtemps, les semaines passées à leurs côtés ont été agréables et ça se ressent ce soir. Ils sont tous heureux de te voir et leur contact te permet de penser à autre chose le temps d'une soirée. Charmant... l'appartement ! Tu te rends compte que t'es ridicule. Tu serres l'anse de ton sac tout en pivotant sur toi même pour regarder autour de toi. C'est grandiose. T'aimerais bien vivre dans un endroit comme celui-ci. Merci pour l'invitation. Tu tournes à nouveau la tête vers George pour le gratifier d'un sourire cette fois-ci sincère. @George Cavendish

Il ne manqua absolument pas de constater son petit trait d’humour lorsqu’elle évoqua d’entrée de jeu cette petite anecdote de leur première rencontre et leur discussion initiale sur l’importance du respect de la hiérarchie dans leur communication. Ironique, puisqu’il avait passé l’essentiel du stage de la jeune femme à constamment devoir se rappeler de conserver une distance professionnelle. La tâche s’était avérée ardue. Il appréciait énormément l’esprit imaginatif et créatif d’Hannah. Son dynamisme et sa volonté de concrètement participer à quelque chose d’important et d’utile. De n’absolument pas vouloir se reposer sur les lauriers que son patronyme déposait sur son front. Sans vouloir manquer de respect aux membres de son équipe, plusieurs de ces traits de caractère qu’il appréciait particulièrement leur faisaient cruellement défaut à eux.

Il gardait de précieux souvenirs de plusieurs conversations fort inspirantes alors qu’il s’apprêtait à rentrer chez lui et qu’il ne restait pratiquement plus personne d’autre au bureau. Ça lui avait certainement valu quelques querelles familiales, mais c’était pour ce genre de moments pour lesquels George se levaient tous les matins. Sa vie aurait été mille fois plus facile si elle ne semblait pas tout droit sortie de l’agence de mannequinant de Victoria’s Secret, mais en même temps, ce n’était pas vraiment sa faute à elle, non ?

Et puis, pour être parfaitement honnête, aurait-il autant été absorbé par ces moments si ce brillant esprit aurait résidé dans le corps d’un vieillard ?

Lorsqu’elle commenta son appartement, il ne put s’empêcher d’esquisser un sourire en coin. Il s’en sortait bien financièrement, il n’y avait aucun doute là-dessus. Mais sa situation n’avait absolument rien à voir avec celle d’une famille européenne de multimilliardaire.

Il allait définitivement devoir mentionner l’étendue de sa politesse et de sa délicatesse lorsqu’on le contacterait, éventuellement, pour des références.

« Vraiment ? Ça te plaît ? Avec Skye, nous avons pris un plaisir fou à le rénover pour le mettre à notre goût. Enfin, à son gout, plutôt. C’était elle le génie, et moi, les bras! Sauf pour la serre que nous avons fait installer sur le toit de l’immeuble. »

Il se mordit la lèvre inférieure à l’évocation de son petit bébé. Le havre où il trouvait refuge dans les moments où plus rien ne faisait de sens. Tout le monde connaissait son péché mignon pour la botanique, et la plupart avait déjà entendu parler, ou visiter, même, sa serre. Il s’était pourtant efforcé de ne jamais l’évoquer devant Hannah dans ses efforts de conserver une certaine distance. Parce que dès qu’il était question de lys ou de dahlia, il ne répondait plus de rien…

« Mais c’est tout naturel, voyons! Au contraire, c’est moi qui te remercie d’être là. Avec ta vie d’étudiante qui reprend son cours, t’as sûrement un millier d’activités plus excitantes qui s’offrent à toi qu’un cocktail entre anciens collègues de travail. Sinon, je vais devoir adresser deux mots à ceux qui s’occupent de la vie sur le campus… »

Tout naturel, hein ? Bravo, George, vraiment, bravo…

Ne voyant toujours aucun signe de son épouse, il se dit qu’il n’y avait probablement aucun mal à continuer un peu les interactions ? Parce qu’elle lui avait réellement manquée, mine de rien.

« Je te fais visiter ? Ne serait-ce que pour savoir où aller pour goûter aux meilleurs feuilletés aux escargots de la côte est. »


@Hannah Boehringer

Tu te rends à cette soirée sans grande conviction mais, qu'il en soit ainsi, il faut que tu fasse bonne figure et tu as besoin de te change les idées. Tu ne peux pas passer ta vie à te morfondre, il faut aller de l'avant, montrer de quoi tu es capable. Tu es une femme forte et indépendante, tu n'as besoin de rien et encore moins d'un homme pour réussir ta vie.

Sourire aux lèvres, tu complimentes Georges sur la décoration de sa demeure. Il renvoie le mérite à sa femme et ça te fait sourire parce que tu aurais espéré qu'un jour, Joaquin en fasse de même avec toi. Il s'avère qu'à la place, tu as quitté votre appartement pour rejoindre une colocation dans laquelle tu n'as pas encore eu le temps de prendre tes marques. Une serre sur le toit ? L'idée est originale ! Et bonne tu dois le reconnaître. Ce doit être magnifique.

En attendant, tu salues quelques collègues avec lesquels tu as travaillé sans vraiment savoir que faire ni où donner de la tête. Maintenant que tu as fait un coucou à tout le monde, tu devrais disparaitre. Georges se propose pour te faire visiter après t'avoir remercié de ta présence. Tu acceptes volontiers qu'il te guide à travers la maison, sourire en secouant la tête : Ca sera avec plaisir parce que je risque de me perdre... Tu grimaces légèrement avant de le suivre de pièce en pièce. Tout de même impatiente de goûter aux petits fours maintenant qu'il en a fait mention. @George Cavendish

« Pas le choix – il faut être créatif lorsqu’on aime les plantes et qu’on souhaite habiter au centre-ville. J’ai même fait installer un système qui permet de…. right, trop de détails, je m’excuse. »

Il lui était toujours difficile de contenir sa passion pour ce qu’il aimait. Cependant, dans le cas présent, il n’avait pas vraiment le choix. Non seulement il se doutait bien qu’Hannah devait avoir bien d’autres intérêts que les conditions d’humidité et les systèmes intégrés d’aquaponie, mais en plus, il n’y avait aucun univers où il pourrait s’éclipser quelques moments de sa propre soirée avec la sublime jeune étudiante et espérer continuer de respirer à son réveil. Aussi nobles soient ses intentions.

Il la guida sommairement, mais avec un entrain grandissant à travers les différentes pièces de l’appartement. Le salon, d’abord, avec sa vue imprenable sur la baie. Puis, la cuisine, son deuxième bureau. Là où il s’affairait jusqu’à tard dans la nuit pour préparer plusieurs mets et desserts expérimental qu’il proposait relativement fréquemment aux membres de son équipe. Il ne se passait généralement pas une semaine sans que l’on puisse retrouver un plateau contenant des trucs ‘ à la Cavendish’ devant lequel on pouvait lire ‘servez-vous!’. Et là où se trouvait les canapés, ainsi que le vin et le mousseux. Il en profita d’ailleurs pour rafraîchir son verre.

Il lui indiqua ensuite la salle de bain, avant que son visage ne s’illumine d’un air espiègle.

« Et la pièce de résistance, mon petit coup de cœur à moi… »

Il la guida finalement vers un curieux et rare recoin de l’endroit, un petit espace occupé par une table basse sur laquelle on distinguait les dernières éditions de Bloomberg, de Wired et de Forbes, et deux petits fauteuils. Une immense fenêtre occupait tout le mur extérieur, comme dans le salon, mais dans un axe nord-est, contrairement à ce dernier qui donnait sur le nord ouest.

« Avant, c’était le garde-robe de la chambre. Quand nous avons empiété sur le bureau pour faire un walk-in pour Skylar, j’ai eu droit de récupérer ce petit espace là. Ça ne paie pas de mine présentement, mais chaque matin, il y a une vue absolument fabuleuse du levé de soleil, juste au-dessus de la Charles River. »

Il se tut un moment, le regard perdu dans l’horizon, avant de retourner son regard sur Hannah. Ils étaient un peu retirés du reste des invités, et même s’il ne s’agissait pas d’une pièce fermée, l’endroit évoquait une certaine intimité par rapport au reste des grands espaces. Une ligne soucieuse se dessina sur son front, alors qu’il se permit de lui demander.

« Ça va, Hannah ? »

Sans trop parvenir à bien l’expliquer, il ne retrouvait pas chez la jeune femme la même énergie qu’il lui connaissait. Cela pouvait être dû à un bon millier de circonstances bénignes qui ne le concernaient absolument pas, bien entendu. Mais il se souciait beaucoup trop du bien être d’autrui pour demeurer indifférent. D'autant plus que malgré ses efforts pour la tenir éloignée, ils avaient passé un nombre d'heures conséquents à travailler ensemble.

Au même moment, et avant qu’elle n’ait pu formuler le début de sa réponse, une assiette se fracassa par terre dans le salon, probablement échappée par un convive trop animé.

« Excuse-moi, je reviens dans une petite minute. On dirait que la fête commence à battre son plein dans le salon! »

Et il s’éclipsa ramasser les éclats, laissant son ancienne stagiaire dans son cocon l’espace d’un petit moment.


@Hannah Boehringer

Tu ne peux t'empêcher d'esquiver un sourire quand il te parle de sa serre et du pourquoi du comment. Tu n'y connais pas grand chose en écosystème, développement durable et tout ce qui s'en suit. Cela n'empêche que tu trouves cela très intéressant. Les gens qui parlent avec détermination de leurs envies, de leurs convictions, de leurs passions tout simplement. Ça a l'air super important pour toi. C'est cool que tu aies pu le faire en tout cas.

Il te propose de te faire visiter l'appartement et tu acceptes volontiers histoire de pouvoir disparaitre le temps d'un instant, respirer hors de cette foule. Tout le monde est gentil, là n'est pas le problème. Tu ne te sens plus tellement à ta place dans les milieux clos, dans les endroits bondés. T'as l'impression que tout le monde est au courant de ta descente aux enfers alors que ce n'est pas le cas. Tu le suis donc parmi les nombreuses pièces que compte la demeure. Vous finissez dans un petit espace semblable à une bibliothèque, offrant une magnifique vue sur Boston. Tu traines des pieds à l'intérieur, comme pour t'imprégner de l'atmosphère qui y règne. Tu t'arrêtes devant la baie vitrée, fermant les yeux un cours instant avant de revenir à la réalité. T'as rien à faire ici, t'en as bien conscience. Mais dans cette pièce, t'as l'impression d'être un peu plus libre et à ta place.

George doit se rendre compte de ton mal être parce qu'il finit par se soucier de ton état d'esprit. Tu esquives alors un petit sourire qui se veut rassurer tout en secouant la tête de haut en bas après avoir pivoté dans sa direction. Tu entrouvres les lèvres, prête à t'exprimer quand un gros bruit se fait entendre de l'autre côté de la porte. Il part donc en direction du salon et t'en profites pour souffler, comme si tu te retenais d'exploser jusque là. Tu déglutis, difficilement avant de réfléchir à la meilleure stratégie à adopter. Il faut que tu t'éclipses, que tu partes d'ici. Tu ne peux pas faire autrement. Tu ne peux pas continuer à faire semblant éternellement. @George Cavendish