anecdotes
anecdote une Je suis venu au monde le 23 mai 1995, quelques minutes après Anton. Maman, c'était une flutiste, une vraie de vraie, et papa lui, il est agent immobilier. Mais pas un petit agent qui va supplier pour réussir à vendre des biens. Non. C'est l'un des meilleurs dans ce milieu chez nous.
anecdote deux C'est à cause de ça, que notre éducation, on l'a faite nous même. La plupart de notre temps, on le passait avec nos cousins et nos cousines. Des vrais aventuriers, à découvrir le monde, sa beauté, ces malheurs... Toutes ces joies et ces déceptions, on les a vécus ensemble.
anecdote trois Quand tu as une mère qui a un niveau si élevé musicalement parlant et qu'elle joue à la Philharmonie de St Pétersbourg, t'as pas d'autres choix que de devoir jouer d'un instrument. Elle nous a dit que ça permettrait d'éveiller notre côté artistique. Mon cul ouais. Anton lui, il a choisi le piano. J'ai voulu faire pareil, pour qu'on continue dans notre lancée de jumeau identique, mais nos parents n'ont pas voulu, pff... J'ai choisi le violon du coup, parce qu'on m'a dit que la batterie c'était bien trop agressif et que ça ne me correspondait pas. Mensonge, ça me correspondait parfaitement, ça m'aurait surement permis d'extérioriser un peu plus et de me défouler. Après, on va pas se mentir, ça va pas apporter un plus quand tu dis à une femme que tu as fait du violon quand tu étais gosse. En fait, cette histoire de piano et de violon, c'est un peu l'histoire de ma vie, de notre vie. Cette boucle ou on a toujours voulu être sapé pareil, faire les mêmes activités et être avec les mêmes personnes. Etre ensemble, comme des inséparables, ne faire qu'un, ne former qu'une seule et même personne dans deux corps. Mais ça, nos parents, ils ne voulaient pas, ils voulaient deux identités distinctes, deux personnes différentes...
anecdote quatre Et je crois bien qu'avec le temps, Anton, il c'est fait à cette idée, à l'idée que lui et moi, ont étaient différents. On va pas se mentir, ça m'a fait du mal, ça m'a blessé de me dire qu'il voulait se dissocier de moi, qu'il voulait prendre son envol, avoir sa propre vie, ces propres expériences. Pourquoi ? J'étais pas à la hauteur ? J'étais trop comme notre père ? J'ai toujours tout fait pour lui, pour qu'on soit heureux, que ça soit nous contre le reste du monde. J'ai passé ma vie avec lui et je ne voulais pas que ça change, je voulais qu'on vieillisse ensemble, qu'on suive les traces de notre père à deux, et qu'un jour, on reprenne tout son empire. Qu'on crée quelque chose à nous, parce que pour moi, ensemble, rien ne pouvait nous arrêter. Mais non. A croire que je n'ai pas été le frère qu'il fallait, que je n'étais pas parfait. Parce qu'Anton, il a trouvé une meuf, et putain, j'avais la haine contre elle. C'était qui, cette putain ? Cette pièce rapporté qui avait débarqué comme un cheveux sur la soupe pour me voler mon frère ? J'ai essayé de trouver des parades pour le retenir, je lui ai même proposé de coucher avec elle moi aussi, histoire qu'elle ne soit pas au courant qu'Anton, il avait un jumeau. Mais non, il a refusé. Il voulait vivre sa propre vie, il voulait se dissocier de moi je crois. Anton, il voulait juste être un être à part entière, mais ça, je ne l'avais pas compris, et je lui en ai voulu, encore aujourd'hui, un petit peu...
anecdote cinq Sauf que cette meuf là, qu'elle repose en paix, c'était pas une crise d'adolescence un peu tardive. Non, il n'y a pas eu que ça. Il a pas vraiment voulu bosser avec notre père, avec moi. Enfin, les quelques fois ou il est venu, ça ne compte pas. Il voulait s'occuper des animaux, il c'est même cassé à nos dix huit ans pour faire un tour monde, sans moi... Il m'a abandonné, tout simplement. Encore.
anecdote six Alors c'est pour ça, qu'au fur et à mesure que les années ont passés, je me suis crée une carapace indestructible. Parce que j'avais peur. J'avais peur de ne plus être avec mon frère, j'étais devenu ce mec toxique dont les filles veulent se débarrasser. Mais c'est lui, aussi. Il c'est cassé, sans vraiment donner d'explication qui auraient pu me convaincre/ Je l'ai juste laissé faire, par amour, en essayant de me dire que c'était bien pour lui et qu'il en avait besoin, que si il était heureux, je le serais aussi. Mais c'était faux. Enfin, un peu. J'ai appris à vivre sans lui, en partie. J'ai suivi mon père, j'ai suivi ces traces, années après années je me suis élevé dans la société, devenant à mon tour quelqu'un, j'ai enchainé les conquêtes, n'ayant jamais réussi à m'attacher à une femme. La peur de l'abandon était encore présente, préférant voguer de lit en lit plutôt que de m'autoriser à éprouver le moindre petit sentiment. Et puis quoi encore ? Pour qu'à la fin, elle me dise qu'elle a envie d'avoir sa propre identité, elle aussi ? Même pas en rêve ! A chacune de mes réussites, j'étais triste. Triste qu'il ne soit pas à mes côtés, triste de ne pas pouvoir partager ça avec lui. Je lui en ai voulu, mais avec le temps, j'ai finis par comprendre que si il avait fait ces choix, c'était pour notre bien, qu'on ne pourrait peut-être pas continuer cette vie éternellement, à se couper du monde pour être ensemble. C'était surement malsain, mais quand tu grandis de cette façon, tu ne t'en rends pas compte tout de suite. C'était bien pour lui, il avait l'air d'être heureux, maintenant...
anecdote septTout au long de notre vie, il n'aura cessé de me surprendre. Et je crois bien que cet hiver, quand il a enfin décidé de ramener son cul en Russie pour passer les fêtes de fin d'années avec nous, ça a été le choc. Un mec. Il était en couple avec un mec. Sérieusement ? En soit, je m'en branle, garçon ou fille je m'en moque il fait ce qu'il veut, mais sur le coup, ouais, j'ai été choqué. J'ai cru à une énième provocation de sa part pour montrer à quel point ont étaient devenu différent, alors que pas du tout. Son mec d'ailleurs, je pense qu'avec les regards que je lui ai lancé, il a bien compris qu'il ne ferait pas long feu. Enfin, c'est ce que je pensais... Moi mon but, c'était juste de retrouver mon frère, cette complicités qu'on avait toujours eu et que je voyais s'envoler petit à petit au fur et à mesure que les années passaient.
anecdote huit Et ça jouait sur mon moral, sur ma façon d'être, sur la façon que j'avais de me comporter avec mon père. Je devais bien plus chiant, limite agressif, je ne me laissais plus faire. Yuri, c'était pas un gentil, et plusieurs disputes ont éclaté avec mon père, parce que moi, ce que je voulais, c'était faire encore plus d'argent, vendre, vendre et encore vendre. Assoiffé par le travail, noyant l'absence d'Anton là-dedans. Mais mon père, il l'a vu ça, il l'a compris, je crois. A Boston, il y avait du travail, des marchés à prendre, tout un quartier à racheter, à retaper pour ensuite le revendre au riche. C'était comme une carte sortie de prison, et ça, le paternelle, il le savait. Il n'a pas hésité, il m'en a parlé, il m'a poussé à y aller, parce qu'il savait que là bas, il y avait Anton, que là bas, j'allais pouvoir être épanoui à cent pour cent, et que par la même occasion, j'allais rapporter de l'argent. Deux mois, juste deux mois à attendre, juste le temps de laisser passer les vacances scolaires pour y débarquer à la rentrée. La fin d'une époque sombre. La fin de la descente aux enfers de Yuri.
anecdote neufVous vous doutez bien que la première personne que j'ai prévenu, c'est Anton. Je crois que ça lui a fait plaisir, enfin, j'espère. J'ai hésité à venir avant, car il m'a parlé d'un Summer Camp, une pratique courante aux Etats Unis ou tous les étudiants se cassent en vacance dans je ne sais quel pays histoire de décompresser de l'année. Personnellement, même si je suis plus étudiant depuis bien longtemps, j'ai eu envie d'y aller, une ou deux semaines fin Août. Enfin, c'est ce que je pensais, jusqu'au moment ou j'ai reçu ce message de Lukas me demandant de le rappeler le plus vite possible, que c'était au sujet d'Anton. Putain, qu'est-ce qu'il avait foutu ? Je n'aimais pas les messages comme ça, ça me faisait flipper. Et quand je l'ai appelé, j'ai failli me chier dessus. Anton, kidnappé ? Trois jours ? J'ai pas tout compris, ma vue a commencé à devenir flou, mes jambes à flancher, comme si je n'arrivais plus à réfléchir correctement. Alors c'était ça, la sensation étrange que j'ai eu l'autre jour ? Comme si quelque chose n'allait pas sans pour autant savoir ce que c'était ? C'était donc ça, ce lien que des jumeaux entretiennent sans s'en rendre compte ? Sans réfléchir une seconde de plus, j'ai préparé une valise, réservé un billet d'avion direction Boston. Est-ce que j'en ai parlé à notre père ? Evidemment que non, j'ai clairement pas eu le temps. Même si je lui en veut de s'être barré, d'avoir fait sa vie, ça reste une partie de moi, et si quelqu'un le touche, si une personne ose s'en prendre à lui, je serais prêt à faire n'importe quoi pour le défendre, qui à y laisser ma peau. C'est bien ça, mon problème. Impulsif, colérique, un peu trop violent sur les bords...
anecdote dix Nous sommes un C'est à ce moment là, que cette phrase reprend tout son sens. Cette phrase tatouée depuis tant d'années. Nous étions jeunes, cette famille prête à tout l'un pour l'autre. Nous allions être tous réunis, comme au bon vieux temps, avec quelques années en plus. Prêt à partir au front, à se lancer dans un combat qu'on allait peut-être perdre, mais ensemble, comme on l'a toujours été.