@Horace Dawson“
J’en sais rien.” répond-elle, honnêtement quand il lui demande qui elle est. Qui est vraiment capable de répondre à cette question ? L’être humain est quelqu’un qui évolue sans cesse, qui n’est jamais le même qu’hier et qui est déjà différent de demain à l’instant même où il met le doigt sur ce qu’il pourrait être. C’est ça la beauté de la vie mais c’est ce qui en fait la cruauté. “
C’est ce que j’essaie de savoir justement.” Alors elle teste et attends de voir. Elle enfile différents costumes, et oui, peut-être qu’elle commence par ceux qui lui ressemblent le moins mais si l’un d’eux lui allait, cela expliquerait pourquoi elle est mal dans sa peau depuis… si longtemps, toujours même peut-être. Elle observe Horace, se demande s’il sait répondre à cette question mais elle ne pense pas : l’être humain est ambivalent, et probablement pas assez conscient de son existence pour la définir précisément. Pour sa part, Haley s’essaie à la personne assurée, prête à partager le lit de qui voudra bien partager le sien et peut-être que la solution est là pour l’aider à tout sacraliser, les relations humaines et le sexe en tête de liste. Peut-être qu’à force de se faire sauter, elle arrêtera de se dire que c’est quelque chose de spécial. Peut-être qu’à force d’épuiser sa peau contre celle d’un autre, Haley se rendra compte que l’amour n’a rien de spécial, n’a rien d’unique. Peut-être qu’elle oubliera tout ce en quoi elle a toujours cru et qu’en retour, la vie se fera moins douloureuse, et les obstacles, moins hauts. Ou qu’elle deviendra meilleure au saut d’obstacle, elle ne sait pas au fond, comment ça marche.
Et pourtant, malgré ses nouvelles convictions, malgré les principes que Joey essaie de lui inculquer, voilà qu’elle s’assoit sur les genoux de Horace et y croit plus que jamais. Elle va jusqu’à perdre toute retenue et dépose ses lèvres sur les siennes, y croit quand il répond doucement, hésitant à son baiser et continue sa déclaration, réalisant pourtant à la façon dont ses muscles se meuvent que le couperet est tombé et qu’elle devrait s’arrêter de parler, que cela ne sert à rien. La décision est déjà prise et l’était avant même qu’elle ait offert l’option à son prince charmant. Haley ne se décale pas quand il lui dit qu’il ne peut pas faire ça, elle serre les dents mais reste contre lui, parce qu’à tous les coups, c’est la dernière fois. C’est la première, que ce n’est pas qu’un câlin amical, mais la dernière aussi et Haley ne peut s’empêcher de se dire qu’elle aurait dû se taire, qu’elle aurait dû passer la nuit à l’aimer, avant de lui dire ce dont elle voulait. Car, maintenant c’est trop tard : elle n’osera plus, de peur de lui souffler des mots interdits à l’oreille quand il la fera sienne, de peur qu’il lui réponde alors qu’il n’en pensera rien. Ou qu’il ne le pensera pas comme elle, en tout cas.
Haley ne sait pas vraiment pourquoi elle le laisse encore poser ses doigts sur elle, la regarde avec sincérité et peine… avec pitié ? parce que ça fait mal et qu’elle aimerait être en colère contre lui. Elle aimerait être tellement énervée qu’elle parvienne à le faire sortir de sa vie mais elle connaît Horace, et elle connaissait la réponse à la question avant même de la poser : il n’est pas le genre d’hommes à se poser avec une fille comme elle. Elle n’est pas assez… Pas assez, tout court, et elle le sait. C’est là son sort, cela l’a toujours été. Avec Horace comme avec les autres mais la différence, c’est qu’elle n’a pas eu cette voix dans sa tête qui lui soufflait que cela valait le coup de se battre, de le convaincre qu’elle était plus spéciale quand elle en avait l’air pour les autres. Il n’y a que pour lui que ça le fait, et ça rend le tout plus douloureux. Haley serre les dents pour retenir les larmes et quand il lui dit que c’est pour elle qu’il refuse, elle secoue la tête et s’éloigne. Cette excuse est ridicule. S’il était sincère, s’il voulait vraiment changer, il le ferait. Ce n’est pas ce que Haley lui demande, elle détesterait qu’il le fasse mais le fait qu’il dise que c’est pour elle… C’est un mensonge. C’est pour lui. Pour eux deux, au mieux, mais pas pour elle. Sinon, il tenterait, il prendrait le risque d’être surpris… même sa chance, il la lui refuse. Haley rit jaune quand il lui dit qu’elle est trop précieuse pour être mal aimée et elle secoue la tête. Elle ne se fatigue même pas à préparer un verre et se contente de prendre une gorgée de tequila à même la bouteille et soupire : “
Tu sais ce qu’il y a de pire que d’être mal aimée, Horace ? Ne pas l’être du tout.” C’est un fait, et c’est comme ça qu’elle le dit. Elle ne cherche pas à le faire changer d’avis : elle voit dans son regard que ça sert à rien. Elle soupire à nouveau et lève un peu le menton pour qu’il continue. Elle ne reviendra pas sur cette conversation, bien trop douloureuse comme ça. “
Tu me demandes de t’attendre ? d’attendre que tu sois prêt ?” se retient-elle de justesse de demander. Une part d’ell meurt d’envie d’y croire, de se dire que ce n’est pas totalement mort. Celle que Joey a fait ressortir lui ordonne de se mordre l’intérieur des joues jusqu’à ce que l’envie lui passe d’y croire. Haley soupire, acquiesce et se contente d’un : “
Je comprends” avant de planter sa fourchette dans le plat de nouilles qu’il a ramené. La seule odeur lui donne envie de vomir, encore plus qu’elle ne l’avait déjà alors elle repose sa fourchette : “
J’ai pas faim, j’ai jamais faim”. Haley passe sa langue sur ses lèvres, se demande comment le reste de la soirée va se dérouler… n’en a aucune idée. Elle se rapproche du balcon, a l’envie urgente de sauter dans le bleu de la piscine, ou de sauter tout court, elle ne sait pas trop. Haley ferme les yeux, prend une grande inspiration et comprend ce que la rouquine lui disait sur le toit du Sidh. Elle secoue la tête : “
Je vais me baigner”. Elle va à l’intérieur de sa chambre, hésite à enfiler un maillot de bain mais abandonne. Elle n’a pas le force de se dévêtir et de se dire qu’il va peut-être la voir nue, sans qu’ils ne souillent les draps. “
Tu peux venir si tu veux.” souffle-t-elle, sans trop savoir pourquoi avant de dévaler les escaliers et de plonger, retenant sa respiration le plus longtemps possible.