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(Samara) - Sea shanty ~

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Sea shanty  
@Samara Lewis
Cette fois, l'affaire est officielle: le chantier a pris son envol, mettant à mal leurs connaissances respectives en terme de construction navale. Denzel est peut-être marin, mais il ne construit pas les bateaux. Et youtube ne possède pas de recette miracle pour pareil engagement; un miracle semble donc nécessaire pour remettre l'épave en état de flotter. Au final, peu lui importe, le blondinet est déjà plus que ravi de son investissement; quand bien même la carcasse doit couler à la première vague, ce bâtiment branlant aura tout de même eu le mérite de les réunir. Et ça, c'est de loin ce qu'il préfère. Samara s'est naturellement amarrée à sa vie, en tant que précieuse alliée, une silhouette qu'il ne souhaite pas voir disparaître de son paysage; de ces moments partagés qu'il estime plus que n'importe quel trésor ou billet de banque. L'amitié, la vraie, est inestimable.

Rien ne saurait remplacer les heures à discuter, tout en cherchant comment remplacer un morceau de la ligne de flottaison; rien ne pourrait leur enlever les rires, la bonne humeur contagieuse, ou l'éclat de joie, lorsque les pièces finissent par s'imbriquer les unes aux autres. Denzel lui a forcément parlé de sa tentative d'évasion, étant gamin, avec son jumeau, lorsqu'ils avaient hissé un mât sur une pauvre barque innocente, et que l'embarcation de fortune avait sombré dans les eaux froides de l'Alaska, à peine cinquante mètres plus loin que le rivage. Fuir un paternel violent, absent, éteint suite au décès de son épouse; d'un autre côté, écrire l'histoire de ces fils, en les livrant à leur sort, les forçant ainsi à grandir plus vite. Oui, le jeune homme s'est ouvert, au delà de l'apparence, du "petit con" commun, auquel on l'associe perpétuellement. Il lui a aussi confié l'histoire de son paternel de substitution, mentor et sauveteur émérite, duquel il tire son inspiration. Le disparu en mer, sa quête impossible, la raison de son arrivée à Boston.

A coup de sueur, de bières et de joints - surtout de son côté -, Denzel a ouvert une porte, sur son intimité. Ce soir, après quelques heures de dur labeur et un plongeon dans l'océan, amplement mérité, le jeune homme a pris la peine de faire cramer quelques branchages sur le sable, entourant ce petit feu de quelques pierres; création d'un feu de camp, sauvage. Juste pour eux. Des frites, un plat à emporter, un peu d'alcool et quelques tiges parfumées; le couillon se laisse désormais aller sur le sable tiède, voûte céleste dénuée de pollution au dessus de la tête. - Bon.. J'ai volontairement évité le sujet pendant les dernières semaines, mais je voudrais savoir.. les opales se tournent vers la brune, faciès presque inquiet. - T'as eu ton année ? C'est passé ? il l'espère, il a prié pour, même s'il ne croit pas en grand chose. Quoi qu'il en soit, s'il est capable de jouer cartes sur table à son côté, elle devrait réussir à faire de même... Non ?  




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Franchement, je suis fière de nous. On est loin d'avoir fini (je vous rappelle qu'on est parti d’une épave) mais ça commence à ressembler à quelque chose de correct et Denzel avait raison sur un point : je suis accro. Non seulement au vide qui se fait dans mon esprit lorsque je suis obligée de me concentrer pour ne pas foirer la peinture, mais aussi à l'épuisement physique qu'on ressent après une longue après-midi de travaux. J'en ai appris des choses, notamment sur la rénovation de bateau (merci Internet), et surtout sur celui que je surnomme affectueusement « Cap’tain Sparrow ». Les bouteilles de bière, les tâches répétitives qui capturent le regard et le protègent du jugement… faut croire que ça aide à se dévoiler.

Moi aussi, je me suis confiée, même si c'est le genre de truc que je n'ai pas l'habitude de faire. Je lui ai parlé de ma famille, de ces gens qui n'ont de commun avec moi que le sang et l'ADN. De mon frère et de ma sœur, tous deux menant une brillante carrière, et de la fierté de mes parents, dont la couverture dorée que je convoitais tellement étant gamine m'a toujours semblé trop étroite pour me couvrir entièrement, moi, le troisième enfant trop libre, trop différent, trop « trop ». Contrairement à ce que je pensais, ce projet ne s'est pas transformé en excuse pour procrastiner. Au contraire, ma motivation s'est étendue, a englobé jusqu’à mes révisions, aussi fou que ça puisse paraître. Peut-être parce que bosser sur quelque chose de complètement différent et de totalement nouveau m'a permis de réaliser que je ne suis pas si nulle que ça, en fait.

C'est pourquoi j'ai attendu d'avoir la majorité de mes résultats avant de remettre le sujet sur le tapis, et Dz a été assez perspicace pour savoir que le moment n'était pas encore venu d'en reparler. Aujourd'hui, je le soupçonne d'avoir senti quelque chose, soit dans l'air, soit dans mon comportement, qui lui a donné l'impression que le feu était vert. Aussi, j’ébauche un large sourire lorsqu'il ose m’interroger autour de ce feu de camp improvisé, après notre petite baignade. Son air inquiet n'a pour effet que de me faire pouffer. Je pense que la réponse est évidente, et ça se sent. C'est comme si un poids s'était envolé de mes épaules, comme si l’ancre s'était levée, laissant derrière elle un vide, celui représentant l'avenir dont je peine à distinguer les contours, comme la silhouette imprécise d'un récif montagneux au loin.

— Il me manque deux ou trois résultats mais c'est pour des options, donc mes notes ne devraient pas trop affecter le reste. Disons que je suis sûre à… 98 % d'avoir mon année, j'ajoute pour plus de clarté.

Je suis contente qu’on puisse enfin, trinquer à cette nouvelle. J'ai préparé un pichet de punch pour l'occasion, que je sors de mon sac isotherme, avant de piocher deux gobelets que je remplis en ricanant :

— Tout ce travail mérite au moins une boisson avec du vrai rhum, tu trouves pas ?

C’est cool, la bière… mais les pirates de Boston méritent mieux que ça.



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Sea shanty  
@Samara Lewis
C'est dingue de constater, après plusieurs semaines de collaboration, comme Sam' peut lui ressembler. Le jugement rapide de la première soirée - qui avait conduit au premier froid, d'ailleurs, s'est totalement effacé et le blond a pris un instant pour s'excuser; sa naissance dans un lit doré ne représente absolument pas qui elle est. Plus forte et plus authentique que les billets de banque ne le seront jamais; en toute honnêteté, elle a de quoi être fière. Ils ne viennent pas du même bord, mais se retrouvent en bien des points; ce n'est pas la classe sociale qui compte, une autre leçon pour le "Capt'ain Sparrow", comme elle le surnomme. Parfois, il suffit de lancer un cordage à autrui, pour que naisse quelque chose d'exceptionnel; une amitié, comme ici, entre eux, un paquet de sourires partagés et l'assurance de n'être qu'au début de cette drôle d'aventure. Denzel ignore jusqu'où ils peuvent se rendre, mais il file de bon coeur.

Ce soir, autour du feu - interdit par la loi, à ne pas reproduire chez vous -, il attend un signe; plus important que les réparations, c'est de l'avenir de Sam qu'il s'agit. Même s'il n'aurait rien contre lui proposer un temps plein pour l'accompagner, Denzel sait que son avenir doit se jouer à l'université. Au moins pour une année supplémentaire. Et puis, c'était aussi pour la motiver, qu'il l'a entraînée dans cette histoire d'épave. Elle arbore un grand sourire, et se moque presque ouvertement de sa moue inquiète; c'est instantané, il se détend, relâche une certaine pression et hoche doucement la tête. Les opales disparues derrière les lunettes de soleil - inutiles, sauf pour le look, Denzel les relève enfin pour lui accorder un regard plein de fierté. Comme avec ses autres potes, lorsqu'ils annoncent poursuivre, avoir réussi, c'est la fierté qui prime; à son tour, Samara y a droit. - C'est mérité. Je doutais pas de toi, j'attendais seulement que toi aussi, tu te fasses confiance. il ne se souvient que trop bien de son visage fermé, la première fois qu'elle s'est pointée ici. Comme quoi, avec de la motivation, une grosse dose de volonté, elle a retourné la balance à son avantage.

Et là, elle sort une boisson, mi-rhum mi-fruit, pour conclure l'affaire. Nul doute, la jolie brune est convertie à la piraterie. - Attends, ça vaut un baptême ça. alors, le marin s'approche, dépose successivement sa paume de main sur ses épaules, termine par le dessus de sa tête, non sans rire un bon coup. - Au nom de la grande voile, du nid de pie et du sextant, je te fais pirate de l'ordre de la liberté. verre en main, le gamin trinque comme il se doit, puis descend la moitié du breuvage sans se poser de questions. - J'ai toujours été incapable de doser le rhum. J'en mettais trop. Mais là.. Perfectly balanced. c'est autre chose que sa bière bon marché. Le gosier apprécie. - A ton année ! Et à toutes celles qui suivront.. Tu comptes passer la trentaine à Harvard ? il taquine, bon enfant; faut dire qu'elle sait déjà ce qu'il en pense, des longues études. Un pirate qui s'assume, tout simplement.

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C’est dingue ce qu’un regard peut provoquer comme émotions. En l’occurrence, celui duquel me couve Denzel quand mes mots imprègnent son esprit. Un regard empreint d’affection et de… fierté ? Et je crois bien que je ne ne m’y attendais pas. Peut-être parce que j’ai tendance à croire que mon sort n’importe pas vraiment aux yeux des autres, que j’ai l’habitude de jouer au vilain petit canard mal-aimé et incompris. C’est un mécanisme de défense comme un autre.

La joie qui se propage en moi à ses paroles n’est que légèrement teintée de regret, car je me rends compte qu’il me dit exactement ce que j’aurais aimé entendre de ma propre famille. À l’annonce de mon succès, c’est plutôt un soupir de soulagement qui leur a échappé. Un « Dieu merci tout cet argent n’a pas été dépensé en vain » sous-entendu, à peine dissimulé derrière des félicitations creuses et rigides.

Baissant les yeux, je glisse un « merci » à mon capitaine favori avant qu’il ne se mette en tête de me baptiser. Et ses pitreries me font éclater de rire, même si j’essaie de me contenir pour jouer le jeu. Le nid de pie et le sextant ?! C’est quoi ces trucs ? On trinque à mon nouveau statut - pirate de l’ordre de la liberté, ça en jette, non ? - et je hoche la tête en réponse à son commentaire sur mes talents de barmaid. Merci, la recette trouvée sur Google pour le « meilleur punch du monde ».

C’est quand il m’interroge sur la suite de mes études que je tilte enfin : il n’a pas totalement compris. Après un gloussement, je rectifie le tir.

— T’es loin du compte. J’ai fini. Genre… fini, fini. Je vais obtenir mon diplôme. C’est pour ça que je flippais. « The great unknown », l’après-études…

J’ouvre de grands yeux pour souligner le côté terrifiant. Puis, je finis mon verre cul-sec histoire de m’injecter un peu de courage liquide. Il va m’en falloir… surtout jusqu’à trouver un boulot digne de ce nom. Mais après ma séance avec le Dr Rainer et son ami Tex Douglas, j’ai réussi à gagner un peu de perspective sur ma vie et les avenues qui se présentent à moi. En fait, il s’agissait surtout de faire un choix… ce que j’ai repoussé jusqu’au dernier moment.

— Je vais devenir coach. Entraîneuse… à Harvard, à mi-temps, s’ils veulent bien de moi. Et aussi dans des écoles de boxe, à côté. Tu vois… je me sers de mon jeu de cartes, finalement.

Je n’ai jamais oublié ce qu’il m’avait dit, la première fois qu’on s’est rencontré. Oui, c’était une façon un peu brutale de voir les choses (et surtout, de les exprimer), mais ça m’a fait réfléchir.

— Et toi, alors...? Tu repars bientôt ? Ou tu comptes rester sur la terre ferme encore un petit moment ?



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Sea shanty  
@Samara Lewis
Légère incompréhension, pour une différence de taille à l'arrivée. L'enjeu prend une ampleur différente, à la limite de l'oppression pour une vie humaine; être diplômé d'Harvard, ou devenir redoublant, l'ouverture sur la vie active ou la claque en pleine tronche - sans vouloir être vulgaire. Ainsi, le regain de motivation du premier soir, à partager une bière à défaut d'un bon coup d'rhum, prend tout son sens. Denzel ne l'avait pas vu venir, et reste interdit, bouche entrouverte comme piste d'atterrissage pour les insectes de passage. Fierté décuplée, en mode "erreur système, veuillez redémarrer", quelques secondes sont nécessaires pour qu'il visualise l'étendue de son succès. Sam n'a pas seulement réussi, elle vient de décrocher THE diplôme. L'aboutissement de longs efforts, des années en amphithéâtre, ou derrière le sac de sable. - Oh my fucking lord.. Du coup, tu es.. Docteur ? Mastérienne ? Licensée ? ça n'existe pas ? Grand bien lui fasse. - Alors, bienvenue dans la vie active, encore mieux ! venant du type éternellement désintéressé des études, persuadé qu'il s'agit d'une perte de temps, mmh..

Peut-être que ce quotidien estudiantin lui apportait une forme de sécurité, l'habitude de prendre chaque année comme une sorte de recommencement, la valeur d'une place acquise sur les bancs de l'université, comparée au plancher branlant du monde actif; l'employé inactif, inefficace, aisément mis à la porte, l'univers des requins avant tout. - Après x années à Harvard, je veux que vas t'en servir ! et puis, son plan parait excellent, logique et totalement plausible, ne reste qu'à se jeter dans le grand bain. - Plus sérieusement.. Ils auront de la chance, ceux qui t'accepteront dans leurs rangs. Tu vas gérer, maître Lewis. un titre, il faut au moins cela pour marquer l'évènement. En dépit de tout humour, des nombreuses conneries qu'il a sorti en quelques semaines, sa fierté est le sentiment dominant à l'heure actuelle; c'est le premier accomplissement de sa jeune vie, et elle se doit d'en être consciente. Quant à lui.. Un haussement d'épaules suffit à résumer l'état d'esprit. - Ca dépend pas de moi.. Demande aux têtes pensantes de notre belle société, nous autres soldats ne faisons qu'agir en fonction de leur volonté. liberté condamnée au port du fusil automatique, même lorsque son poste prend l'intitulé du "sauveteur". - J'aimerais rester à terre, au moins quelques mois. quitte à parler ouvertement, Denzel lui offre le fond de sa pensée, la pure vérité. - J'vais peut-être réussir à obtenir une promotion, avec.. Un léger changement de fonction. cela dit, personne n'est au courant, puisque rien n'est encore joué. Tout dépend de l'avis des supérieurs, du jugement formulé à son égard; jusque ici, rien de réellement positif. Qui sait si cela pourra changer.

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Denzel arrive toujours à me faire rire, même lorsqu’il le fait pas exprès. Enfin, surtout, devrais-je dire.

— Docteure ? N’exagérons pas. Il m’aurait fallu encore quelques années. J’ai eu mon Master en arts et techniques du sport. Je suis… une experte en SPORT, tu te rends compte ?



Ça me paraît totalement disproportionné, absurde. Comme quoi, les titres n’apportent pas plus de légitimité : le syndrome de l’imposteur est toujours bel et bien là. Mais, j’admets que ça aide, de se faire appeler « Maître Lewis ». Mes joues doivent avoir une belle teinte rouge, là tout de suite ; heureusement qu’il fait déjà nuit.  



— Merci.



Et puisque ce seul mot, soufflé dans un filet de voix, ne suffit pas à exprimer l’étendue de ma reconnaissance envers lui, j’en rajoute une couche :

— Vraiment, j’veux dire. Sans toi, sans ce projet… (Je désigne vaguement notre épave chérie d’un geste de la main.) … j’pense pas que j’y serais arrivée. Je sais que ça paraît contradictoire, que ça aurait pu être un moyen de fuir mes responsabilités et d’avoir une excuse pour ne pas réviser et préparer mes exams, mais en fait… je crois que c’est la joie de vivre qui me manquait. Ce truc qui fait qu’on est entièrement dans le présent et qu’on est habité d’une sorte d’énergie inépuisable. Et ce truc, c’est toi qui me l’as rendu. Comme si t’avais rallumé une mèche en moi avec un peu de ton feu.



L’image est peut-être chelou, la métaphore mal choisie. Ça pourrait même donner des idées tordues aux esprits mal placés, mais c’est comme ça que ça me vient. Je crois avoir remarqué que Denzel a une piètre image de lui-même… et j’espère sûrement lui communiquer, par cette analogie, comment moi, je le vois. Certainement pas comme un « bon petit soldat », et ça m’étonne d’autant plus qu’il parle de son job comme ça. Un esprit libre comme lui, enchaîné à quelque chose d’aussi rigide et régenté que le monde militaire… ça n’a aucun sens, et pourtant, il semble y trouver son compte. 



Je le fixe avec des yeux ronds comme des billes, le sourire déjà suspendu aux lèvres alors qu’il me laisse mariner dans un suspense insupportable.


— Un changement de fonction ? Ben vas-y, balance !

S'il me laisse poireauter jusqu'au résultat, c'est lui que je balance : à la flotte.


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Sea shanty  
@Samara Lewis
Les codes et titres galvanisent les troupes. Le grade confère à son porteur le sentiment d'importance, de primauté à l'égard des subalternes; au fond, peut-être aussi une preuve de son ancrage au monde, et du rôle qu'on y joue. La fierté de s'élever évoque une ligne de conduite, des séries d'objectifs comme niveaux à passer. Si Denzel évolue psychologiquement à l'écart de ces principes, il n'en demeure pas moins concerné, travail oblige. Aussi, imaginer que son "amie de cœur" possède l'équivalence d'une qualification "maître" lui imprime la plus sincère des satisfactions, bien que l'esprit cherche spontanément une correspondance à sa propre hiérarchie. Inutile, comme le souligne son auto-dérision, qualité fort appréciable que lui reconnait le blondinet. - Je crois que tu l'es vraiment, experte. Mais, ce qu'il te faut maintenant, c'est le terrain. Laisse les amphithéâtres de côté, plonge toi dedans. C'est là que tu feras la différence. puisse le concret enflammer l'arbre de sa confiance personnelle, du tronc jusqu'aux ramifications; nourrir son âme de cette légitimité tant méritée. - Je vais t'appeler Maître jusqu'à nouvel ordre. Profitez en bien, Maître Lewis ! mais trêve de bêtise, l'émotionnel revient au galop.

Si l'honnêteté reste de mise, Denzel avouera qu'il n'imaginait pas avoir eu pareil rôle au cours des dernières semaines. Ne justifiant ses actes qu'à coup de simplicité, d'authentique joie de vivre, comme elle le dit si bien, sans réellement poser main à la pâte, puisque Samara reste, à la finalité, seule artisan de sa réussite. - J'crois pas avoir fait grand chose, mais.. C'est avec plaisir, tu sais. Te voir "remonter la pente", reprendre des couleurs, c'était un joli spectacle. l'index se lève, lui indique de le laisser terminer; qu'elle profite de son moment sentimental, du véritable partage dont il sait parfois faire preuve. - J'ai toujours vécu avec pas grand chose, tu l'as compris. Je me satisfais d'un rien, et c'est un bonheur que de te voir prendre ce flambeau.. la métaphore de la mèche, n'est-ce pas. - En contrepartie.. J'ai aussi appris de toi. Je veux plus me fier aux apparences, ou juger une personne comme ça, au premier abord. J'ai retrouvé le goût du travail, de la persévérance, en me disant qu'un jour ou l'autre, ça finira par payer. Et puis, par dessus tout, je veux croire en l'amitié, en nos moments, en nos capacités. Tu m'as donné un second souffle, j'te jure. gagnant-gagnant, l'expérience humaine est la plus riche qui tienne en ce monde.

Denzel évolue comme une contraste à l'ordre établi par l'univers militaire, bien que son - récent - changement de comportement remette clairement sa réputation à flot; excellent marin, malgré ce tempérament difficile à canaliser. - Je vais devenir maître chien ! les bras s'élèvent, comme s'il venait de devenir roi du monde; progresser, avancer, envisager l'avenir sous d'autres couleurs lui donne une sensation de toute puissance. - Je file en terre-neuve cet été, pour récupérer le toutou en question. Une nouvelle aventure qui commence..! à laquelle il entend greffer leur amitié, l'imaginant sans mal devenir la première "victime" de ses manœuvres, si tenté est qu'elle soit assez dingue pour le suivre.    

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Mouais, parfois, je me demande si je le suis. Experte, je veux dire. Certes, j’ai un bon paquet d’années d’études qui le prouve et bientôt, un bout de papier à accrocher au mur avec la signature de la doyenne imprimée dessus… mais mon entraînement a sacrément souffert de ma déprime. Heureusement que les travaux sur le bateau sont super physiques : au moins, je n’ai pas perdu trop de muscle !


— Ça risque de trop me plaire… fais attention.



Les titres, tout ça… très peu pour moi. Mais j’avoue que le mot « Maître » fait du bien à l’ego. Je crois que Denzel ne se rend pas compte que parfois, il n’y a rien à « faire » pour avoir une influence sur les autres. Il y a juste à « être ». Quand les gens vont mal, on a trop tendance à vouloir les aider, faire la différence dans nos actions ou nos paroles. Alors que souvent, on n'a besoin que de la présence de l’autre. Et puisqu’il m’intime de la boucler (parce que oui, j’ai tendance à interrompre les gens, surtout quand je me sens mal à l’aise), j’écoute son soliloque sans broncher, mon regard se perdant alternativement dans les flammes qui dévorent les morceaux de bois et dans celles qui dansent dans ses iris.



Les apparences, le jugement… L’espace de quelques secondes, je me demande ce qu’il peut bien vouloir dire par-là. Ah oui ok, je crois avoir saisi : sûrement qu’il me considérait comme une petite gamine riche et privilégiée, à notre rencontre. Ha, ha… tant mieux si j’ai un peu redoré mon image à ses yeux. 

Un second souffle : l’expression n’aurait pas pu être mieux choisie. On se reflète bien, finalement. Le miroir l’un de l’autre, même si on ne se ressemble pas en surface. Il a fallu briser la glace pour voir ce qui se cachait au-dessous. Peut-être qu’on en avait tous les deux besoin, de ce second souffle. Peut-être qu’on peinait tous les deux à respirer, pour des raisons différentes.



Attendez, il a dit quoi, là ? Une image s’insinue dans mon esprit : Denzel noyé sous les assauts d’une bande de chiots surexcités. J’éclate de rire, prise au dépourvu par cette révélation.



— 

Je m’attendais à un truc… je sais pas, un truc moins fun !

J'ai une piètre image des métiers de l'armée, je vous rappelle.



— Maître-Chien… enchantée, moi, c’est Maître Lewis.



Patte tendue vers la sienne, je m’amuse de nos nouveaux titres. Y a pas photo : on les a bien mérités.




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