Emotional damage (libre)

Une journée de révision bien condensée qui s'achève avant les examens de fin d'année qui vont débuter sous peu, t'as quitté l'université pour t'aérer l'esprit et laisser les derniers rayons chauds du soleil caresser tes bras nus, sentiment de liberté qui plane au-dessus de toi alors que ta chopper est restée garée sur le parking de l'aile d'arts. Envie et besoin de marcher. De laisser toutes les informations accumulées dans ton esprit en si peu de temps, s'imbriquer correctement dans les synapses. Tu erres sans but précis, tu t'arrêtes devant certaines boutiques par simple curiosité, si bien que tu n'as jamais prêté attention à cette femme qui te suit depuis un moment, tout en gardant une distance confortable. Cette distance qu'elle vient briser, timidement. Avec un accent nordique. « Aranea, c'est bien toi ? » Tu la regardes, et sur son visage, tu pourrais presque reconnaître ton reflet, avec quelques années de plus. Les mots ne viennent pas. Seul un hochement de tête en guise de réponse. Ce jour que tu te refusais de voir arriver, est finalement devant toi. Elle te demande de venir boire un café avec toi, te promet qu'elle va tout t'expliquer. Tu hésites, mais après tout, cette femme a traversé une partie du globe pour te retrouver près de vingt-cinq ans plus tard, tu peux bien lui accorder le temps d'un café.

« Pourquoi tu m'as abandonnée ? » La question est brutale. Mais tu préfères entrer dans le vif du sujet que de tourner autour du pot pendant des lustres et devoir affronter cette discussion encore plus tard. Alors elle sort un carnet de son sac, écrit en finnois. Elle le glisse devant toi en te disant que tout est là. Mais tu répliques que t'as jamais appris cette langue, rejet maladif de tes origines après ton adoption par les Reuben. Que seuls tes prénoms viennent de là-bas. Tu es froide comme les glaciers du grand Nord face à cette femme qui t'a donné la vie mais que tu n'as jamais connue jusqu'à aujourd'hui. Elle te dit tout. Pourquoi l'adoption. Que tu as des frères et soeurs biologiques en Finlande. Qu'ils veulent te rencontrer. Tu dis que tu vas y réfléchir mais que tu dois partir. Tu t'excuses, tu payes les cafés et tu fuis comme une voleuse. T'as besoin de réfléchir à tout ça.

« Remets moi une vodka ! » que tu demandes au barman, laissant devant toi les vestiges des verres déjà engloutis. T'es déjà bien chargée en alcool, et t'as pas les idées plus claires. Tu attrapes ton téléphone pour envoyer un message à tes tiers et tu regardes la personne à côté de toi. « Tu veux que j'te paie un verre ? Ça s'ra ma bonne action d'la soirée. »

edit: légèrement édité ce paragraphe pour mieux correspondre à mon nouveau perso
Tu te réveilles dans le même lit, tous les matins. Tu bois ton café dans cette même cuisine, prends ta douche et file au travail. Tu bosses, et rentre à la fin de chaque journée. Tu es enfermée dans une routine qui t'oppresse, imposée par la société. et chaque soir tu déverrouilles ta porte en espérant que quelque chose de nouveau. Tu suffoques de la répétition, ce genre de vie, ça n'est pas fait pour toi. Tu t'imagines parfois ne pas ouvrir cette porte. Faire demi tour sans te retourner et t’échapper loin. Mais tu ne le fais pas, tu ne veux pas laisser ta famille seule, alors tu ouvres la porte.
Tes deux frères sont là, assis sur le canapé à regarder la télé, l'un te salut sans même t'accorder un regard. "Tu veux manger quoi ?". Tu entends ton père tituber dans la cuisine, probablement torché. Tu n'as même pas envie de répondre à cette question, tu sais que vous allez finir par commander au restaurant habituel. Tu restes sans voix, et finalement des mots sortent ta bouche. "À plus." Tu claques des doigts, finger guns et disparaît sans donner d'explication.
fin de l'edit


Tu arrives dehors, le vent frais frappe ton visage et pour la première fois aujourd'hui, tu as l’impression de respirer. Tu ne sais pas où tu vas, tu laisses tes pas te guider jusque dans le métro, choisis un arrêt et marche jusqu'à cette enseigne lumineuse qui t'a l'air accueillante.
Tu rentres à l'intérieur du bar, tu entends déjà des gens ivres rigoler assis autour d'une des tables, la musique les accompagne dans leur légèreté. Et toi, tu te diriges directement vers le comptoir. Tu attends patiemment que le barman est terminé avec d'autres clients avant de s'occuper de toi. Tu regardes la personne à côté de toi se faire servir son verre, soudainement elle t'adresse la parole et te propose un verre. Tu souris chaleureusement, un verre, tu en as bien besoin. "Avec plaisir.", puis te tourne vers le barman, "La même chose qu'elle.", en pointant le verre de ta voisine. Tu attrapes ton verre et le tend vers elle pour trinquer. "Longue journée ?"

Tout ça, t'étais pas prête à ce que ça te tombe sur le coin de la gueule en même temps. Parfois, le karma se joue des âmes et tu te sens bien prise au piège. Dès le premier verre, t'as commencé à réfléchir à tout ce que tu as pu faire de mauvais dans ton existence pour en arriver là, et tout ce qui est revenu ce sont tes vengeances sentimentales envers ton ex infidèle. Le reste, tu as surtout subi. Alors pourquoi ? Pourquoi le retour de bâton est si violent ? Pourquoi t'as l'impression de te noyer de cette façon ? L'alcool va essuyer la douleur quelques heures. Jusqu'à ce que ton organisme se dise qu'il est temps pour toi de rejeter le doux poison que tu lui infliges. Tu tentes de garder la face en étant sociable envers la nouvelle venue à tes côtés. Tu trinques avec elle avant de rire nerveusement. « On dira même une semaine trop longue. » Tu reposes ton verre sur le comptoir après avoir bu une gorgée et observe ta voisine. « J'peux renvoyer la question ? »

Tu bois d'une traite ton premier verre. Il est gratuit, il descend tout seul le long de son œsophage. Tu fermes les yeux pour profiter pleinement de cette sensation. L'alcool te brûle de l'intérieur, te reveille, te ravive. Tu essuies du revers de ta main la goutte qui s'est échappée de ton verre pour se déposer au coin de ta bouche. Puis te retourne ton attention vers la jeune femme. "Une éternité beaucoup trop longue." Tu n'as jamais été patiente, pour toi, le temps ne coule pas assez vite. Tout est toujours trop long. Particulièrement parce qu'en ce moment, tu as l'impression de stagner, d'aller nulle part. Tu as besoin de faire bouger les choses.
Tu profites que le barman soit encore dans le coin pour lui faire un rapide signe de la main. D'un tour de doigt, tu lui indiques une nouvelle tournée, deux vodkas à nouveau. "Cette fois, c'est moi qui paye." Elle a l'air d'en avoir besoin. Tu regardes les deux verres se remplir. Puis avant d'attraper le tien, tu frottes ta main contre ton t-shirt pour la sécher avant de la présenter à ta voisine. "Je m'appelle Genna. Ravie de te rencontrer."  

Tu comptes intérieurement à partir de quel verre tu risques d'éclater en plein vol. Tu devrais en être proche, aux vues des effets que tu commences à ressentir. Mais au pire, on te foutra à l'arrière d'un taxi à la fin de la soirée et tu auras une magnifique gueule de bois demain matin. Léger rire nerveux. « L'éternité est toujours trop longue. C'est bien le concept, justement. » Verre vide qui vient tournoyer entre tes doigts alors que tu observes la jeune femme près de toi. Elle semble lassée comme tu sembles à bout émotionnellement. Finalement, vous vous êtes bien trouvées ce soir. Parfois, discuter avec une inconnue permet de vider son sac sans attache et sans jugement. C'est bien pour ça que les psys existent, sans doute.
Le barman qui revient mettre de la vodka dans vos verres aux frais de la demoiselle cette fois. « J'sens qu'on va passer la soirée à s'offrir des verres à ce rythme là. » Au moins, ça va t'éviter de sombrer seule. Tu parviens même à lui offrir un sourire franc en guise de remerciement. Main qu'elle te tend et que tu attrapes pour te présenter à ton tour. « Enchantée Genna. Moi c'est Aranea, mais tu peux m'appeler Ara, comme le perroquet. » Mais bien moins majestueuse en matière de couleurs, surtout ce soir.