tummy time (maxine&love)

centre communautaire darnell samedi 30 avril w/ @Maxine Cheshire
Rosalia dans sa poussette, je marche de l’arrêt de bus jusqu’à l’entrée du centre communautaire. C’est la troisième fois que nous venons ici avec Rosalia et les deux dernières fois ont été chaotiques. Je me demande même comment ils peuvent me laisser revenir mais je crois que l’animatrice a juste mal au cœur pour moi. La première fois, ma sœur n’a pas arrêté de pleurer - ce qui a provoqué un concerto dont les parents se seraient bien passés - et la seconde, sa couche a explosé, salissant le tapis d’éveil. Quelques parents passent devant moi et, pendant ce temps, j’attends la possible future baby-sitter de ce monstre qui dort paisiblement pour le moment. Si elle ne passe pas la demi-heure à brailler, je n’y comprendrai rien mais alors absolument rien… Les doigts qui tapotent sur le guidon de la poussette, je crois la voir arriver et, au même moment, l’organisatrice des ateliers sort pour m’indiquer que je suis la bienvenue et peux entrer. Je suis souris et souffle ​​J’attends mon renfort. J’en ris mais ce n’est pas drôle, c’est la vérité. Et j’espère que tout va bien se passer avec Maxine, je ne peux le nier.

Première rencontre avec le psy. Ton psy, maintenant. Échange formel, bien plus administratif qu'émotif pour poser les bases, les tarifs, les attentes, les besoins, le plan de match. Cha-ching. Cent cinquante balles par séance, de quoi faire dresser les cheveux sur la tête de n'importe qui, mais surtout de quoi te donner la nausée en voyant le montant soustrait à compte bancaire. Ouch! Pas de quoi vivre se rouler dans les liasses dans les mois à venir, et surtout, oublier l'idée de vacances pour l'été; tu avais tout brûlé en t'envolant vers Londres sur un coup de tête, pour fuir tes malheurs, épargner à tes amis tes tourments et retrouver ton papa adoré.

Uhm... pour Rosalia? Tu es bête, en échangeant avec elle, tu n'avais même pas pensé à t'enquérir de la base : son prénom. Première femme que tu croises avec une poussette près de l'entrée du centre communautaire. Elle secoue la tête, grimpe dans le bus duquel tu venais de débarquer. La grande soeur de Rosalia...? De quoi t'attirer quelques regards nerveux et pas très affables. Avec raison, ça n'avait jamais rien de très rassurant de voir une inconnue tourner, sans but, autour d'une bande de parents et de leurs jeunes enfants. Il y avait un mur dans lequel t'enfoncer?

@Love Thompson

Devant le centre communautaire, la poussette poussée d’avant en arrière pour ne pas arrêter ce mouvement de bercement, je regarde autour de moi. J’aurais peut-être dû demander plus d’informations à la future baby-sitter et lorsque je relis nos messages, je me rends compte que je ne lui ai même pas donné mon prénom. Merde. L’organisatrice repart dans le centre et je vois une demoiselle qui correspond bien à la jeune femme que j’ai vu sur Meetsachussetts. Puisque, bien entendu, j’ai été chercher toutes les Maxine de la ville sur le réseau social de cette dernière. J’avance dans sa direction avec la poussette et souffle Maxine ? Il ne manquerait plus que ce ne soit pas elle. Je suis Love, la grande soeur de Rosalia. Et parmi les kilomètres de cernes, la fatigue épuisante et le mental qui craque, je lui offre le plus joli sourire possible. Ce n'est peut-être pas fabuleux mais j'espère juste que c'est elle et que je ne vais pas lui faire peur. Ce serait le pire pour moi. Elle est un peu comme mon rayon de lumière dans le brouillard, j'ai besoin que ça se passe bien, c'est vital.

C'est bien moi. Je suis désolée pour mon léger retard.. Un soupir de soulagement lorsqu'on t'aborde timidement, une poussette comme seul accessoire à l'extrémité d'une main, et des cernes bien creusées comme unique maquillage. Élément que tu te retiendras bien de lui faire remarquer - elle n'en a pas besoin - mais qui provoque inévitablement un élan de compassion. Elle est vidée, tu peux le lire dans ses yeux vitreux, sur ses traits craquelés, derrière son sourire qui, bien que joli, semble forcé. Un rapide coup d'oeil vers la poussette, tu y décèles la petite Rosalia qui dort, les poings serrés pendant le sommeil. Elle semble paisible. Peut-être n'est-ce là que le chaos qui dort. Le calme avant la tempête...  Elle t'aura prévenue, sans doute (alarme ambulante), mais tu ne peux t'empêcher d'être attendrie par l'enfant. C'est par là, je suppose? Tu pointes vers le centre communautaire. Non loin des portes ouvertes, un table indiquant les créneaux du cours sensoriel. Je n'ai aucune obligation après, alors si tu veux qu'on parle, si tu as des questions, je serai libre pour y répondre. Tu lui offres un sourire, timide, mais sincère, davantage pour la rassurer que pour t'apaiser.

@Love Thompson

Je dois avouer que je suis rassurée qu’elle ne m’ait pas planté. Lorsque je relis rapidement nos messages, je me rends compte que je ne fais vraiment pas rêver et décris plus une garde de mini monstre plutôt qu'autre chose. Face à la jeune femme, un sourire sur le visage, je tente de la rassurer Y a pas de problèmes. Tu m’avais prévenu et tu es là, c’est le plus important. Que je souffle rapidement. Ce n’est pas que j’ai des attentes vraiment basses mais je lui ai demandé de l’aide et elle m’a tendu la main alors, c’est le plus important pour moi. J’aimerais pouvoir dire que je gère mais mon regard doit lui dire le contraire parce qu’elle prend rapidement les choses en mains. J’acquiesce légèrement et pousse la poussette de Rosalia dans cette direction. La manière dont elle me dit être disponible si j’ai plus de questions après m’arrache un sourire sincère. Tu as surement mieux à faire que de rester avec les soeurs Thompson mais promis, si j’ai des questions, je n’hésiterai pas. Les portes automatiques s’ouvrent, je donne mon nom à l’entrée, paie les frais de 5 dollars pour le cours et me dirige vers l’ascenseur. Du coup, cette envie de faire du baby-stting, elle te vient d’où ? Il y a des gens qui ont des fibres maternelles, qui adorent les enfants et il y en a d’autres qui gèreraient mieux avec un crocodile - c’est mon cas.

@Love Thompson | C'était peut-être mieux ainsi, que les souvenirs ne refassent pas surface, qu'une façade se soit érigée autour de toi, te protégeant des ravages causés par les regrets et les remords. Si la vue de l'enfant réveille quelques fragments d'une histoire brûlée, noyée et enterrée depuis des lustres, c'est à peine si cela remuait quelques mauvais sentiments profondément enfouis, chatouillant les parois du coeur doublement, triplement enveloppé d'une couche destructrice auto-protectrice. En cet instant, qu'est-ce que tu aurais donné pour ressentir l'élan maternel duquel tu t'étais privée, alors que tu n'étais encore aux yeux du monde qu'une enfant. Qu'est-ce que tu aurais donné, à ce moment, pour ressentir autre chose que le désespoir, et le mal d'être dans ta peau. Mais tu ne ressentais que le vide. Ou n'était-ce que ce que tu te donnais le droit de ressentir quoique ce soit... J'aimerais te dire que oui, j'ai mieux à faire, mais c'est tout l'inverse. Triste? Sans doute un peu pathétique. La gamine de vingt-trois ans qui ne sortait ni ne savait s'amuser, préférant l'exaspérante solitude et le silence de sa chambre aux soirées arrosées et trop bruyantes. La question de Love ravive les doutes venus tourmenter ton esprit, mais le sourire que tu lui offres maquille les moindres traces de mélancolie. Je gardais souvent mes petits voisins et mes cousines lorsque j'étais plus jeune. Je trouve les enfants plus apaisants que les jeunes de mon âge. Tous ne l'étaient pas, et selon les dires de Love, Rosalia était un vrai petit monstre, mais ne fallait-il pas laisser la chance au coureur? Vous venez ici à quelle fréquence, toutes les deux?

Trouver une babysitter pour Rosalia est quelque chose d’important et qui se révèle être vital à l’heure actuelle. Je ne peux pas continuer comme cela. Je le sais et m’en rends compte un peu plus chaque jour. Si j’ai dû renoncer à ma vie et à mes rêves pour venir m’occuper d’elle, c’est une chose, mais je refuse de me perdre et de ne jamais me retrouver. La danse, c’est toute ma vie et j’ai aussi besoin d’un travail pour payer les factures qui s’accumulent. Je ne pensais pas que tout s’entasserait de la sorte mais force est de constater que les papiers arrivent et ne s’arrêtent jamais. Il y a toujours autre chose et c’est éreintant. Abandonner serait la solution la plus facile mais je ne peux pas, je ne le veux. Pour Rosalia, pour moi mais aussi pour ma mère. Il y a cette fidélité que je n’arrive pas à oublier malgré tout ce que nous avons vécu elle et moi. Alors aujourd’hui, je tends la main à une jeune demoiselle - ou est-ce que c’est elle qui me la tend ? - et j’ai hâte de voir ce qu’il va se passer, comment nous allons nous entendre et nous en sortir. Un sourire sur le visage, je l’accueille du mieux que je le peux, un sourire sur le visage. Oh, tu as donc une vraie expérience, c’est cool. Que je dis rapidement, n’ayant même pas réellement cherché à voir son CV niveau expérience avant de lui proposer ce rendez-vous. C’est sûrement complètement fou et irresponsable mais on ne me l’aurait pas conseillé si elle était mauvaise avec les enfants. Enfin, je crois. Ils étaient aussi jeunes que Rosa ? Que je m’empresse de demander. Bien qu’elle ne sera pas là pour s’occuper de la petite du jour au matin, il faut quand même les occuper et même si ce seront probablement des baby sittings en soirée, sait-on jamais. J’essaye de venir deux fois par semaines pour qu’elle se sociabilise et vois du monde. Et que moi aussi, j’en vois. Je ne peux plus rester chez moi à piquer des crises dans mon coin parce que je me sens mal et perdue. Les mamans ici sont plutôt cool et il y a aussi des au pair. Elles ont plus ou moins nos âges donc c’est cool, ça parle pas couches l’heure entière. Je me permets un léger rire parce qu’il n’y a rien qui m’agace plus que les heures à parler couches et marque de biberon, formula et tout ce qui va avec. Sans compter que l’on vient toutes d’un milieu par forcément très favorable. On a pas toutes 12 à 15 dollars à dépenser pour une heure de jeux avec les enfants. On arrive rapidement dans la salle et retire mes baskets. Faut juste enlever ses chaussures pour éviter de salir les tapis où les enfants vont. Je parais très sereine mais la première fois, j’avais l’impression de venir du fin fond de ma cambrousse et n’avais aucune idée de comment tout cela fonctionnait. Il y a déjà bien du monde ici et on s’installe rapidement dans un coin pour suivre ce petit cours avec Rosalia et les autres enfants et parents autour de nous.