Leandra & Jude ✘ hey jude, don't make it baaaaad

C’était foutu. J’attendais le bus pour rentrer sur le campus, totalement déprimé. J’avais passé l’après-midi à la bibliothèque de Cambridge (puisque celle du campus était beaucoup trop peuplée pour vraiment pouvoir me concentrer) et je voyais bien que j’avais pris beaucoup trop de retard dans mes révisions. J’allais louper ma quatrième année de médecine, et ça craignait à mort. Rien que l’idée de devoir redoubler mon année me déprimait. La vie n’était vraiment pas tendre avec moi, c’était le cas de le dire. La semaine d’avant, Roxanna me quittait pour de bon et aujourd’hui, je loupe mes études. Génial. Et après les gens se demandaient pourquoi j’étais un gros déprimé de la vie : comment ne pas l’être quand on a une vie de merde ? Le seul truc qui me tenait la tête hors de l’eau, c’était mon fils. Il fallait que je sois un bon père maintenant qu’il n’aurait pour sûr, pas de mère puisque sa mère biologique l’avait abandonné et que Roxanna…eh bien elle ne serait jamais sa mère, même adoptive. Soupirant, je rangeais mon bouquin de médecine dans ma sacoche quand le bus arriva. Oui, parce que j’étais obligé de prendre le bus car ma voiture m’avait lâché la veille et j’avais dû l’amener d’urgence au garage. Pas de voiture pendant une à deux semaines. Génial. Le sort s’acharnait vraiment sur moi. Je montais à l’intérieur et je poinçonnais mon ticket, balayant le bus du regard pour trouver une place assise. Je m’avançais à travers le car et je m’arrêtais à la hauteur d’une jeune femme qui avait des écouteurs dans les oreilles mais qui avait surtout une place libre à côté. Je tapotais son épaule pour attirer son attention, « Excusez-moi, la place est libre ? » demandais-je en désignant le siège à côté d’elle. J’attendais sa réponse et je m’asseyais à côté alors que le bus recommençait à avancer vers le campus.

Le bus. La meilleure invention après les chaussures à talon et la calculatrice –et peut-être aussi le pop-corn micro-ondes-. Je rentrais au campus, et bien que je puisse aussi prendre le métro, je préférais le bus. C’était moins rempli, moins sombre, et on était moins compressés les uns aux autres. Après être sortie du sport, les cheveux attachés et encore en jogging, je trouvais aussi préférable de ne pas me frotter à la foule et surtout, je croisais moins de monde. J’avais donc eu aisément une place assise, même deux, et sur l’autre était posé mon sac de sport. J’avais enfilé mes écouteurs, et c’était parti pour un voyage tout en musique. Hey Jude, don’t make it bad.. ma voix sonne dans ma tête, et seulement dans ma tête pour le moment. Soudain, une main vient tapoter mon épaule, et je lève mon visage vers la personne concerné, retirant un écouteur. Couper une si belle chanson comme ça devrait être puni par la loi. « Excusez-moi, la place est libre ? », non, vous n’êtes pas excusé de cet outrage, monsieur. Je le regarde, ces paroles ne sont pas encore montées à mon cerveau. « Eh.. », je regarde le siège et retire mon sac en comprenant. « Oui, bien sur. », je prends mon sac sur mes jambes et je remet la chanson au début, en espérant ne pas être coupé cette fois. Hey Jude, don’t make it bad.. la chanson résonne de nouveau dans ma tête. Les Beatles, il n’y a que ça de vrai. Les Beatles et tout pleins d’autres groupes anglais d’ailleurs. Les anglais savent ce que c’est de la musique, et aussi quelques peu d’américains, une minorité. Don't carry the world upon your shoulders, le bus avance vers le campus, mais on a encore du temps avant mon arrêt, et la chanson défile tout comme le paysage. Je tapote doucement mes doigts sur mes jambes, suivant la batterie. Ma tête bouge doucement, et je me rends presque pas compte. Enfin si, mais je me fous des gens autour, surtout. « ninninininininin..nininin..nin.. », je chantonne, et le refrain arrive. Mes doigts imite la batterie toujours sur mes jambes, « Hey Jude, don't let me down, you have found heeeer and now yoou-» je me sens observée soudainement. Je regarde autour de moi, et pose mes yeux sur le gars qui s’est assis à côté. Je lui fais un grand sourire gênée et fini par chantonné sans parole, comme si c’était tout à fait naturel.

J’étais complètement exténué. Ca faisait plusieurs semaines que j’étais clean, et même si j’avais fait de la désintox, j’avais encore parfois un peu du mal. Surtout lorsque j’étais fatigué ou que j’étais sur les nerfs. Et en ce moment, j’étais et fatigué, et sur les nerfs. J’évitais Roxanna à tout prix, quitte à ne pas voir ma fille pour le moment, et j’étais crevé parce que je bossais comme un malade pour récupérer le retard que j’avais accumulé dans mes cours. Sauf que ma petite escapade à la bibliothèque m’avait démontré que j’étais cuis pour cette année. Je n’avais qu’une seule envie maintenant : aller me coucher. J’aurais bien demandé à un pote de sortir avec moi ce soir pour me saouler la gueule – chose qui arrivait très souvent en ce moment – mais je ne connaissais personne en ce moment qu’il m’aurait suivi, surtout en pleine semaine. La jeune femme à qui je demandais si le siège était libre sembla avoir quelques secondes de confusion avant de comprendre ce que je lui demandais, bougeant son sac pour me laisser m’asseoir. Je sortais mon téléphone pour vérifier mes sms et mes mails, souriant un peu en voyant ses doigts s’agiter au rythme de la musique qu’elle écoutait. « ninninininininin..nininin..nin.. » J’essayais de ne pas faire attention, même si je me demandais quand même quelle chanson elle pouvait bien écouter. Je fronçais un peu les sourcils, continuant de lire les sms que j’avais loupé puisque j’avais du éteindre mon téléphone à la bibliothèque. « Hey Jude, don't let me down, you have found heeeer and now yoou-» Là, je ne pouvais pas m’empêcher de sourire (et Dieu sait à quell point c’était compliqué de m’arracher un sourire en ce moment). Je tournais le regard vers la brunette qui me rendait un sourire un peu gêné. « Vous m’avez appelé ? » J’attendais sa réponse, mais je voyais bien qu’elle n’avait rien entendu à cause des écouteurs dans ses oreilles. Je me permis alors de défaire un de ses écouteurs, répétant alors, « Vous m’avez appelé ? » Je riais intérieurement, parce que cette pauvre fille ne devait rien comprendre à sa vie. Je souris à nouveau, ajoutant, « Je m’appelle Jude en fait… » Je ris doucement, cette fille était…plutôt pas mal. Peut-être qu’elle voudrait venir boire un verre ? Autant faire un peu connaissance avant, histoire de ne pas passer pour un gros pervers en y allant direct.

« Vous m’avez appelé ? » Je n’entends rien, bien trop dans ma chanson. Mes écouteurs donne maintenant une autre musique des Imagine Dragons, et d’un coup un écouteur s’en va. Décidément, ce type est chanceux qu’il n’y ai pas de loi contre le fait de stopper une bonne chanson brusquement, sinon, il serait mal. Je le regarde et lui adresse un sourire « Vous m’avez appelé ? » je le regarde, sans comprendre. Je fronce les sourcils, l’interrogeant du regard. Je l’ai appelé ? « Je m’appelle Jude en fait… » Je ris un peu, légèrement. Je comprends mieux maintenant. Néanmoins mon sourire s’efface et je pose mes yeux dans les siens, « c’est une technique de drague ? Non parce que dans un bus, ce n’est pas très glamour. », Je le regarde, et finalement je me met à rire. « Non je déconne ! », je ris à ma bêtise, et le regarde un peu. Ce que je vois là ? Ces cheveux surtout, allez savoir pourquoi. Je l’observe sans m’en cacher, et fini par me justifier. « C’est drôle mais.. Je n’imaginais pas ‘Jude ‘ comme vous. », je parle du Jude de la chanson, bien évidemment. Je l’imaginais plus anglais, plus classieux, plus prince William finalement. Il faudrait que je me fasse à l’idée que tout les anglais ne ressemblent peut-être pas au prince William. « Vos parents étaient fan des Beatles ? », question bête, mais ça anime la conversation. En fait, peut-être que ma question est vraiment stupide. Ces parents ne sont peut-être pas fans des Beatles. Des chansons d’eux avec des prénoms, il doit y en avoir des tas. Je chasse l’idée des Beatles de ma tête, me rendant compte de mon impolitesse. « Moi c’est Leandra ! Mais aucune chanson ne porte mon nom, et encore moins une chanson des Beatles. », Je ris un peu et lui souris, puis lui temps ma main comme un ‘enchanté’ en bon et du forme, et finalement j’éteins la musique qui résonnait dans mes oreilles. « On peut.. peut-être se tutoyer ? », Il n’a pas l’air si vieux après tout.

Je ne savais pas ce qui m’avait pris. Ça n’était pas mon genre, enfin…surtout en ce moment. Enfin… disons que pas quand j’étais sobre. Je n’avais absolument aucune idée en tête, c’était juste que la situation amusait. Rares étaient les jeunes gens qui aimaient encore de la bonne musique comme les Beatles de nos jours, et le fait que ça soit justement la mythique chanson Hey Jude… Autant vous dire que j’avais toujours été très fier de mon prénom sachant qu’elle figurait parmi les chansons les plus connus et appréciées des Beatles. « c’est une technique de drague ? Non parce que dans un bus, ce n’est pas très glamour. » Je me mordais la lèvre et je déviais mon regard du sien, ne sachant pas vraiment quoi répondre à ça. Parce qu’un mec adresse la parole à une fille, ça veut forcément dire qu’il la drague ? « Non je déconne ! » Je souris à nouveau et je la regardais, « Ouais, parce que crois-moi tu l’aurais senti si c’était de la drague… » Je ris un peu et je rangeais mon téléphone dans la poche de mon jean, « C’est drôle mais.. Je n’imaginais pas ‘Jude ‘ comme vous. » J’haussais les épaules et je ris à nouveau, « Ah bon ? Moi bizarrement je l’ai toujours imaginé comme ça ! » En même temps…j’avais porté ce prénom toute ma vie. Et on peut dire que les paroles pouvaient me correspondre un peu, parfois. « Vos parents étaient fan des Beatles ? » Je réfléchis un instant, en fait… maintenant qu’elle me demandait, je me rendais compte que je ne m’étais jamais posé la question si cette chanson avait eu une influence sur le choix de mon prénom. « A vrai dire…je n’ai jamais pensé à leur demander… mais c’est fortement possible, mon père adorait les groupes de musique Anglais… » - « Moi c’est Leandra ! Mais aucune chanson ne porte mon nom, et encore moins une chanson des Beatles. » J’éclatais de rire et je serrais sa main. C’était un peu formel mais bon, je n’allais pas lui mettre un vent. « On peut.. peut-être se tutoyer ? » J’hochais la tête et je lâchais sa main, « Oui bien sûr ! » Je jetais un coup d’œil à la liste des arrêts qu’il restait avant de devoir descendre du bus. « Tu descends où ? Je descends au campus d’Harvard, je suis en médecine… et toi, étudiante ? Enfin, si ça n’est pas trop indiscret ! »

« Ouais, parce que crois-moi tu l’aurais senti si c’était de la drague… » Je ris un peu, me demandant si c’était le genre de garçon à draguer tout le monde. Finalement, après cette remarque, peut-être que oui. J’évitais d’y penser, en ce moment même, dans la tête, ce n’était juste un accompagnateur, celui qui me fait passer le temps pour rentrer au campus, bien que ce jeune homme soit très charmant. « Ah bon ? Moi bizarrement je l’ai toujours imaginé comme ça ! » J’haussais les épaules et fit une moue, pas franchement convaincue. « A vrai dire…je n’ai jamais pensé à leur demander… mais c’est fortement possible, mon père adorait les groupes de musique Anglais… » Je lui souris et n’ajoutait rien de plus, le sujet des parents pouvait parfois s’averer être un sujet sensible. Mieux vaut ne rien dire. Je me présentais, et finalement la conversation arriva naturellement. « Oui bien sûr ! Tu descends où ? Je descends au campus d’Harvard, je suis en médecine… et toi, étudiante ? Enfin, si ça n’est pas trop indiscret ! », je souris, « c'est très indiscret au contraire; je sous outrée ! les jeunes.. de nos jours.. » je roulais des yeux et riait un peu, j'ai un humour à moi, ouais.. « j’étudie à Harvard aussi oui, et là, j’rentrais du sport. », je souris et replaçait rapidement quelques mèches qui s’étaient échappées de ma queue de cheval. « enfin, on s’en fout », je ris un peu, et regardais en face, puis reportait mon attention sur lui, « Harvard c’est tellement énorme que j’suis certaine que à part dans ce bus, on aurait jamais pu se croiser ailleurs. »

C’est vrai que la drague, ça n’avait jamais été mon truc. Bon, avant de sortir avec Roxanna, je couchais avec un peu n’importe qui, mais amener une fille dans son lit, ça n’est pas la même chose que draguer, du moins, c’était ce que je pensais. Et je n’avais pas du tout la tête à ça en ce moment. En fait, je m’étonnais moi-même d’avoir abordé cette fille juste à cause d’une chanson, mais heureusement elle ne l’avait pas trop mal prit. Elle me répondait avec des grands sourires et elle me faisait marrer dans la façon qu’elle avait de parler, allez savoir pourquoi. Je n’avais jamais vraiment fait le rapprochement entre mon prénom et l’éventuel goût musical de mes parents : peut-être que c’était fait exprès ou peut-être pas. De toute façon il était trop tard pour leur poser la question maintenant vu qu’ils étaient morts. Je finis alors par lui poser des questions sur elle, puisque nous ne parlions que de moi depuis tout à l’heure. Elle avait l’air assez jeune pour être étudiante. Bingo. « c'est très indiscret au contraire; je sous outrée ! les jeunes.. de nos jours.. » J’éclatais de rire en la voyant lever les yeux au ciel. Ce que ça faisait du bien de rire, ça ne m’était pas arrivé depuis un petit moment. « enfin, on s’en fout » Je secouais la tête, « Non on ne s’en fou pas ! Tu as raison, les jeunes de nos jours n’ont vraiment aucun respect ! Je ne savais pas que tu étais si vieille pour me considérer comme un petit jeune, ton chirurgien esthétique a bien fait son boulot dis donc ! » Bien sûr, je déconnais. Je rentrais dans son jeu quoi, et puis, j’aimais bien taquiner les gens. « Harvard c’est tellement énorme que j’suis certaine que à part dans ce bus, on aurait jamais pu se croiser ailleurs. » Je souris et j’hochais la tête : elle avait raison, Harvard était tellement immense. Au final, elle n’avait même pas répondu à ma question d’ailleurs. « Ouais, c’est pas faux », lançais-je en me penchant un peu sur le côté afin de demander l’arrêt du bus au prochain arrêt. Pensant qu’elle n’allait pas descendre là, je me levais, « Bon eh bien…merci de m’avoir laissé m’asseoir le temps de quelques arrêts ! » Je souris et j’allais près des portes du bus, attendant que celui-ci s’arrête au prochain arrêt pour descendre sur le campus.

« Non on ne s’en fou pas ! Tu as raison, les jeunes de nos jours n’ont vraiment aucun respect ! Je ne savais pas que tu étais si vieille pour me considérer comme un petit jeune, ton chirurgien esthétique a bien fait son boulot dis donc ! » Je ris un peu, et hoche la tête. A sa réponse, je suppose qu’il ne m’a pas entendu, mais je n’ajoute rien et continue, comme si je n’avais rien dis finalement. « Mon chirurgien mériterais un prix Nobel même ! », je ris un peu, et finalement je réalise que sauf dans ce bus, le hasard n’aurait pas fais en sorte que nous nous rencontrions. « Ouais, c’est pas faux », je le vois se lever, et je le laisse faire, voyant qu’il allait parler. « Bon eh bien…merci de m’avoir laissé m’asseoir le temps de quelques arrêts ! » Je souris et finalement me levait à mon tour, allant près des portes afin de me tenir à la barre, attendant que le bus s’arrête. « Merci de m’avoir tenue compagnie. », je souris et descends, et finalement, -et en remarquant qu’il prends un autre chemin-, je me décide. « J’suis chez les Cabot ! Tu n'as qu’à me demander si.. si jamais. », je souris, puis fini par dire, « bonne journée. », je lui envoie un autre sourire et fini par marcher de mon côté.