TW • End of the World • Xiver

  
Plus d’une semaine déjà que les étudiants de Boston ont débarqué en masse au Mexique, et grâce à ce frère désigné par son cœur, Haiwee a pu se joindre à ce voyage. Puisqu’il connaît l’intensité de son naufrage. Troquant la saveur de sa vie contre celle d’ici. Et ne pas avoir eu à confier à Sheng le fait qu’elle cherche toujours comment faire pour, justement, ne pas couler. Des songes qu’elle a échangés, là encore, contre les aventures d’ici. Car découvrir le monde, ça pourrait bel et bien devenir son passe-temps favori. Il y a cette soif en elle qui ne se tarit. Cette liberté qui prend le pas sur l’essentiel de ses envies.

Il y a un goût de l’été dernier dans cette excursion qu’ils sont sur le point de débuter. Alors qu’elle descend de la voiture qu’ils ont emprunté afin de les mener de l’hôtel à l’orée de la forêt. Une tendresse dosée avec parcimonie lorsqu’elle laisse son regard glisser sur le profil de ses traits, un faible sourire tandis qu’elle remonte sur ses épaules le sac à dos dont elle s’est équipée. Tenue sportive exigée, d’un short noir et débardeur blanc, elle s’est habillée, cachant l’un de ses maillots de bain, devenu accessoire obligatoire sur ce genre de terrain. Elle s’arme d’un sourire, qu’elle ne saurait pas forcément définir, au moment de lui dire, « Tu comptes voler quoi ? » finalement taquine. Car ils s’apprêtent à traverse la Sian Ka'an qui doit contenir quelques secrets, même si le tourisme a certainement bouffé son authenticité, Haiwee, elle connait Sheng assez, les reliques qui parent son appartement, elles pourraient toutes les citer. Glissant sur son visage une paire de solaire, « Prêt ? » sauvage devenue satire d’aventurière.

  
De sa vision fumée par les verres de ses lunettes, elle se délecte de ses traits, ses expressions, le moindre sourcillement qui se pourrait traduire une émotion. Sheng toujours si pudique quant à ses ressentis, à ce qui se passe dans sa vie. A ce qui peut le toucher, consciente que la question sur le vol saurait le faire réagir, au moins à moitié. « Y’a rien à voler ici. » Spontanément, elle en sourit. Car l’accusation n’était pas réelle, une plaisanterie résultant de son passe-temps favori. Simplement lancée afin de détendre le soucieux de sa figure. Parce qu’elle les ressent, les changements, aussi imperceptibles qu’ils soient, elle sait voir lorsqu’il est assailli par des soucis, même non-dits. Seulement, elle ne force pas, elle se dit qu’il parlera quand il le voudra. Elle passe tout sous silence, afin de débuter leur prochaine danse. Lui demandant s’il est prompt à ce qu’ils avancent.

Crapahuter dans la jungle, se satisfaire de la simplicité, d’une aventure, à ses côtés. Le temps d’une fraction de seconde, il se permet de la jauger, appuyant sur les sangles de son propre sac afin d’en tester la résistance. Craquant un sourire en toute transparence. Alors qu’en se tournant, il balance ; « Le seul trésor du coin, j’ai déjà mis la main dessus. » Détaillant sa carrure, elle stagne un instant, soufflée, peu certaine de comprendre ce qu’il vient de prononcer. Les mots se mélangent rapidement dans son esprit, et s’entrechoquent encore, chercher à lire entre les lignes, et mettre de côté les émotions que lui procure l’idée d’arpenter ce décor, jusqu’à ce que ça la frappe un peu trop fort. Mettre la main sur un trésor… « Sur mon cœur ou sur mon corps ? » Un murmure, inaudible ou presque, en tous les cas, elle l’espère, le souhaite, peureuse des vérités, et parce qu’elle est restée en retrait et qu’il est déjà à hauteur du grillage abîmé, elle se met à trottiner afin de le rattraper. Sa silhouette gracieuse se glissant au travers de l’ouverture, lui offrant un sourire espiègle, un regard malicieux, quand elle lui passe devant, « Et d’ailleurs tu ne peux plus dire que tu ne l’as pas dérobé à mes parents. » Ou à l’ex-fiancé, s’entend. Sans avoir vérifié la véritable direction, la Haiwee part devant.  

  
Dérobée à ses aïeuls, mais parce qu’elle a désiré l’être, il ne faut pas l’omettre… Eternelle sauvage avec les autres. Et si faible avec lui, a fortiori. Il y a des jours où elle se demande encore comment il a réussi. A quel moment les choses ont basculé. L’instant charnière, alors qu’aucun n’avait su réellement lui plaire. Décidée à ne pas briser les serments qu’elle avait fait. Mais ici et maintenant, à crapahuter, à jouer les malignes dans cette forêt, à accueillir la saveur de sa repartie, « Rassure-moi, t’avais bien passée la majorité. » Haiwee ne peut douter. Ça dormait dans son ventre, en sa faveur, la brûlure de l’envie. « Majeure, ça ne leur appartenait plus. » Elle tique, quand il prononce cela. Habile dans la façon dont elle le taquine. « Donc je t’appartiens ? » Un rire badiné s’échappe de ses lèvres quand toutes les terminaisons nerveuses de son être crient l’inverse. A lui, plus qu’hier et moins que demain, aujourd’hui.

Alors elle commence l’exploration, elle respire la végétation, de retrouver une part de chez elle, elle en a presque la sensation. Et même si elle ne sait pas où elle va, Haiwee arpente l’endroit, s’émerveille en silence, sans pour autant oublier sa présence. Mais son naturel solitaire la rattrape, quand elle se fraye un chemin entre les branches. « Tu nous emmènes où comme çà ? » Souriante à l’entendre puisqu’elle ne le sait pas. Juste à temps, dans son dos elle décoche un regard, afin de le voir esquiver un rameau et se rapprocher d’elle, rapidement. L’arc de ses commissures se meurt comme il siffle entre ses dents. « J'préfère quand tu mènes, mais dans d'autres activités. » Un faible rictus passe sur les reliefs de ses traits, entre le dérangement et le dépité, parce qu’elle se sait novice, mais principalement parce que depuis cette nuit, ils n’ont pas réitéré ce partage d’intimité. Fait que l’amérindienne ne peut que regretter, à dire vrai. En manque du contact physique, de son impact, qu’elle n’a que trop peu goûté. « Ah. » Seul paraphe capable de s’extraire de ses lèvres, faute de son manque d’assurance, elle n’a depuis, jamais repris les devants, elle s’est contentée de patienter qu’il en vienne à la désirer. Capitonnant ses sentiments, dans l’espoir de se protéger. Dans la marche, elle marque un arrêt. « Et toi, le chemin tu le connais ? » plaisanterie articulée, pour le piquer, car ils sont sortis des sentiers habituellement empruntés, l’adrénaline picorant son corps, séduite par l’idée de se perdre à ses côtés.   

  
Il y a un voile de fierté qui vient de se glisser sur l’expression de la Haiwee, elle en pince d’ailleurs ses lèvres quand lui s’obstine à observer les nombreux choix de sentiers que leur offrent la jungle et ses hostilités. Elle retient un rire, patiente comme elle sait l’être, silencieuse et calme. Dans l’expectative de recevoir ses directives. Qui ne tardent pas à arriver, d’un simple ; « Par-là. » dardé. Elève docile, elle hoche le visage apte à reprendre la marche à sa suite.

L’espace d’une seconde, elle ne peut s’éviter d’arquer ses lèvres en un sourire, galvanisée par le temps qu’elle apprécie passer à ses côtés, avide de toutes les minutes qu’elle peut grapiller. Car dans son for intérieur, elle craint qu’ils se trouvent à l’orée de grands changements, de ceux qui sont d’avance importants. Sans pour autant calculer qu’il sort de son sac une lotion qu’il ouvre et dépose dans le creux de sa main. « Tu devrais… » Elle s’extirpe de ses délires mentaux de médium de pacotille, pour rattraper la fiole qu’il vient de lui jeter. Interloquée, quand arrive l’achèvement de ses pensées. « … t’en passer sur les parties nues. » Une œillade lancée sur ses avant-bras un tantinet luisants, ce qu’elle a loupé, elle le comprend. Alors elle opine encore une fois, décapsule le flacon, pour répéter les gestes qu’il a lui-même effectué. Bien qu’elle batte des paupières avec rapidité quand il vient préciser ; « Mais ne le respire pas, » les sourcils froncés, elle applique son conseil avec obéissance, animée par le fait que de manière détournée il pense à prendre soin d’elle, à chaque fois. Alors elle commence à l’étaler sur ses bras. Méthodique dans sa technique, elle reprend la marche derrière lui, ne pouvant réprimer son esprit de contradiction, menant ses phalanges à son visage et grimacer, dépréciant l’odeur ainsi que son inutile insoumission. Songeant à la douche qu’elle prendra lorsqu’ils auront terminé leur expédition. Elle n’ajoute rien si ce n’est un soupir écœuré, et s’en revient à ses côtés, pour lui rendre son cadeau un brin empoisonné. « Merci. » s’il est craché pour la forme, il est aussi enclin à la sincérité, Merci d’être attentionné. Sans attendre qu’il le récupère, elle le glisse dans la poche du sac de l’étudiant, déclinant son regard sur la faune et la flore les entourant. Elle ne réalise qu’à moitié que ce qu’elle est en train de vivre, c’est vrai. « Dire que j’ai failli louper ça. » Faute de ses ressentiments, d’avoir voulu tirer un trait sur cette vie et sur toi.   

  
A peine a-t-elle eu le temps de ranger le flacon, de commenter ce qu’elle voit, qu’il lui demande, quelque peu manique dans l’âme ; « T’as bien refermé hein ? » d’un hochement de tête, elle répond, tout aussi docile qu’amusée. C’est de ce côté soigneux qu’Haiwee c’est aussi amourachée. L’étudiant, elle l’apprécie dans sa totalité. Tel qu’il est. Les défauts devenant des qualités. Ce n’est pour rien qu’elle lui demanderait de changer.

Alors ils poursuivent leur chemin, lui ayant pris les devants, elle, un peu plus en retrait. Elle le suit en silence, profite du décor sans pour autant qu’il ne prenne une réelle avance. « Il parait qu’il y a une cenote plus loin, » L’intérêt de l’amérindienne renouvelé, elle accepte en silence, comme pour tout avec lui, sans aucune once de méfiance. Prête à lui confier son existence. Elle est prête à tout, à ses côtés. Ayant déjà avoué que c’est jusqu’au bout du monde qu’elle le suivrait.

Le reste de la journée, c’est sur le même thème qu’il s’est déroulé, celui de la découverte, de savourer chaque nouveau paysage qu’elle a pu contempler… Le souffle à maintes reprises coupé. Etant probablement naïve, elle a laissé voguer ses pensées quelques fois vers le fait que c’est ce qu’elle pourrait réellement désirer. Pour son futur, pour son quotidien. Les leurs, qu’ils soient communs. A deux, voyager et voir de la Terre ses moindres recoins. Des espoirs probablement vains, mais qu’elle ne peut avorter pour autant, parce que lorsqu’elle est avec lui, à rêver encore plus qu’à son habitude, elle se surprend.
Une fois venue la fin de leur expédition, son être euphorisé à la suite de leur aparté grisant, elle se permettra de le rappeler, afin de transformer leur après midi en nuit partagée…