TW// Have Yourself a Merry Little Christmas • Dutch.

 Les airs festifs chuchotent contre les murs embellis des avenues que j’arpente à présent tranquillement, beaucoup plus serein depuis que cette fausse identité est devenue officiellement un visage pour la notoriété. Simon a les traits de quelqu’un d’agréable bien qu’un peu renfermé, serviable lorsqu’il le lui ait demandé, franc d’apparence pour instaurer une certaine confiance même si de sa bouche ne se soustrait qu’un tissu de mensonges. Seul un psy pourrait y trouver une faille, percevoir l’amorce d’une démence s’il ne savait la vérité dans son entièreté. Grâce à Dieu je n’ai plus trop la nécessité de trainer à l’hôpital, Foster pourvoyant à mes besoins médicaux.

Le soleil s’est couché mais la nuit n’a pas encore recouvert le ciel de son voile étoilé, magie du couchant qui me rappelle à mes devoirs parce que dans quelques heures il me faudra me rendre là-bas… Joey y est déjà parce qu’elle prépare l’endroit, en charge de l’ouverture. Bientôt la Noël et pourtant jamais le Sidh n’a été en manque de clientèle, période plus sombre pour certains contrairement à ce que le culturel semble vouloir faire penser parce que la dinde…. Elle sera, dans tous les cas, fourrée.
Alors c’est dans l’optique d’aller lui apporter de quoi grignoter que chemin faisant, ma route m’a conduit à la grande place où sont installés les nombreux chalets, stands éphémères proposant nombre de produits artisanaux et ce sapin qui n’est pas encore allumé. Sorti des coursives bordées par ces préfabriqués, c’est devant ce dernier que je me suis arrêté pour l’observer lorsqu’une voix s’est clairement distinguée des rires et discussions. « Je te voyais plus comme Scrooge. » Et pourtant elle ne sait rien mais il est vrai que je suis hanté par certains fantômes une fois la nuit tombée. « Laisse-moi deviner. C’est le cadeau de Joey. » Elle a donc épié le sac justifiant le froid qui s’infiltre petit à petit dans mes doigts. « Non », pas vraiment parce que Noël n’est plus synonyme de gaieté depuis quelques temps. Snow est parti mais pas sans nous offrir le moyen de rester, l'acte notarial de la maison porté au nom de Joey. La voilà qui devient propriétaire d'un bien pour lequel elle n'a pas déboursée, un cadeau plutôt généreux puisqu'il lui sera laissé. Le voilà mon présent pour cette première année. «  « Ce n’est visiblement plus un secret » et pourtant à leurs yeux nous nous sommes toujours gardés de nous montrer. Le doute aurait pu encore subsister...
 

 Comme un papillon attiré par les flammes elle s’entête à attendre que le conifère en sursit se pare soudainement de ses lumières, les yeux tournés sur les ramures couvertes de fioritures contre nature. « Les femmes ça parlent, pas elle, mais nous autres, » Elle m’en dira tant… Cela fait quelques mois que je m’enterre volontairement dans un bureau pour ne plus les entendre jacasser dans l’attente de clients, qu’ils soient difficiles ou pas très regardants, ouvertes sur tous les sujets même les moins élégants. Mais j’étais loin de m’imaginer en faire partie, être à la source de certaines conversations. « Elles analysent, » simple anecdote qui me fait sourire, pour une fois qu’elles font preuve d’intellect entre elles, ce n’est que pour déverser en groupe leur fiel. Autant les avoir auprès de soi que contre soi, surtout lorsque ces hyènes se trouvent en commun une proie.

« Tu ne visites plus les autres lits. »  A croire que mon absence dans leurs chambres s’est faite remarquer. « J’en ai fait le tour, » de ces chambres, d’elles, toutes autant qu’elles sont, métisses ou pas.  Et quand bien même si je le souhaitais encore, cette nouvelle fonction que Lyra m’a attribuée ne me permet plus d’aller dans leurs draps me vautrer. « On en fait d’ailleurs des paris. » Le regard riveté tous deux sur cette chose travestie pour le temps des fêtes, les lèvres entrouvertes soufflant une volute condensée dans ce froid hivernal, j’émets des réserves sur ce qu’elles ont trouvé à parier, qu’est-ce qu’elles peuvent bien y gagner. « Sur quoi ? » Le temps que je vais mettre pour revenir m’y allonger ? Laquelle pourra me la faire oublier ? Ou si tout simplement elles ont raison de nous suspecter…  

 « A ton avis ? » Elles le distillent suffisamment durant leurs pauses, à haute voix, leur poison lorsqu’elles s’enjaillent sur les derniers commérages, installées vulgairement dans le petit salon. Alors il n’est pas bien difficile d’imaginer que si elles se cachent pour en parler, c’est qu’il doit être question d’un épineux sujet. « Sur votre date de péremption. » En admettant qu’elles aient pu le comprendre dès l’arrivée de Joey, voilà à peine un an de passé et déjà elles s’amusent à parier sur notre longévité… J’en devine une plus particulièrement grisée par les paris allant contre la notion d’éternité : celle qui a été délaissée en faveur de Joey. « Je fais partie des plus enthousiastes, promis. » Un regard complice est échangé, le sien beaucoup plus tendre que celui qui lui est offert en retour, clin d’œil non rendu et analysé avant de me détourner vers ce que beaucoup attendent de voir s’illuminer.

Néanmoins, je me prête moi aussi à cette mesquinerie, curiosité mal placée, peut-être infecté par le vice trop longtemps côtoyé. « Et lequel des deux d’après toi foutra le camp ? »  Envieux de connaitre son opinion, à elle qui porte un regard non intéressé sur notre relation parce qu’elle est bien l’une des seules que je n’ai jamais touchée, tout simplement parce qu’elle ne m’a jamais démontré le moindre signe d’intérêt.Pourtant j’ai toujours su diversifier mes soirées, changeant tous les quatre matins de chute de reins. « T’es pas de service »  à moins que je ne me trompe que le planning, elle ne fait pas partie des corps qui seront visités cette nuit au nom du profit. Sans calculer, ma tête vers un stand s’est braquée, suivant les effluves douces et épicées. « Alors tu ne refuseras pas un verre. »  J’ai encore quelques minutes devant moi, n’ayant pas prévenu Joey de ma venue.  

 « Tututut, c’est mon petit secret. » Gamine jusqu’au bout alors que je suis des plus sérieux, parce que l’avis de la majorité - auquel elle va forcément se rallier - est souvent le plus logique et de ce qui pourrait le plus se rapprocher de la vérité. Mais c’est un secret que visiblement elle emportera dans la tombe, amusée par ce jeu jusqu’à se voir proposer un verre avec son patron. « D’accord. » Juste un verre histoire de prendre l'air encore quelques minutes avant d’aller s’enfermer pour la nuit dans ce cloitre de plaisirs visuels.

« Vin chaud ? » Boire tout en restant au dehors devant l’un des stands qui animent la grande place, dans un lieu bondé et à la vue de tous… Avec ces patrouilles qui parfois passent l’arme de poing fixée à leur ceinture pour garantir à tous une fictive tranquillité en cette période de fin d'année. « Si seulement tout était aussi simple, » mais le fait est qu’il y a un revers à ce décor féérique et cela fait bien longtemps que je ne crois plus à l'innocence du genre humain. Alors j’embraye sans l’attendre, fais quelques pas avant de ralentir à la vue d’une patrouille cynophile qui vient de dévaler dans mon champ de vision. « Les chiens… » Putain. Cette nouvelle identité ne me protège pas de leur flair exacerbé et si je peux me défaire du regard de leurs maitres, il en est tout autre de leur sixième sens à eux. Mouvement de recul, je me retourne pour la chercher du regard à quelques mètres et la pousse à me rejoindre.  « Je paye évidemment » si c’était çà la raison de son hésitation.