jaspeandra ~ I tried to pick my battles until the battle picked me

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w/ @Jasper O. Ellington
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J’ai vu une maison, je l’ai adoré et donc acheté. Le plus gros du travail, ça reste de mettre toutes mes affaires en carton, puis de tout déplacer. J’aurais pu faire appel à des déménageurs mais pour plusieurs raisons, je suis contre. Premièrement, je suis bien trop pudique et l’idée d’avoir des inconnus emballer toutes mes affaires ne me met pas à l’aise, et puis secondement, tu me connais, ça ne me plaît pas de dépenser inutilement de l'argent.  Alors j’ai commencé par une pièce, puis une autre, puis le bureau. Malgré le tri qu’on a fait, tu vois, il restait des choses. Des petites choses, trois fois rien. Trois fois rien d’un reste de rien. Trois fois rien d’un souvenir d’un nous. D’un ange venant de deux démons. J’ai oublié, ça traînait, je sais pas, ne l’explique pas, mais j’ai trouvé là un body pour bébé, l’étiquette encore présente. Je sais que ce n’était pas à Riley, parce que j’ai déjà tout donné de ses anciens vêtements. Je l’ai mis dans un sac, je t’ai envoyé un message et j’ai profité de cet événement pour te proposer de venir. L’idée est belle. Se débarrasser des objets du passé, abandonner ses secrets, les faire brûler sur un lac, dans un énorme bateau plein de souvenirs. Alors m’y voilà, mon sac à main sur l’épaule, un petit sac dans une main, chocolat chaud dans l’autre, à t’attendre. La dernière chose de nous.  

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J'sais pas pourquoi tu fais ça. J'sais surtout pas comment t'arrives à avoir ces idées, ces envies, d'avancer. Tu dis que c'est ce que je fais, pourtant, j'ai l'impression d'être éternellement coincé dans la même matrice. Faire une erreur. Le refaire. Regarder en arrière, plutôt que devant. Parfois, j'arrive à vive l'Instant. Puis, ça recommence. J'ai des regrets, déjà suffisamment pour une vie. On fait comment pour réinitialiser la machine ? On débranche les câbles, on arrête le cœur, on attends une minute ou deux, et on redémarre. J'suis même pas sûr que ça marche mieux après. Alors, toi, tu décides qu'il faut brûler les pages. J'en ai même pas envie, c'est ça le problème. C'est à contre cœur que j'mets dans un sac, quelques souvenirs. Y a ce tissu blanc, de Lomée, qu'elle avait appliqué sur la plaie de mon poignet, cette plaie que tu m'avais fais faire. C'est crade, ce sang séché. Mais, là-dedans, il y a mon reste de rancœur. J'sais pas, j'me disais que si je le gardais, j'reproduirais jamais cette erreur qui est nous. Un tee-shirt de Reaghan. Le début de la compression d'un cœur. Avant toi, avant tout le reste. La première à l'avoir abîmé. La seule, à qui j'peux même plus cracher mes regrets. Pour le reste de ce qui fait mal, j'te laisse faire. Arrivé sur les lieux, un sac en plastique à la main, les traits toujours plus crevés. Manquerait plus que j'ressemble à un acteur de quarante-quatre ans. L'endroit est magnifique, pour être une fin. Un baiser sur ta joue. « C'est encore ton truc infect ? » Coup d’œil vers ta boisson. Le couvercle empêche d'en voir le contenu. « T'as prévu une partie de pèche, c'est ça ? » On a qu'à faire machine arrière, et se contenter de prendre à manger. Choisir une chambre et regarder un film de Noël. J'suis pas doué quand il s'agit de mettre des points aux phrases, tu l'sais bien.

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Il y avait eu dans tout ça, beaucoup de larmes, beaucoup de sang, beaucoup de temps. C'était le fantôme d'un nous, le souvenir d'un futur. J'aimais à en rire, que de dire que ça allait être un petit démon. Qui aurait pu croire que ça aurait été le cas ? Me hante jusque dans mon sommeil, d'une absence d'un être que je n'ai jamais connu. C'est tout ce que j'ai, dans ce sac. La fin d'un nous. Quand ce bateau brûlera, plus tard dans la soirée, dis-moi que ce n'est pas tout. Attrape ma main et dis-moi que mon incapacité à procréer n'a rien anéantie de comment tu me voyais. Dis-moi que tu ne m'aimes pas moins, mens et dis que je suis toujours dans ton tableau. Que quelque soit ta reine, je serais là, étalée dans chaque coups de pinceau. « C'est encore ton truc infect ? » rigole, secoue la tête et tends la boisson à l'homme ; "Goûte." méfiant et à raison ; "C'est du chocolat chaud, goûte, il est vraiment bon !" je sais pas comment ils le font, mais j'ai ni la même recette, ni les mêmes produits à la maison. « T'as prévu une partie de pèche, c'est ça ? » Je prends pas des choses à la nature, je les rends. On aurait pu dire une partie de pêche, si l'eau nous offrait quoi que ce soit. Ce soir, elle ne fait que reprendre. Je regarde son sac, glisse un œil dedans ; "T'as ramené quoi ?" je t'en prie, n'annonce aucun de mes vêtements.

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Le début de notre fin, dans un fracas de taule froissée, dans des hurlements et le bruit d'os qui se brisent. De cœur, dans le mouvement suivant. J'ai arrêté de penser aux autres, quand on me mentionne cet événement. Je ne vois plus que nous. Je ne ressens plus qu'une douleur sourde, profonde, d'un organe qu'on déchire lentement. J'ai encore une colère stagnante, pourrissante à force qu'on l'oublie. Tu crois qu'un bateau qui crame, ça nous apaisera ? J'sais plus quoi faire pour nous recoudre, pour retrouver une légèreté qu'on a laissé au passé. On devrait pas autant chialer en lisant une histoire d'amour. Mais j'suis pas fermé, tu vois. J'veux bien essayer toutes tes solutions de sorcière. "Goûte." Lèvres hésitantes. Toutes les solutions t'as dis, Jasper. "C'est du chocolat chaud, goûte, il est vraiment bon !" Mes doigts superposés aux tiens, pour guider ton gobelet jusqu'à ma bouche. Boire une gorgée, se surprendre que ça n'soit pas du poison. « Hm, c'est super bon ! » En récupérer un peu du parfum, du charnu du pouce. « Et tu m'en a même pas pris un ? » Envelopper mon corps d'un peu de douceur, j'suppose que ça n'aurait pas été de trop, vu le programme. "T'as ramené quoi ?" Le sac, j'le planque derrière mon dos. « Tu verras. » J'suis même pas sûr d'avoir envie d'en parler. Faisons juste un grand feu de camp, et jetons tout ce qui blesse encore. Te reprends une gorgée, et lâche un : « Quelques regrets, et de la rancœur. » Esquisse d'un sourire. « Que des choses dont il faut se débarrasser, parait-il. » J'suis pas habitué à me délaisser des poids. J'préfère les stocker sur mes épaules et sur le battant, pour les tirailler. « Et toi ? » Instigatrice, t'as le droit à moins de secrets.

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Je sais que ce sont des conneries, je sais qu’on ne l’oubliera pas. Il a été tout ce que nous ne serons peut-être jamais. Il a été l’idée d’un avenir, il a été l’ambition d’un futur. Il a été nous, quand nous même on ne savait plus comment l’être. Ce qui brûle, ce ne sont que des objets. Lui, restera. J’aimerais qu’on gagne en légèreté, qu’on retrouve ce qu’on avait. J’aimerais, parfois, revivre Paris, revivre le bal, revivre nos moments joyeux. J’aimerais aussi vivre ceux que nous avons jamais vécu, qui ne resteront que scénario dans mon esprit. Quand ce contact se crée, de ta main sur la mienne, j’ai l’impression que c’est tout ce que j’ai attendu sans oser le demander. Mes yeux fixés dans les tiens, j’ai même pas écouté, alors je fais oui de la tête. Réalise, secoue la tête dans un rire qui cache le moment d’absence juste avant ; “Ouais non je me suis dis qu’on pouvait partager !” je suppose que ça ne te dérange pas ? J’imagine le contenu de ton sac et je crois que ça me fait un petit pincement au cœur. J’espère seulement qu’il ne contient pas tes souvenirs avec moi, ou quelconque trace de moi, d’ailleurs. “Hm juste un ou deux trucs que j’ai pas envie de jeter, mais que j’ai pas envie de garder non plus.” je me pince les lèvres ; “Je me dis qu’une fois brûlé, peut-être qu’on.. enfin que je pourrais repartir sans aucune amertume.” ou de mauvais souvenirs. Je dis pas que ça va régler tous nos soucis, mais j’espère qu’on pourra se sentir un peu plus léger.

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Plantés là, au beau milieu des tempêtes. On a trouvé une accalmie, on s'y cache. On essaye, chercheurs désespérés, de trouver ce qui pourrait nous réparer. J'crois qu'on a essayé toutes les solutions qu'on a lu, qu'on nous a soufflé, qui marchent chez les autres. Rien qui ne nous ressemble. Assembler le feu et l'eau. Faire flamber la surface tranquille d'un lac. J'sais pas pourquoi, mais je crois que ça, ça pourrait marcher. Mes lèvres sur la trace des tiennes, j'mentirais si j'te disais que j'faisais pas exprès. Que ce ne sont pas de mauvais réflexes, inscrits sous la peau à l'origine. C'est ça, en fait, non ? On nous a construit pour l'autre. Contre l'autre. Tu crois qu'on a utilisé un peu de ta chair pour faire pousser la mienne ? Qu'on s'est amusé à créer ces deux êtres brillants, belliqueux, et qu'à la place d'un talon, ce sont des cœurs d'Achille. Tendres et saignants. Un rictus amusé ; parce que partager, c'est pas franchement quelque-chose qu'on sait faire. Comme tourner des pages. L'idée est belle, mais est-ce qu'on saura l'appliquer ? “Hm juste un ou deux trucs que j’ai pas envie de jeter, mais que j’ai pas envie de garder non plus Jeter, ce n'est pas une fin respectable. Vaut mieux la beauté d'un feu. Définitif, avec quelques souvenirs dans les fumées. “Je me dis qu’une fois brûlé, peut-être qu’on.. enfin que je pourrais repartir sans aucune amertume.” J'l'ai entendu, le « on ». Parce qu'on bute sur un obstacle, le même, depuis tellement de mois qu'il semble qu'ils aient composé plusieurs années. J'accroche sur ma bouche un amusement fugace. « J'espère qu'il n'y a aucun de mes cadeaux. » Pas toujours bien trouvés, pas toujours très adroits. C'était toi la douée là-dedans. « Alors on va tout cramer, et, nous seront une Leandra et un Jasper nouveaux, quand on reviendra sur terre. » Le ton solennel, sûrement un peu surjoué et moqueur, de ce type qui n'y croit qu'à moitié. Mais qui veut bien essayer. « On va essayer. » Prononcé pas seulement pansé, te piquant une nouvelle gorgée au passage. « On doit monter sur un bateau ? Une barque ? » J'suis largué. « On va pas cramer le bateau en même temps ? » J'aime la flotte. Mais pas ces mois-ci. Pas quand on a décidé de noyer nos maux.

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J'essaie de voir le verre à moitié plein, quand il est posé sur la table, menaçant de tomber à la prochaine bourrasque de vent. On le montre pas, mais nous sommes toujours en pleine tempête. Quand la tempête se calmera, c'est que l'un de nous aura cesser de respirer, cesser d'exister. On est un tout ou rien. On sait pas faire, le juste milieu. On est des couleurs vives, du vert éclatant, du jaune soleil, du rouge sang. On est comme la respiration d'un nouveau né, rapide mais qui prends vie de chaque nouvelle gorgée. On est ces deux êtres qui ont eu assez de chance pour s'être trouvés, pas assez pour se faire fonctionner. J'ai l'impression qu'on est comparable à tout ces "presque". Ils étaient presque beaux, c'était presque réussi, ils ont presque eu une histoire d'amour, ils ont presque été amis. Ma seule certitude dans tous ces presque, c'est qu'on s'est aimé. Oh ça oui, une certitude. « J'espère qu'il n'y a aucun de mes cadeaux. » secoue la tête en riant ; "ça fait bien longtemps que j'm'en suis débarrassé de ça, t'en fais pas, aucun risque !" mon regard en coin, mon sourire joueur. « Alors on va tout cramer, et, nous seront une Leandra et un Jasper nouveaux, quand on reviendra sur terre. » la tête fait oui, on va essayer, oui. Prends une nouvelle gorgée de chocolat, avant de m'en débarrasser dans tes mains. « On va essayer. » On va faire ça. Cette fois-ci, on va réussir. Viens on oublie tous les presque et on fait vraiment ce dont on a envie. On arrête de tourner les pages, on arrête de réécrire l'histoire, on arrête de rayer sans terminé aucun chapitre. Cette fois-ci, on le fait. On s'y mets vraiment. « On doit monter sur un bateau ? Une barque ? On va pas cramer le bateau en même temps ? » Je secoue la tête, attrape sa main pour le tirer parmi la foule, nous faire un chemin. "On doit aller sur le petit ponton un peu surélevé là bas, et on jette nos trucs d'ici, j'ai vu des gens le faire." je me pince les lèvres ; "Une fois fait, on a plus qu'à attendre, je suppose. Mais c'est mignon par ici, et t'es en bonne compagnie donc il n'y a pas de raison que ce soit trop long." je me mets derrière une file de personne, attendant notre tour. Aussi simple que ça. On pourra parler de tes besoins en logement, en attendant.

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On est dans la file, et on attends. On attends que ça soit notre tour de dégager un morceau de battant, pour le balancer sur ce bateau qui deviendra flammes. C'est comme on disait au revoir aux morts. On est dans la file, et j'me mets à imaginer ce qu'ils ont de suffisamment important à faire disparaître, pour avoir fait tout ce parcours jusqu'ici. J'nous vois pas comme les autres. J'nous vois inédits à la population humaine ; trop dépendants. Ceux qui s'aimaient comme nous on déjà périt. C'est eux qu'on a envoyé cramer. Sorciers d'un attachement incandescent. "ça fait bien longtemps que j'm'en suis débarrassé de ça, t'en fais pas, aucun risque !" Ca m'avait fait rire. Rire et réfléchir, juste après. Dans tes mouvements de colère, ceux que j'avais amorcé, combien de nos souvenirs as-tu brisé ? Des photos déchirées, j'en ai eu dans mon salon, dans le tien. On s'est déchiqueté trop de fois, pour que ça n'ai laissé aucune trace de notre histoire. Des passages sont sûrement devenus moins laids avec le temps. Tes poignets ont dû oublier l'emprise de mes doigts, et mon torse les traces de tes ongles. N'en restent que de vagues marques sous la peau. "On doit aller sur le petit ponton un peu surélevé là bas, et on jette nos trucs d'ici, j'ai vu des gens le faire.Une fois fait, on a plus qu'à attendre, je suppose. Mais c'est mignon par ici, et t'es en bonne compagnie donc il n'y a pas de raison que ce soit trop long." Et, comme je suis docile et inexpérimenté dans l'art de jeter les souvenirs, de tourner les pages, je t'écoute et je te suis. T'en remets une couche sur cet appartement que je dois choisir. J'en remets une couche sur le fait que j'veux quelque-chose de parfait. On reparle de celui qui sort du lot. J'râle d'avoir déjà fini le chocolat. J'te regarde un peu. Et, le nombre de personnes devant nous diminue, jusqu'à n'être que deux. On y est presque. Je serre le sac entre mes doigts. Y a déjà pleins d'objets posés, jetés, en vrac. Des histoires empilées, mélangées. Ma main saisit la tienne. « J'veux pas le faire comme ça. » Une vingtaine de minutes à attendre, pour changer d'avis quasiment arrivés à la ligne. « J'veux pas jeter ça avec les affaires d'autres, comme si c'était de vulgaires souvenirs, dignes d'être mélangés à des regrets d'inconnus. » Parce qu'on est pas comme eux, tu te rappelles ? Les billes, posées sur toi. « J'veux qu'on fasse notre propre truc. » Sur ce lac, mais on aura qu'à improviser une mini embarcation, quelque-chose de pas parfait, mais où on pourra dire vraiment au revoir. « Viens. » J'veux pas qu'on nous presse, qu'on nous entende, qu'on nous regarde. J'veux personne d'autre que nous. Alors, mes doigts te proposent de fuir la file, de dégager de la route toute faite qu'on nous trace.

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w/ @Jasper O. Ellington
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On en a vécu des drames et des tempêtes, mais combien d'entre eux ont réellement laissé de traces ? Combien de cicatrices on possède sur le corps ? Même si on dit qu'on s'est battus, amochés, qu'on s'est fait du mal, regardes-nous au final. On est là aujourd'hui, main dans la main, prêt à brûler le quelques peu de souvenir qui nous retiens. J'y pense encore certaines nuits, je me dis que ce métro n'avait été qu'une mauvaise idée. On aurait du se disputer. La seule chose qu'on fait si bien, ce soir-là, on ne l'a pas fait. Je voulais que tout soit parfait, c'est mon problème aussi. Depuis, je ne prends que la voiture. Je n'entre plus dans aucune station, plus aucun métro. « J'veux pas le faire comme ça. » Je fronce les sourcils ; "Comment ça tu veux p-" je viens de t'expliquer, c'est pas comme si on avait cinq cent manières de le faire non plus. « J'veux pas jeter ça avec les affaires d'autres, comme si c'était de vulgaires souvenirs, dignes d'être mélangés à des regrets d'inconnus. » Il marque un point. On a toujours été au dessus. « J'veux qu'on fasse notre propre truc. » Nous et nos grands airs, toi et ton romantisme hors pair. A toute épreuve, l'Ellington. « Viens. » ma main s'accroche à la tienne, comme à chaque fois que tes doigts se glissaient entre les miens. Je te suis, toujours. Mes pas suivent les tiens, jusqu'à ce petit morceau de lac sur le côté, comme un petit coin gardé secret. "C'est pas mal, là ?" ma main toujours dans la sienne, je regarde à l'horizon. Le bateau semble si loin, bizarrement. Comme si on avait marché longtemps, alors que j'en avais pas l'impression. T'as toujours voulu qu'on fasse notre propre truc, et depuis qu'on le fait, on a toujours réussi. On a toujours fait tout qu'à notre tête. On détruit les règles, on combats des tempêtes, détruit des armées. On est plus forts, éloigné de la foule. De toute façon tu sais, moi je pense que quoi qu'on brûle, le souvenir reste. On pourrait demain brûler tout ce qu'on a partagé, qu'on restera debout, main dans la main. On est au delà de tout ça. Les tempêtes et les vents violents ne nous atteignent pas. Même nous, on est incapable de se séparer, regarde nos mains. Symboliquement, t'as pris la main par laquelle je tenais le sac, et là, de loin, c'est toi et moi, le sac entre nous deux, main dans la main. Nos mains se rejoignent à lui, ce petit bout de nous. Envers et contre tous. "C'est parfait ici." si on doit faire notre deuil de ce qui aurait pu, c'est ici. Je le sens.

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w/ @Leandra T. Carreirao
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Ca ressemble à une de ces bonnes idées dont tu as le secret. Tu sais, ces idées qui font que tu débarques dans mon salon, tu le refais, t'exposes tout ce qu'on est, avant de tout déchiré parce que j'suis pas foutu d'être à la hauteur. On est pas foutu de l'être. Ils avaient prévu un plan parfait, ils avaient prévu qu'on se croiserait ; et depuis, on fait n'importe quoi, on improvise, et on le fait mal. On se blesse quand on veut s'aimer, et on se retrouve quand n'importe qui aurait abandonné. Sauf qu'on abandonne pas. On est incapable de le faire. De manière générale ; et quand ça concerne l'autre. Le fil nous retient par la gorge, le cœur et les mains, on s'étrangle quand on fait le pas de trop. Gamins qui ont encore, parfois, l'audace de croire qu'ils sauraient faire sans l'allié en repère. La peau est marquée à de nombreux endroits, on s'est tracé une carte sur la chair, et si tu sais les lire, tu connaîtras l'histoire de ces deux êtres qui s'éloignent de la foule, séparés et liés par un sac. De loin, on y verra trois cœurs.  "C'est pas mal, là ?" J'me fous d'où on est, tant qu'on est loin de ceux qui empilent leurs souvenirs. Laisse-moi avoir la prétention de croire que nos douleurs sont trop lourdes pour être additionnées à celles déjà balancées sur le bateau. "C'est parfait ici." Un sourire qui s'accroche sur mes lèvres. « Ouais, je trouve aussi. » Le lac est encore davantage apaisant, vu d'ici. Le silence nous enrobe, et je respire nos pauses. Mon pouce qui trace nos secrets, sur le bord de ta main. « Reste ici, je vais nous trouver de quoi faire un petit bateau. » Même principe, mais réalisation différente. Homme qui disparaît, et revient avec une planche poussiéreuse, trouvée quelques mètres plus loin. « Ca devrait flotter. » Elle est suffisamment large pour contenir nos souvenirs, et suffisamment solide pour gérer nos regrets. Je m'assois à tes côtés. Ca tiraille au fonds du ventre quand les orbes se penchent sur ton sac. Je connais le contenu du mien, et je devine celui du tien. « Allez, je commence. » Puisqu'il faut sauter, et que je sais que tu ne me laisseras pas seul dans ma chute. Au bout de mes doigts, et posés sur la planche. Le tissu-hémoglobine, et le tee-shirt de gamine, de celle disparue. La colère et les remords. « Il faut dire quelque-chose ? » C'est toi la bavarde, celle qui sait manier les mots quand je suis celui qui se contente d'actes. Ne me laisse pas m'emmêler les syllabes.

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