TEA R. SORRENTINO ► chloe bennet

COMME UN ÉLÉPHANT DANS UN MAGASIN DE PORCELAINE

Tea est assise à l’arrière de cette voiture. Elle n’a pas son trousseau de clé, et comme par hasard, ce type avec qui elle se trouve non plus. Exaspérée, un peu. La nuit tombe, la pluie aussi et enfoncée dans le siège avec sa veste sur elle, elle se sentirait presque détendue à force d’entendre la pluie marteler l’habitacle. « Tea, tu ne m’as jamais raconté ta vie à Vegas. » finit par lui demander ce garçon qu’elle connait depuis un moment maintenant. Comme s’il venait de lui lâcher une bombe, la jolie brune mit plusieurs secondes avant de répondre quoi que ce soit. Las Vegas était l’endroit où elle avait passé sa vie, son enfance. Elle en gardait beaucoup de souvenirs, bons comme mauvais. Et puis surtout, les personnes à qui elle tenait le plus s’y trouvaient encore aujourd’hui. Pourtant, ce n’était pas faute d’essayer de faire venir ses frères. Mais jusqu’à présent, c’est un échec cuisant. « - J’ai pas eu une vie bien palpitante tu sais. » commence-t-elle. « - Enfin, ça dépend. C’est plus une comédie qu’autre chose ». Tea ne détache pas les yeux de la vitre qui se trouvait à sa droite. Les gouttes ruisselaient les unes après les autres et puis un soupire s’échappe de ses lèvres...

Je suis née le 12 juin 1997 dans un des hôpitaux les plus réputée du Nevada. Avant moi, ma mère avait déjà donné naissance à deux garçons : deux faux jumeaux. Aryan et Shawn. Mes frères sont deux ans plus âgés que moi. J’ai passé mon enfance dans une grande demeure luxueuse et spacieuse. Ce genre de maison où le marbre n’est que plus beau. Ma maman travaille dans la finance, après avoir terminé ses études à Harvard, en relation internationale. Elle dirige désormais une des plus grande banque des USA. Mon père est co-PDG d’une multinationale et il est l’homme que je vois le moins au monde. Jamais là, ou en coup de vent. Et cela, depuis ma naissance. Mon père voit en mes frères un avenir prospère dans son entreprise. Ou du moins, voyait. Shawn est en médecine, Aryan est dans l’audio-visuel. Autant dire que le management, ça ne les intéressent pas du tout. J’ai grandi en restant très proche de ma maman et de mes frères. A l’école, je suis allée dans des écoles privées, j’ai pu m’y forger une réputation digne de ce nom, une réputation qui n’a en rien aidé dans la personne que je suis aujourd’hui : cette fille orgueilleuse qui peine à redescendre de son piédestal aux moments opportuns.

En grandissant, Aryan s’est éloigné. Il commençait à devenir plus sociable, voire même beaucoup trop. Il s’intéressait trop aux filles, trop aux soirées, trop à la ‘nightlife’. Il faisait des soirées poker avec ses meilleurs potes, à la maison et moi, j’ai suivi le mouvement. Je participais aux plus de soirées possible, je voulais être admirée, regardée, je voulais qu’on sache qui était la petite sœur d’Aryan Sorrentino. C’est aussi à cette période que j’ai appris que mon père trompait ma mère. En me rendant au bureau de mon père à l’improviste, alors qu’il nous demandait toujours de prévenir avant, je l’ai surpris avec une femme. Une jeune fille blonde aux longues jambes. Ce genre de fille que l’on pourrait détester pour avoir simplement foutu la merde dans le ménage de nos parents. Pourtant, Aryan m’a conseillé de ne rien dire. Toujours la même rengaine, toujours la même phrase ‘Ce ne sont pas nos histoires, Tea’ me disait-il. Je crois que cette blondasse n’était pas la première, et encore moins la dernière. Ma mère a fini par l’apprendre, alors que j’essayais de lui glisser des indices sous le nez.

Peu de temps après, ma mère l’a appris, mais n’a rien fait. Elle a préféré vivre avec plutôt que de détruire sa famille, son petit cocon, son équilibre familial. Je n’ai jamais compris comment elle pouvait être aussi faible, alors à mes 17 ans, quand mon père a été nommé PDG de la multinationale où la maison mère se trouvait à Boston, j’ai sauté sur l’occasion pour y partir moi aussi. Je voulais m’éloigner de ma mère, je n’en pouvais plus de la voir si hypocrite, si fausse, tous les jours. Pour me faire remarquer par mon père, j’ai pris des cours de pole dance, et j’ai finalement commencé à travailler comme danseuse dans un bar. Le genre de chose qui entache son nom, sa réputation, mais je n’en avais que faire. Je prenais plaisir à faire n’importe quoi, à enchainer les coups d’un soir, à danser dans ce bar, pour qu’il me remarque, qu’il s’intéresse vraiment à moi et à mon mal être. Mon père a finalement cédé, et un jour, on a passé du temps tous les deux. On a parlé, beaucoup et je lui ai tout reproché.

Il me poussait à aller vers ma mère, à essayer de retrouver un semblant de relation mère-fille. Chose que j’ai fait, un jour, en lui donnant rendez-vous dans un hôtel. J’ai l’impression d’avoir été horrible avec elle. Très violente verbalement, et c’est la première fois que j’ai vu ma mère pleurer. Je ne savais pas si c’était moi, ou mon père… Ou les deux. Mon orgueil m’a toujours interdit de me rabaisser à des excuses. Alors je l’ai laissée là, et je suis partie.

Depuis, je ne retourne à Las Vegas exceptionnellement, pour y revoir mes frère, mes amis d’enfance. Ma mère ? Je la vois. Je la croise, plutôt. Mais on ne se parle pas, ou presque pas. C’est douloureux, mais ça encore, je le garde pour moi. Je fais comme si. Je joue le jeu de l’indifférence à la perfection. Ca la blesse, je le vois. Mais je lui en veux, alors je continue, encore et encore. Jusqu’à ce que je sois satisfaite. Mais il parait que je suis une éternelle insatisfaite…