fucked up misery (w/narcisse)

fucked up misery  ★ ─ w/ @Narcisse Lelievre

allongée sur le lit du narcisse, le dos tourné à la porte, ses pieds nus rebondissaient sur ses fesses, sa tête dodelinant sous le rythme décousu de la musique techno qui lui explosait les tympans. c'était le seul moyen d'faire le vide dans sa tête et de réfléchir, le silence l'anesthésiait davantage qu'il ne lui apportait réconfort, l'agaçait plus qu'il ne l'apaisait. les cours s'étant terminés tard, elle avait pas osé donner son habituel coup de fil au paternel. vingt-trois. autant d'années s'étaient écoulées depuis la disparition subite de l'amour de sa vie. autant d'années, aussi, qu'il peinait à trouver le sommeil qui, jamais, n'était réparateur. les cernes s'accumulaient sous ses yeux attendris, mais maxine ne pouvait se résoudre à le regarder dépérir sous les griffes du temps, sans rien n'y faire. sur le chemin du retour, elle avait fait un détour vers une supérette pour y faire de maigres courses, qu'elle déposa au passage dans le frigo d'ses hôtes, au grand dam de maman Lelièvre qui, après l'avoir gentiment grondée, déposa un baiser sur sa tempe avant de quitter, le regard aussi vide que celui de son propre père, tous deux se tuant à la tâche pour le bonheur malheur de leurs enfants. max avait jeté ses cahiers d'exercices par terre, exténuée, à bout d'souffle de cette vie de misère qui, malgré tout, la rendait un brin heureuse. d'entendre le sourire de son père dans sa voix lorsqu'ils se parlaient au téléphone, les élans d'affection de cette femme qui ne lui devait pourtant rien, à la gamine, et les quelques marques d'amitié des rares personnes qui s'étaient installées dans sa vie, avec l'intention d'y rester, ça lui suffisait. bien plus que tout l'or du monde. mais tout l'or du monde, ça pouvait pas faire d'mal à être un brin plus heureuse, non? maxine avait bien vite abandonné l'ambition de compléter ses calculs statistiques dus le lendemain, quand les propos d'un ami, lancés à la blague, lui revinrent en tête. fermant les multiples onglets de son navigateur pour n'en garder qu'un seul, vierge, elle pianota plusieurs fois, effaçant chaque fois, avant de finalement appuyer sur la toucher enter, qui la fit atterrir dans un tout autre univers.

quick search.
i am: a sugar baby | seeking: a sugar daddy.
between age : 40-65
city: boston, ma, usa.

la honte aux tripes, en voyant défiler sous ses yeux des dizaines et des dizaines d'annonces. et pourtant, c'est l'regard rivé à l'écran, hypnotisé par la tentation d'une facilité qui n'avait jamais même été une possibilité, c'est toujours avec la cacophonie techno dans ses oreilles qu'elle s'absorbait, sans oser cliquer. et pourtant... ça semblait si facile, max... qui l'saurait? p e r s o n n e.

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fucked up misery  ★ ─ w/ @Maxine Cheshire

les muscles qui font mal. le même geste répétitif, les yeux fermés pour pas s'prendre la misère animale en pleine gueule. encore une cage à ouvrir, une gamelle à glisser. l'pieds qui traînent avec derrière lui l'sac de croquettes bon marché. l'alarme du téléphone qui sonne la fin d'la journée ; les cours commencent à lui manquer, le confort des bancs de l'université. il a juste envie de regagner sa chambre, de mordre dans son oreiller pour oublier la douleur. il culpabilise d'avoir baissé les bras, de pas être parvenu à maintenir ses bonnes notes à cause de ses petits boulots. l'garçon s'est tué à la tâche pour récupérer de l'argent pour le reste de la famille, l'garçon a tiré un trait sur une jolie carrière opulente. la honte lui dévore l'estomac, si fort que la mater n'est encore au courant de rien. le palpitant qui s'agite quand il franchit la porte du taudis, peur qu'on lui pose des questions sur son corps fourbu. mais la cuisine vide de toute présence humaine, l'garçon traîne sa carcasse dans sa chambre. les yeux d'la fouine qui se pose sur l'écran, fronce les sourcils devant les lettres qui défilent, les mots qui se forment. — putain, merde. qu'est-ce que t'es en train d'faire, max ? besoin d'explications pour justifier les recherches de son amie. la squatteuse du moment parce qu'il partage le peu qu'il a, qu'ils sont comme ça les lelièvre. mais ce qui se passe sous ses yeux il le refuse. — ne fais pas ça. pourquoi t'as besoin de chercher autant les emmerdes comme ça, hein ?

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fucked up misery  ★ ─ w/ @Narcisse Lelievre

le désespoir. celui qui engloutit les mortels pour les noyer dans les ténèbres  des abysses. celui qui happe de plein fouet quand on s'y attendait l'moins. l'désespoir, qui recèle les mensonges inavouables, que les plus coupables d'entre eux protégeaient d'peur de se condamner à un triste sort. quand le moindre faux mouvement pouvait être fatal. 무궁화 꽃이 피었습니다 la tête s'écrase contre les touches du clavier, l'coeur tambourine de nervosité et de honte, s'élève de quelques octaves pour lui percuter les tympans, bien au-delà de la musique qui s'estompe brusquement. qu'est-ce que t'es en train d'foutre, max? ça, elle se le demandait bien depuis qu'elle avait fait défiler la page d'accueil sous ses yeux, mi-fascinée, mi-horrifiée. et derrière ce bref silence, c'est une voix qui résonne, qui s'fraie un chemin jusqu'à ses oreilles. max rabat l'écran dans un mouvement brusque, comme un gamin pré-pubère prit sur le fait. le visage s'empourpre, le corps se glace. la voix grimpe dans les aigus pour s'indigner. ❝ ta gueule lelièvre ! tu t'mêles toujours de ce qui te regarde pas ?! une fois son venin craché, elle regrette aussitôt. l'gamin, elle l'aimait de tout son coeur. ils avaient beau s'enquiquiner et se prendre la tête, pour rien au monde elle aurait voulu l'blesser. jamais. mais max, c'était le petit chiot apeuré qui, une fois acculé dans un coin, montrait les crocs. la voix redescend de quelques notes, reprend le contrôle de ses moyens. en apparence. alors qu'dans sa tête, c'est la panique, et qu'encore, elle tient la tête baissée, à fixer la pointe de ses pieds. fuck, fuck, fuck, fuck, fuck. ❝ depuis combien d'temps tu m'espionnes ? visiblement, bien assez longtemps pour qu'il ait pu former les mots à l'écran. 1+1, il était pas si con, le lièvre.

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fucked up misery  ★ ─ w/ @Maxine Cheshire

la mine incrédule devant la scène qui s'joue devant ses yeux. il aime pas du tout ce qu'il est en train de voir, ce que son amie est en train d'faire dans le silence et en cachette. pourtant il connaît ce besoin d'argent qui prend aux tripes. les fins d'mois compliquées, le ventre vide pendant plusieurs jours. et il est pas franchement l'mieux placé pour donner des leçons alors que sa main câline glisse dans les sacs à main des grandes dames pour en tirer des montres, des bijoux et quelques diamants reluisants. mais c'est différent, c'est toujours différent quand ce sont les autres qui accomplissent des méfaits, quand ce sont ses amis qui se mettent en danger. (il doit la protéger). si elle a besoin de l'argent, il lui rapportera. il travaillera encore plus dur, peu importe. mais pas ça. — t'es chez moi, t'es dans ma chambre. je t'espionne pas putain, je suis chez moi. qu'est-ce que tu fous ? les mots débités s'emmêlent comme ses pensées s'embrouillent. il s'mêle de ce qui le regarde, elle est son amie et sa santé l'intéresse, il veut pas qu'elle se mette en danger inutilement. — t'es pas sérieuse, rassure moi. sa langue claque contre son palais, il passe sa main dans ses cheveux, souffle. il a l'impression que son monde s'effondre, que tout se passe mal pour lui, pour les gens autour de lui aussi. et il peut rien faire, il est là les bras ballants à être simple spectateur. il a envie de hurler, mais les mots se bloquent.

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fucked up misery  ★ ─ w/ @Narcisse Lelievre

une goutte de sueur perle sur son front. c'tait presque aussi pire que d'avoir été surprise par son père. parce que s'il y a bien une personne devant laquelle elle est prête à s'montrer vulnérable, c'est narcisse. narcisse qui, derrière ses répliques cinglantes, avait la plus belle âme du monde. narcisse, c'était le reflet de max. le gamin détruit trop tôt par les moqueries sur ses vêtements déchirés, récupérés à la friperie du coin pour être rafistolés par les doigts de fée de maman (et de papa), sur ses carnets vieillis par le temps et dont les pages inutilisées serviraient au lelièvre suivant dans la lignée. elle l'avait compris vite, max. au premier regard. à la première connerie. au premier sourire à la fois timide et fuyant échangé. parce que s'il y avait max et papa contre le monde entier, ça incluait maintenant narcisse dans une toute nouvelle équation. maxine avait tôt fait d'comprendre que l'sentiment de famille, ça s'étendait bien au-delà de la simple notion de sang. et si elle pouvait le protéger un tant soit peu de son propre désarroi, max était prête à se sacrifier. ❝ pourquoi tu me demandes c'que j'fous si t'as très bien compris au premier coup d'oeil ? parce que c'est pas l'sentiment de débauche sur lequel elle avait accroché, en feuillant les offres et les demandes. c'est le symbole des billets, qui avaient attiré son attention. et c'tait un élément non-négligeable. mais max, elle se défend comme une enfant prise la main dans le sac. coupable. maintenant, suffisait plus qu'se sortir du banc des accusés. ❝ qu'est-ce que ça peut bien t'faire comment j'gagne mon fric? c'est pas moins légitime que d'sentir la friture à plein nez après un shift chez macdo. elle l'voyait pourtant dans ses yeux. et ça la terrifiait, d'pas savoir ce que signifiait l'étincelle. était-ce du dégoût? pitié. tout, sauf ça. putain.

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fucked up misery  ★ ─ w/ @Maxine Cheshire

elle fait partie de sa famille, maxine. cette gamine un peu perdue qu'il aime de tout son coeur, sa personne préférée. même s'ils ne partagent pas le même sang elle est comme sa soeur, il a ce besoin de la protéger, de prendre sur ses propres épaules tout le poids qu'elle est en train de porter. parce qu'elle mérite d'être heureuse, d'avoir une vie tranquille. c'est lui qui doit la rassurer, réparer ses bêtises et trouver des solutions, pas l'inverse. alors la voir sur un site de petites annonces ça lui retourne les tripes, il ne comprend même pas complètement ce qui se passe. il est épuisé par son travail alors peut-être qu'il a simplement mal vu ? il retourne la question plusieurs fois dans sa tête mais les mots qui s'échappent de la bouche de son amie, cette peur mêlée à la colère qu'il perçoit dans son regard lui font vite comprendre qu'au contraire, il a très bien vu ce qui s'affichait sur l'écran. — parce que je veux l'entendre de ta bouche, merde ! qu'elle lui dise qu'il se méprend totalement sur ses intentions, que c'est juste une partie farce qu'elle prépare avec ses copines pour l'enterrement de vie de jeune fille de l'une d'elles ou une connerie du genre. mais putain, l'enfance est passée beaucoup trop vite pour narcisse. il est devenu adulte beaucoup plus rapidement que les autres à cause de ces problèmes alors il sait très bien qu'il se berce d'illusions en espérant bêtement que c'est juste une farce. ce qu'il a sous les yeux il sait très bien ce que ça veut dire. — pardon ? tu te fous de ma gueule, max ? l'odeur d'ta putain de friture elle part à la douche. l'odeur d'ces mecs elle va te rester dans la tête même si t'auras beau t'laver mille fois après.

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fucked up misery  ★ ─ w/ @Narcisse Lelievre

❝ et qu'est-ce que tu veux entendre de ma bouche, huh? que j'suis tellement désespérée, que j'ai rien trouver mieux que d'me prostituer? c'est ça que tu voulais entendre? bien malgré elle, le ton s'élève, la voix grimpe dans les aigües quand elle cherche à justifier son historique de recherche sur le net. prise sur le fait, par la seule personne à qui elle pouvait tout dire, et rien dire. elle avait envie d'crier, de lui gueuler à la tronche, seul moyen pour elle d'retenir les larmes qui menaçaient de poindre à la commissure de ses yeux, le regard brillant d'une honte d'avoir été prise sur le fait, d'un dégoût d'sa propre personne et d'un désespoir de pas avoir le choix de se rabattre sur ce quelque chose qui pourrait la détruire, plutôt que de la faire renaître de ses cendres. ❝ qu'est-ce que ça peut bien te faire que j'me sente sale ou souillée? qu'on me roule dessus à coups de soupirs rauques et sifflants? j'ai besoin d'fric, et c'est pas la friture et le salaire minimum de merde qui vont m'faire payer mes dettes. les dettes, et tout l'reste qu'elle voulait bien pouvoir s'offrir, lui offrir, leur offrir. à lui, à son père, au reste d'la famille Lelievre, sa deuxième famille. qu'est-ce qu'elle pouvait bien faire? elle avait tout essayé, et si elle voulait pas passer les quarante prochaines années à se morfondre dans la misère, c'est la seule solution qu'elle avait trouvée. elle valait pas mieux que quelques râles sur sa peau déjà bien abîmée par ses sombres songes empreints d'mal-être. et elle croise les bras nerveusement sur sa poitrine, s'enfonce dans le matelas, tout au fond du lit, l'dos adossé contre le mur, des larmes de rage qui pointent à ses yeux, qu'elle les sent même pas rouler le long de ses joues.

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