10 11 2021
MGH
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Les émotions, Haiwee, elle ne sait tout simplement pas les gérer, elle essaie, elle apprend, mais dans ce monde, ça éclate, ça écorche, ça fait mal profondément, les déceptions sont trop nombreuses, on ne sait pas ce qui nous attend. Et si elle a pu trouver ça, un jour, quelques moments, exaltants, elle ne voit plus rien… A la recherche de la limite entre le mal et le bien. « On ne choisit pas toujours ce qu’on devient, » c’est donc ça la réponse à sa question ? Elle se serait bien contentée d’un oui ou d’un non. Elle ne veut plus jouer avec les nuances. Elle souhaite du blanc ou du noir. Elle en a marre d’être une petite fille à laquelle on ne conte pas toute l’histoire. « Mais tu m’as connu avant et pendant. Et j’ai toujours été envers toi le même. » Alors c’est un oui. Un déguisé, mais un tout de même. L’expression fermée, la respiration saccadée, elle se perd dans l’écoute du silence, dans les moments durant lesquels elle a partagé sa présence.
Sa vision à nouveau posée sur lui, elle imprime les reliefs de son faciès, dans l’espoir de les comparer avec ce qu’elle a gardé en mémoire, déterminer à quel point elle peut le trouver changé. « Puis ça change quoi ? J’ai juste une vie un peu plus palpitante. » Ce que ça modifie ? Il l’a devant lui. Une Haiwee dans ce lit. Et elle s’apprête à le lui dire quand une infirmière ouvre la porte à la volée, directement, gênée, Haiwee en efface, encore, les larmes de ses traits. Suivant les mouvements de la soignante, elle vérifie, rapidement et prononce ces quelques mots sans se rendre compte de combien ils sont importants. « Les visites ne sont autorisées que pour la famille. » Alors elle jongle entre les deux, une fraction de temps durant, elle se raccroche à cette relation qui a commencé à peine avait-elle posée le pied à Boston, la première personne à laquelle elle s’est attachée. « C’est lui, ma famille. » et comme pour ce que l’on devient, parfois on ne choisit pas. Le cœur a ses raisons, que cette dernière n’explique pas.
Un tantinet surprise par le ton employé, l’infirmière ne cherche pas plus, se contente de hocher la tête afin d’approuver, compréhensive, comme se doit de l’être le personnel de santé, tout du moins, tant que le patient ne se perd pas à abuser, mais Haiwee, évidemment qu’elle ne le fait. Et une fois qu’elle est sortie, elle se retourne vers lui. « Tu ne le voulais pas ? » tu subis, tu survis, à croire que malgré elle, ça l’adoucit… « Tu vends quoi ? » elle n’en démord pas, elle impose d’ailleurs, la fermeté dans sa voix, « Ne me mens pas. » Pas cette fois. « Je suis amochée, j’ai droit à la vérité, » Un besoin de savoir s’il aurait pu se trouver, visant une autre, en train de tirer. Elle pleure toujours à moitié, en ajoutant sans pouvoir s’arrêter ; « T’es ma famille et quand on s’aime, on ne se ment pas. » Juvénile réflexion, seulement, malgré l’aparté pour vérifier sa perfusion, elle ignore toujours comment appréhender, les émotions.
(Haiwee Wind River)