« On n’est pas orphelin d’avoir perdu père et mère,
mais d’avoir perdu l’espoir. » - Proverbe Maliens
Il regardait le seuil de la grande porte attendant encore une fois un espoir, une lueur qui lui ferait comprendre pourquoi il n'avait jamais eu de vrais parents, pourquoi il ne se sentait jamais à sa place et pourquoi a chaque fois qu'il arrivait dans une potentielle nouvelle famille, il se voyait obligé de les dégouter parce que justement, il était bien trop un "vilain petit canard". Non, il ne se sentait jamais aimé ; l'un souhaitait de l'argent, l'autre voulait se donner bonne conscience, encore une autre avait déjà des fils qui l'insultait de "bâtard" ... Il ne voulait qu'une chose se sentir désirer, trouver ses parents, il avait perdu l'espoir alors il se contenterait même d'une famille réellement aimante, le voulant vraiment, lui montrant à présent qu'il n'était pas ce déchet qu'il avait toujours cru être ... Oui, le jeune Ezra était un de ces enfants au prénom choisi par l'orphelinat, balloté de famille en famille, dont on attendait l'adoption définitive pour qu'il est presque une vraie identité. Il se montrait turbulent parce qu'on ne montrait jamais le souhait de l'avoir vraiment avec soi, il était un jouet pour certain, un gagne pain pour d'autres et s'en rendant compte, il se montrait turbulent pour partir même si c'était avec regret car lui, ne rêvait que d'une chose ; un foyer stable.
« Comme c'est fatiguant de rester à la même place,
on finit toujours par avancer. » - André Major
Cette porte qu'il avait tant de fois traversée, espérant ne jamais revenir. Oh non, il ne détestait l'Orphelinat, il détestait simplement l'impression de se sentir toujours en dehors de la vie. Il regardait sans cesse, presque que chaque jour depuis qu'il était revenu pour la dernière fois, quelques mois avant son 13ème anniversaire, le pas de cette porte, cherchant la famille parfaite ; Pas celle qui voulait gagner des allocations, Pas celle qui voulait le formater à sa sauce, mais celle qui souhaitait avoir un fils, leur fils, avec ses défauts, ses qualités mais avec qui ils ne feraient aucun discrimination, aucune différence sinon il préférait croupir ici et attendre d’être un grand pour partir de lui-même. A l'orphelinat, il avait eu toutes les pires familles alors que la responsable tentait de le mettre dans une bonne famille; oui, il l'aimait beaucoup. Elle avait été la première personne à tenter d'aider chacun de ses enfants et même si c'était son travail, il admirait comment elle le faisait. Même lorsqu'il avait eu des problèmes avec la famille Mills, une famille cherchant uniquement à avoir de l'argent et qu'ils avaient passé leur temps à l'insulter, le rabaisser, lui faire vivre un enfer, elle avait été là pour rassurer l'enfant et lui prouver qu'il pouvait être le meilleure, c'est d'ailleurs là que l'enfant avait pu découvrir que si il avait autant de facilité dans les cours qu'on lui faisait suivre ou dans les écoles où on l'envoyait, c'est qu'il était surdoué. Oui, Madame Griffiths cherchait toujours à monter le meilleur de ces petits orphelins et lorsque que ce jour-là où l'approche de sa treizième année le terrifiait, Il la vit, remonter l'allée accompagnée d'un jeune couple. La femme était d'une beauté immense, un sourire qui aurait pu illuminer tout l'orphelinat en un clin d’œil. L'homme était bien habillé. Ils ne semblaient manqué de rien et pourtant, il n'avait rien des autres personnes aisées que Ezra avait pu rencontrer. Non, ils semblaient totalement différents. De l'extérieur, tout en marchant, la femme planta on regard dans celui d'Ezra qui était resté à les regarder derrière la fenêtre, l'homme s'était joint à leurs échanges de regard tout en parlant avec la directrice. Ezra restait cloué là, les regardant arriver et ajusta sa tenue quand ils pénétrèrent dans le grand bâtiment londonien, Ezra admira le couple passait devant lui ... La femme semblait charmé mais très peinée pour les enfants qu'elle voyait s'amusant dans la grande salle. Elle regarda dans toute la pièce avant de se diriger vers le garçon, solitaire, qui se tenait près de la fenêtre. C'était Ezra. Elle s'approcha et se baissa un tout petit peu - car il était déjà bien grand- pour caresser son visage et lui dire :
Bonjour Mon Grand ! Comment t'appelle-tu ? Il s'était empressé de lui répondre et elle s'était éloignée, lui adressant le plus beau des sourires et il avait su, à cet instant, que c'était eux. Oui, il voulait que ce soit eux alors il courrait presque derrière eux, attendant derrière la porte du grand bureau mais rien n'était certain, il le savait. Il voulait tenter de se montrer, tenter qu'il méritait enfin cela. Bien sur, il ne prétendait pas être mieux que les autres, mais il savait qu'il se faisait vieux pour être adopté mais surtout, qu'ils étaient ceux qui l'attendait, il l'avait senti dès qu'il avait vu le couple pénétrer dans la cour. Il écoutait à travers la porte et malgré que le couple voulait un enfant en bas âge, il entendit qu'eux aussi avait ressenti quelques choses pour lui, en le voyant mais que cela les effrayait d'aborder une adoption avec un enfant déjà si grand. Ezra ne pouvait néanmoins pas être mécontent car il savait qu'on avait au moins pensé à lui. Il ne croyait plus partir avec eux et s’éloigna du bureau, retournant près de sa tendre amie la fenêtre. Mais plus tard, quand le couple revint quelques jours plus tard, on lui annonça son départ ... Oui, c'était lui ! Oui, Ils voulaient de lui !
***
Et cette fois, l'enfant put enfin appartenir à une cellule familiale. Les Blackstone étaient un enchantement, ils étaient son miracle, ils étaient tous pour lui et il n'avait eu aucun mal à appeler Monsieur Blackstone, Papa tout comme sa femme, Maman. Ils le chérissaient comme si Madame Blackstone l'avait porté en elle. Ils ne cherchaient pas un enfant qui apporterait une allocation, ils étaient loin d'en avoir besoin, ils ne pouvaient pas avoir d'enfant mais avaient trop d'amour à donner, ils voulaient le donner à quelqu'un qui en avait besoin, qui le méritait et qu'ils chériraient comme si il était le fruit de leur entrailles. Les années passaient, Ezra était devenu Bae Ezra Blackstone et avait enfin une famille comme il en avait toujours voulu. Il se faisait disputé lorsqu'il n'était pas sage, il se faisait félicité quand il réussissait à l'école mais il était dur de ne pas le faire car oui, Ezra était bel et bien un surdoué. Certes, on sentait qu'il voulait tellement être normal qu'il se contrôlait dans le but de ne pas être trop à l'écart des autres, mais parfois, sa nature revenait rapidement et on proposa au Blackstone de le faire sauter une classe mais il demanda à ses parents de refuser. Il avait été tellement différent qu'il ne voulait plus, non, il voulait faire tous ce qu'il y a de plus normal. Durant les grandes vacances, ils voyagèrent beaucoup. De plus, bien que Monsieur Blackstone était anglais, sa maman était Française et n'hésita pas à apprendre à son prodige le français. En cours, il se spécialisait en prenant des cours de langue comme l'Espagnol ou encore le Russe. Quant à l'Allemand, il put l'apprendre grâce à quelques voyages et à ce cher Blackstone, un prodige des langues. Il ne fallait pas négliger le fait qu'en étant surdoué, il n'avait pas de mal à apprendre rapidement et bien. Oh il avait des défauts, il avait un coté très maladroit dans ces gestes mais surtout dans sa façon d'exprimer ce qu'il voulait d'une personne, dans sa façon de parler de ses sentiments, il avait vraiment du mal ; c'était surement ce qui lui restait des années de ballotage. Il était un peu dissipé, mais il se montrait toujours digne du choix qu'avait fait les Blackstone en le choisissant lui et non, un autre. A 18 ans, il entrait à Harvard pour faire des études de droit et de Photographie car il avait bien peur de décevoir ses parents en ne prenant pas une matière majeure plus "sérieuse" que la photographie. Il avait du mal à être si loin de ses parents, mais il n'hésitait pas à leur écrire et à leur téléphoner. Malheureusement, cette vie tout rose pour l'orphelin ne dura pas plus longtemps car les médecins annoncèrent à Madame Blackstone qu'elle avait un cancer à un stade avancé. Il est vrai que ces derniers mois, elle s'était affaiblie. La frêle Madame Blackstone était mal en point, mais tentait de se battre pour son fils et son mari. Elle n'était pas vieille et le fait que cette maladie tombe sur sa mère mettait Ezra totalement en rogne, son coté renfermé, parfois excité ou arrogant s'accentuait, prouvant son inquiétude et son énervement face à la maladie de celle qui l'avait sauvé de l'Orphelinat. L'année de ses 22 ans alors qu'il venait d'avoir son bac et qu'il rentrait pour lui annoncer, elle était morte. Son père avait attendu la fin de ses épreuves et de la période pour lui annoncer la dure nouvelle. Ezra, qui n'était pas de ceux qui montre ses sentiments, éclata en sanglot dans les bras de son père ... Les deux hommes se retrouvaient seule sans la femme qui était au centre de leur vie et qui était leur rayon de soleil. Il voyait son père qui tentait de rester fort malgré tout, mais il le voyait totalement désemparer et il avait peur, peur de ce qui celui-ci allait devenir. Monsieur Blackstone tomba alors dans l'alcool. Ezra n'arrivait pas à vouloir retourner à Harvard pour reprendre les cours et prit alors son année sabbatique. Il s'occupa de son père et de le tenir un maximum en vie, parce que celui-ci n'arrivait pas à se remettre de la perte de sa femme. Il le voulait et plusieurs fois, il l'avait dit à son fils, mais c'était en vain. Ezra poussait le riche Blackstone à continuer ses donations, son travail, ses loisirs pour ne pas s'éteindre à petit feu, mais Monsieur Blackstone avait toujours été, par derrière, celui qui été le moins fort entre ses deux parents. Il avait une carapace et ne montrait pas ces faiblesses. Un soir, Quand Ezra rentra d'un travail confié par son père, il le trouva allongé sur le sol. Il avait cessé de souffrir de la perte de son grand amour. Une lettre était posée sur son bureau ;
"Mon fils,
Je sais, à présent, que tu es capable d’être le meilleure, de vivre par toi-même, mais je ne veux plus être celui que je suis devenue à sa mort, je ne le veux plus car je devenais un poids pour toi et je sais que tu comprendras que je suis en paix avec elle. Vis la meilleure des vies pour nous, vie de tes passions et n'oublie jamais que même si nous ne t'avons pas fait, tu es notre fils et personne n'a le droit de te dire le contraire. Tu ne seras pas étonné en découvrant mon testament, mon fils, car tu es l'unique personne qui méritait d'hériter de tous ça car jamais, tu as demandé, toujours, tu as bossé pour gagner toi même de l'argent et encore une fois, tu es notre fils, la prunelle de mes yeux.
Je suis fière de toi,
Ton père."
En moins d'un an et demi, il avait perdu les deux personnes les plus importantes de sa vie, mais ils savaient que dans le cas de son père, celui-ci était en paix parce que sa souffrance était terminée et de ce fait, il retrouvait leur étoile ... Le chagrin était grand, mais ils leur avaient offert les plus belles années de son enfance car pendant 7 ans, ils avaient été ses parents, les meilleurs parents alors même si c'était dur, il se devait d'avancer, de vivre comme ils l'auraient voulu !
« Il est temps de vivre la vie que tu t'es imaginée. »
- Henry James
Et à la rentrée de Septembre 2011, il revenait à Harvard pour sa cinquième année, bien décidé, à faire au moins trois années et obtenir un nouveau diplôme. Néanmoins, il ne continua pas le droit, car ce qui l'aimait le plus, c'était la photographie ; capturer l'instant présent, capturer chaque instant d'une vie, d'un paysage, d'une personne. Durant ses voyages, ils avaient pu faire de nombreux clichés, se constituant un book et pendant l'année sabbatique, cette dure année, il avait eu l’occasion de proposer ses services de temps à autres tout en s'occupant de son père, il savait que c'était son destin car en plus, rien ne l’empêchait de faire d'autres choses en même temps sans pour autant avoir un diplôme là-dessus : Il avait déjà son bac de droit-photographie, c'était déjà ça ! Ezra avait changé, pas tant que ça, mais on le voyait encore plus mur, mieux, profitant de la vie comme on lui avait demandé. Il ne manquait de rien mais n'était pas vantard de ce qu'il avait bien qu'il était arrogant - au moins, on ne pouvait pas lui faire que des reproches !-. Ezra subissait quand même pas mal cette vie sans ses parents et on le voyait à à ses étranges comportements, mais il tentait tant bien que mal de faire ce que la lettre de son père demandait, mais c'était dure car la tristesse restait au fond, mais bien présente. Il avait un an de retard, mais s'en fichait car il faisait ce qu'il voulait, ce qu'il aimait et par la même occasion, suivait les conseils de son père ;
"Vis la meilleure des vies pour nous, vie de tes passions".