let it be (ryke & vic)

Après des semaines à s’isoler et ne quitter les quatre murs de chez elle que pour se rendre au boulot, Vic doit bien admettre que cela lui fait le plus grand bien de voir du monde. Même Gabriel, son ex-mari, avec qui elle a passé la soirée de mardi. La jeune femme est physiquement éreintée mais mentalement, c'est exactement ce dont elle a besoin. Et ce soir, elle sait que c’est une soirée sans aucune prise de tête qui l’attend, ce qui lui fait d’autant plus plaisir. Les cheveux attachés en une queue de cheval, une couche très légère de maquillage et vetue d’un simple pantalon noir et d’un chemisier, l’ambulancière n’a pas besoin de se poser mille-et-une question pour le retrouver, lui. C’est avec ses précieuses, et habituelles, dix minutes de retard qu’elle arrive au drink, blâmant le chauffeur de uber qui a mis un bon moment à accepter sa course. Elle a prévu le coup, au cas où les verres s'enchainent un peu trop vite et l’empêchent de reprendre sereinement le volant. Ses yeux balayent la pièce du regard pour se poser sur Ryke, à qui elle fait un bref signe de main avant de se frayer un passage jusqu’à lui. Un baiser écrasé sur sa joue, puis Vic se laisse glisser sur la banquette et se débarrasse de sa veste. « Comment ça va, Roméo?  » Son sourire se fait plus franc, un brin moqueur, prenant plaisir à le taquiner sur cette fameuse Pia dont elle compte bien tout savoir avant la fin de leur soirée.

@Ryke Faulkner

Sa dernière rencontre de suivi de la journée avait été prolongée, le retardant d'au moins une demi-heure à son agenda pourtant déjà bien serré. Loin de le déranger, son implication et son engagement dépassaient largement les quarts de travail réguliers, au contraire de certains de ses collègues qui ne se dévouaient pas une minute de plus pour le bien-être des jeunes qui se trouvaient sous leur supervision. S'inquiétant de la sécurité de l'un de ses pensionnaires, et surtout par mesure préventive, il avait téléphoné les paramédics afin qu'il viennent prendre en charge un jeune homme aux prises avec des idées suicidaires. Le lien de confiance qu'il essayait de bâtir avec les jeunes sous sa garde était d'une importance cruciale, et il voulait s'assurer qu'ils sachent qu'il était disponible, accessible et à l'écoute. Ce n'est qu'une fois parti en ambulance qu'il se précipita chez lui pour prendre une douche, enfiler des vêtements propres et se rendre au drink, où il avait rendez-vous avec Vic. Malgré son retard considérable, pas de signe de vie de la blonde. Était-il surpris? Un sourire fend son visage en deux lorsqu'il sent, quelques minutes plus tard, des lèvres s'écraser contre sa joue. Pas même surpris - il avait ce privilège de ne pas craindre d'être harcelé en s'affichant seul dans un bar - c'était Vic. La laissant s'installer face à lui, Ryke pointe sa montre du doigt, un air faussement agacé tirant sur ses traits marqués par la fatigue. Tu appelles ça ponctuelle? Il était tenté d'ignorer sa question, mais Vic était une vraie lionne; elle ne lâcherait pas le morceau tant qu'il ne lui aurait pas donné un peu de viande. Roméo a les hormones dans le tapis et la tête dans les nuages. Prends ce qu'il te donne Vic, il démordrait pas si vite. Faudrait creuser un peu. Il prit la carte des boissons et piqua le nez dessus, évitant son regard moqueur du mieux qu'il le pouvait.

@Victoria Lahey

Si la soirée de mardi a été synonyme de nombreux questionnements, celle-ci va lui permettre de réellement décompresser en se concentrant sur la vie sentimentale de Ryke, bien moins chaotique que la sienne. Ça n'a pas toujours été le cas mais Vic doit bien admettre que depuis sa séparation avec Beth, elle creuse sa tombe. C’est le désert, le néant et le pire est sans doute qu’elle n’est pas certaine d'être prête à changer quoi que ce soit à sa situation pour l’instant. Ses yeux glissent sur la montre du New-Yorkais sans pouvoir retirer le sourire qui naît à la commissure de ses lèvres. « Ponctu-quoi ? Tu parles une autre langue Ryke, je ne sais pas où tu veux en venir. » Lance-t-elle amusée, avant de le questionner d’entrée de jeux sur la belle qui occupe chacune de ses pensées. Il faut qu’il comprenne qu’il n’y a rien de bien excitant de son côté et qu’elle compte donc vivre cette petite histoire par procuration, ou du moins se délecter des détails. « Hum. » Et la queue dans le pantalon, apparemment. C’est d’une tristesse mais l’ambulancière garde cette dernière réflexion pour elle. « Et donc ? C’est beau de rêver, mais c’est mieux d’agir. » Elle sourit avant de mimer le fait qu’elle ferme la tirette de ses lèvres, le but n'étant pas de finir par le braquer. « Arrête de te cacher, je suis venue pour voir tes beaux yeux, pas pour le menu. Je te laisse tranquille au moins pour les cinq prochaines minutes. » Elle promet avant de glisser à son tour les yeux sur le menu jusqu’à se décider pour un bloody clary. « Et désolée pour l’attente, j’étais prête à l’heure mais c’était l’enfer pour choper un uber. » Oui, il a bien entendu, elle s’excuse car Victoria sait que les journées du jeune homme sont assez occupées pour ne pas lui faire perdre son temps.

Ponctu-quoi? Elle pouvait bien se moquer, il ne l'avait jamais vue arriver à l'heure. Pas une fois. Sur sa tombe, l'épitaphe indiquerait sans doute « Victoria Lahey : toujours en retard, même pour l'heure de sa mort. » Bien-ve-nue sur notre pla-nète. Je m'a-pp-elle Rrrrry-ke.  Il articule les mots, appuyant sur chacune des syllabes pour rendre le propos d'autant plus absurde, l'agrémentant de simagrées et de grimaces. Tout pour éviter de s'étaler sur les péripéties de sa propre vie, malgré la tentation de crier au monde entier qu'il était en train de s'amouracher d'une des plus belles reines qui ait jamais régné sur la forteresse de son coeur. Pour ton information, il y a eu une première séance de bécotage particulièrement chaude, mais on a freiné le truc avant de perdre le contrôle. S'il a l'âme d'un passionné, c'est avant tout un grand rêveur. Et s'il y a une personne avec qui il veut bien faire les choses, c'est Pia. Il n'est pas prêt à tout risquer pour une partie de jambes en l'air ou quelques ébats insignifiants. Ryke dépose le menu sur le coin de la table après s'être arrêté sur une bière blonde. En relevant la tête, il bat des cils. Tu es venue pour ces beaux yeux-là? Il s'arrêtera jamais de l'embêter, douce vengeance de son enfance passée à se faire chasser par une Victoria agacée de sa présence. Maman, c'est un bébé, je veux pas jouer avec lui. Il s'en souvient encore, comme le douloureux pincement d'un coup de poignard en plein coeur. Que t'aies été en retard ou à l'heure, ça change rien au fait que tu me dois un massage de pieds. J'attends. Ou peut-être était-ce plutôt l'inverse? Lui devait-il un massage? Qui ne tente rien n'a rien, comme le disait le vieux dicton. Un rictus au bord des lèvres, il lève les jambes pour apposer ses pieds sur la table, juste sous ses yeux, qu'il imagine déjà rouler jusque dans l'arrière de son cerveau. Au même moment, le serveur arrivait avec leur commande, qu'il vint déposer sur le coin de la table, évitant soigneusement de croiser le regard de Ryke. Ce grand enfant, putain. Oop. Qu'il dit en éclatant de rire.

@Victoria Lahey

Tendant l’oreille comme si elle tente tant bien que mal de comprendre ce qu’il lui raconte, Vic lui adresse un large sourire et lui tend la main par dessus la table. « Enchantée Ryke. On se serre la main ? C’est comme ça qu’on se salue sur votre planète, non ? » Demande-t-elle pour continuer dans son jeu, sans se départir de son sourire. Si son ami ici présent ne sera pas celui qu’il lui apporte le genre d’attention qu’elle désespère d’obtenir dernièrement, c’est une soirée en toute légèreté qu’il lui offre, ce dont Victoria a clairement besoin. « Freiner le truc avant de perdre le contrôle ? Mais pourquoi ? » Elle hausse la voix en secouant la tête, pleine d’incompréhension. N’est-ce pas exactement ce qu’il espérait ? Si elle sait que son ami n’est pas du genre à réfléchir (uniquement) avec ce qu’il a dans le pantalon, il n’en reste pas moins un homme. Pia ne quitte plus ces pensées dernièrement, de ce qu’il a bien voulu lui dire, et l’ambulancière a du mal à comprendre qu’il ne cherche pas à la faire sienne sur tous les plans.
Les mains jointes, Vic pose son menton sur celle-ci et hoche la tête en observant ses yeux comme si elle les découvrait pour la première fois. « Ceux-là, oui. Mais il me semble qu’ils étaient plus beaux dans mes souvenirs. » Lance-t-elle en lui adressant un clin d'œil. Si elle n’y répond pas, pour l’avoir connu gamin, Vic ne peut nier que Ryke ne manque pas de charme et comprend totalement qu’on puisse sucomber au jeune homme. « Je crois que t’as un souci de compréhension à la lecture. » S’il y en a bien un qui doit un massage à l’autre, c’est lui. Lui faisant les grands yeux lorsqu’il pose les pieds sur la table, Vic n’a cependant pas le temps de les chasser que déjà le serveur se tient à leur table. « T’es pas possible, retire tes pieds de là. » Pour accompagner ses paroles, Vic chasse ses jambes de la table et stabilise leur deux verres pour éviter la catastrophe. « C’est toi qui me doit un message. Et puisque t’as essayé de m’avoir, je propose que tu payes la tournée aussi. » Tout excuse est bonne pour se faire payer un verre, non ?

Pas mal, c'est à peine si on remarque que vous êtes une intruse. Ryke, c'est un grand gamin qui rêve peut-être de jamais grandir, de jamais vieillir, ou peut-être bien de se flétrir aux côtés de la bonne personne. De tous les temps, il a été ce gosse un peu léger, jamais trop sérieux, le leader pas trop chiant, qui ne se prenait la tête généralement que lorsqu'il était celui à s'emmêler les pieds ou à accumuler les bêtises. Il avait tôt fait de comprendre que les cadres et les étiquettes l'enfermeraient dans cette image du père absent duquel il voulait se détacher. Plutôt mourir que de lui ressembler, s'était-il juré à maintes reprises lors de leurs échangés imposés, s'échangeant quelques sourires et politesses forcées. Ryke, il voulait être ce grand gamin empreint de liberté, que rien ne pouvait arrêter, si ce n'était que les barrières qu'il s'érigeait parfois lui-même. J'veux pas tout faire foirer, Vic. Parce qu'elle valait bien plus que quelques ébats cueillis à la dérobée, parce qu'il s'éteint amouraché de sa fragilité et de sa vulnérabilité, qu'il retrouvait une gamine devenue femme, bien loin de ses yeux, et que ces mêmes yeux qu'il posait à présent sur elle, n'étaient plus ceux d'un « frère » sensé la protéger, mais ceux d'un homme éperdument passionné.

Comme toute réponse, Ryke offre à Vic la vue de son majeur fièrement dressé, accompagné d'une grimace digne de ce nom. Il bat des cils, juste un peu plus, dans l'espoir qu'elle se perde (et succombe) dans la beauté de ses iris à la fois moqueurs et enjoués. C'est marrant, j'vois toujours pas où tu veux en venir, qu'il dit faussement étonné, en ôtant ses pieds de sur la table, sous le regard désintéressé et agacé du serveur. Quelle rabat-joie... Il l'accuse, avant de porter la bière à ses lèvres, et d'y baigner son nez dedans. Je te paye la tournée, je te masse les pieds, qu'est-ce que j'y gagne là-dedans? Je sens que j'me fais avoir sur toute la ligne, là. Et c'est à son tour de se montrer plus sérieux, après quelques sottises gentiment lancées. Parce qu'ils auraient bien pu parler de lui et de Pia toute la soirée, mais c'était pas le but de l'exercice, si? Sinon, je vais pas passer par quatre chemins Vic, mais t'as une sale mine. Tu l'sais, t'es toujours aussi belle, et même divine hein, mais t'as l'air crevée et j'aime pas te voir comme ça. Tu trouves le temps de te reposer, ou si t'enchaînes les quarts de travail au boulot, sans penser à toi? Parce qu'il était le premier à s'ensevelir sous les heures au boulot, mais qu'il voulait pas la voir s'effondrer sans qu'il ait pu prévenir le coup.

@Victoria Lahey

« Je compte sur toi pour garder mon précieux secret et m’apprendre quelques trucs. » Souffle-t-elle sur le ton de la confidence, penchée par-dessus la table, avant de se laisser aller à nouveau contre le dossier de la chaise. Les ficelles de l’être humain. Même en étant de cette planète, Victoria n’est pas certaine de toujours comprendre comment ces derniers fonctionnent. Physiquement, tout est clair, merci la médecine. Psychologiquement, c’est une toute histoire. « Tu ne vas pas tout foirer. » Vic lui assure, en hochant la tête comme si le geste venait appuyer ses paroles. « Elle a beaucoup de chance de tomber sur toi. » Un gars prêt à prendre son temps, à faire les choses bien plutôt que de tout mettre en œuvre pour se glisser dans son intimité. Vic espère sincèrement que Pia a conscience d’être tombée sur une perle rare et que la jeune femme est, au moins, aussi entichée que son ami semble l’être.

« C’est moche ça, Ryke. Sur n’importe quelle planète. » Elle le gronde d’un ton hautain que pourrait prendre un professeur lorsqu’il lui désigne son majeur et enferme ce dernier dans sa paume pour ne plus avoir à le voir. « Et bien cherche mieux. Réfléchis plus loin que le bout de ton nez, pour changer. » Et si Vic le tacle, c’est avec affection, comme elle pourrait le faire avec ce petit frère qu’elle a toujours rêvé d’avoir mais que ses parents ne lui ont jamais donné. Enfant unique, sans souffre-douleur, il est donc l’heureux élu. « Tu gagnes ma compagnie. » Et c’est déjà plus que bien, non ? « Je peux éventuellement payer la tournée si, et seulement si, j’obtiens mon massage. » Elle ajoute, son index pointé vers lui et un large sourire aux lèvres. Allez Ryke, c’est moche de promettre le Saint Graal à une femme et ne rien lui donner au final. Le sourire de Victoria se ternit lorsqu’il mentionne son état de fatigue. Le verre à la main, elle en boit une longue journée avant de croiser les bras devant sa poitrine et se laisser aller contre le siège dans un léger soupir. « Divine, tu dis ? » Elle tente un sourire, mais il peine à sortir. « Sache que tes compliments ne rattrapent en rien le fait que tu insinues que j’ai une sale gueule. » Mais il n’a pas tort et ça, la jeune femme le sait pertinnement. « Je me repose, je ne fais même que ça. Travailler et dormir, parce que je suis trop fatiguée pour faire autre chose. » Elle avoue, avant de venir appuyer ses avants bras sur la table pour jouer en son centre avec son verre. « Je ne pensais pas que la reprise serait aussi compliquée. Je sais que les rayons fatiguent énormément mais une fois l’opération passée… J’ai cru que j’allais pouvoir reprendre comme avant et ça prend du temps. » Surtout pour gérer ces gardes de vingt-quatre heures continues. « On a un nouveau capitaine qui a proposé d’ajuster mes horaires mais personne ne sait que j’ai été malade et j’aimerais que ça reste comme ça. » Elle prend bien soin de mettre tout ça au passé, bien que consciente des cinq années de rémission avant de crier victoire.