Look at the star - Victoria

Repas à la maison ce soir. Penelope est avec sa mère, donc j'en profite pour inviter mon ex-femme. Ce n'est pas que je n'ai pas envie de l'inviter quand j'ai ma petite princesse, mais je n'ai pas envie de mettre Victoria mal à l'aise. Elle ne peut plus avoir d'enfants. Et la seule fois où elle a été enceinte, elle a du avorter pour le bien de sa santé mais celle de notre enfant aussi. Donc j'imagine bien que ça ne doit pas être évident comme situation. Donc j'ai bossé toute la journée à l'hôpital et je suis rentré en fin d'après midi et je suis bien décidé à faire un bon petit repas à Victoria. Un gigot d'agneau. Je sais qu'elle adore ça. Enfin qu'elle adorait ça à l'époque où on était marié. Donc j'ai pris une bonne recette sur internet et je m'y mets. Je m'en sors plutôt bien. J'espère que ça sera bon, tout aussi bon que quand nous étions encore ensemble. Une bouteille de vin au frais, la table mise. Rien de trop grand. Juste la base. Une fois le gigot d'agneau dans le four, je file à la douche pour pouvoir ensuite m'habiller et me poser dans le canapé en attendant qu'elle arrive.

@Victoria Lahey

Devant le miroir, j’observe ma tenue, hésitante. Je ne souhaite pas trop en faire alors que nous allons juste dîner, tous les deux, mais je n’ai pas envie non plus de m’y pointer en jeans avec un t-shirt deux fois trop grand et les cheveux en bataille. Je ne sais même pas pourquoi j’ai accepté l’invitation dans un premier temps… Cela me fait du bien de retrouver Gabriel, qui était peut-être mon mari mais aussi un ami, mais je ne veux pas que les choses deviennent bizarres entre nous. Toujours est-il que je n’avais aucune raison de refuser et que j’ai besoin de sortir de la maison après des semaines à m’isoler. J’opte finalement pour une robe noire toute simple et des bottines, balance les clés et mon portefeuille dans mon sac à main et récupère la tarte au citron sur la table de la cuisine avant de me mettre en route. Est-ce étrange de renouer après autant d’années ? L’eau a coulé sous les ponts et je pense qu’il est sincère lorsqu’il me dit qu’il me pardonne, mais cela ne veut pas dire que nos routes sont supposées se croiser à nouveau. On a passé une bonne soirée lorsqu’il est passé à la maison, alors que mes parents étaient là, c’était ma façon de le remercier d’avoir été là pour moi à l’hôpital. Mais aujourd’hui, je ne sais pas vraiment ce que c’est et j’essaye de ne pas trop cogiter à ce sujet. C’est une soirée, un dîner, entre deux… exs. Une fois garée devant chez lui, je sonne le dessert à la main et lui adresse un sourire lorsqu’il m’ouvre la porte. « Bonsoir. » J’hésite, avant de lui faire un baiser maladroit sur la joue et entrer dans l’appartement lorsqu’il m’y invite. « J’ai apporté le dessert. » Fait maison, ce n’est pas comme si j’avais mieux à faire de mes journées de toute façon.

C'est sûrement bizarre comme situation. C'est mon ex-femme et je l'invite à passer la soirée chez moi. Même ma meilleure amie m'a fait comprendre que c'était n'importe quoi. Mais je m'en fiche. J'ai envie de passer cette soirée aux côtés de mon ex-femme. Et je me suis donné du mal. J'ai cuisiné. J'ai fais fonctionné ma mémoire pour me souvenir de son plat préféré et ensuite j'ai trouvé une recette sur internet pour pouvoir faire ce fameux gigot d'agneau. Je sais qu'elle adorait ça. Une bouteille de vin au frais. Tout est parfait désormais. Je n'ai plus qu'à l'attendre après avoir pris une bonne douche. J'ai mis quelque chose de simple, un jean noir et une chemise. Je me regarde dans le miroir et c'est parfait. J'attends dans le canapé, et quand j'entends sonner à la porte, je me lève pour aller ouvrir et découvrir Victoria dans une petite robe noire. Oh wahou. Oui je la trouve très charmante dans cette tenue. Bonsoir Victoria. Que je lui réponds, venant alors lui redonner son baiser sur sa joue. Une tarte au citron... Je vois que tu as de très bon souvenir. Que je lui réponds en souriant alors que je me pousse pour la laisser entrer. Je prends le dessert dans mes mains pour pouvoir le mettre au frais. Je te laisse faire comme chez toi. Que je dis en lui montrant le porte manteau. En tout cas, cette robe te va à ravir. Que je lui réponds alors que je vais dans la cuisine pour pouvoir sortir deux verres de vin.

Dès que je sors de la voiture, je fais taire les petites voix qui me soufflent que tout ceci est une très mauvaise idée. Il sera encore temps de faire face aux conséquences plus tard, si conséquences il y a. Ce n’est qu’un dîner et si ça risque de faire remonter de vieux souvenirs, ça nous permettra peut-être de créer un nouveau lien. Je ne sais pas s’il est possible d'être amie avec son ex-mari mais il n’y a qu’en tentant que j’obtiendrai la réponse. Je suis donc tout sourire lorsqu’il m’ouvre et lui remet le dessert après une rapide accolade. « J’ai passé des mois à perfectionner ma recette, ce serait dommage d’avoir oublié. » Dis-je amusée. Je n’en ai d’ailleurs jamais fait après notre rupture, renonçant à ce dessert que je préparais toujours pour lui plus que moi. C’est d’ailleurs l’une des seules choses que je cuisinais, car avec nos études et l’internat, nous étions surtout abonnés au plats tout préparés. Je me débarrasse de mon manteau et passe une main sur ma robe pour la déplisser, avant de lui sourire. « Merci. T’es pas mal du tout non plus. » Je réponds, sincère, avant de le suivre à la cuisine en observant un peu son antre, que je découvre pour la première fois. Les narines me chatouillent, ça sent divinement bon mais ça sent surtout la viande, hors je suis végétarienne depuis plus de trois ans. Et merde. « Qu’est-ce que tu nous prépares de bon ? » La question est posée innocemment, mais je me prépare déjà psychologiquement à devoir avaler un morceau de viande pour ne pas faire la difficile… et je ne suis pas certaine d’en être capable.

Il est sûr qu'on n'avait clairement pas le temps de passer des heures à faire à manger à l'époque. On était plongé dans nos études. Mais quand on avait le temps, on tentait vraiment de faire des efforts. Elle a passé des heures pour ma tarte au citron. Et je sais aussi qu'elle adorait le gigot d'agneau à l'époque. Entre temps je me suis pas trop mal amélioré je dirais. Disons que j'ai vraiment pris le temps de le faire aujourd'hui. Parce que mes repas ne sont pas si différent qu'à l'époque. Je n'ai pas forcément le temps. Je fais des nuits, donc je mange à l'hôpital. Et sinon quand je rentre chez moi le soir, je mange souvent quelque chose de rapide ou je commande à manger. C'est vrai... En tout cas j'ai déjà hâte d'être au dessert. Ah ça oui. Elle sait que j'adore ça. Je lui prends alors la tarte au citron pour pouvoir la laisser retirer sa veste. Je découvre sa tenue, sa petite robe. Ah oui, je la trouve tout de même sublime dans cette tenue. Je dois bien l'avouer. Merci. Que je lui réponds en souriant alors que je vais dans ma cuisine. Je mets directement la tarte au frigo, même qu'on pourrait tenter autre chose ce soir. Commencer le repas par le dessert. Oui j'ai hâte de goûter à tout ça. J'espère que t'aimes toujours le gigot d'agneau, parce que c'est ce que j'ai essayé de faire en tout cas. Et j'espère que ça sera bon. Mais je vois qu'on a eu tous les deux la même idée. Elle m'a fait mon dessert préféré, et moi son repas préféré, sans me douter une seule seconde qu'elle est devenue végétarienne. J'ai une bouteille de vin blanc, ça te va ? Que je demande également.

J’essaye de ne pas penser à ce que Beth, ou toute autre personne d’ailleurs, diraient s’ils savaient que nous passons cette soirée ensemble. Gabriel et moi sommes adultes et capables de prendre nos propres décisions, même si ce ne sont pas forcément les bonnes. Au fond, ce qui me fait le plus peur, c’est sans doute de devoir faire face à son appartement aménagé pour un bébé, alors que le sujet fait toujours un mal de chien. Seulement, je ne pourrai pas fuir bien longtemps les enfants et espère juste que la petite ne sera pas présente ce soir. Lorsque j’entre dans l’appartement, j’ai l’impression que nous sommes seuls mais je préfère ne pas me réjouir trop vite car Penelope pourrait juste dormir pour l’instant. « Contente que ça te fasse plaisir. » En espérant que la tarte soit aussi bonne qu’elle n’en a l’air. On s’échange rapidement un compliment, puis je le suis pour découvrir la cuisine où il range pour l’instant le dessert, dont je vais peut-être devoir me contenter vu le plat. Je force un sourire qui doit plus ressembler à une grimace lorsqu’il me confirme que c’est un gigot d’agneau qui nous attend, plat que j’affectionnais particulièrement à l’époque. Maintenant que je suis certaine que je ne mettrais pas un enfant au monde, je pourrais totalement me moquer de l’avenir que nous avons à offrir à la future génération mais après trois années végétarienne, je ne pense pas pouvoir avaler à nouveau un bout de viande. « Vin blanc, c’est parfait. » Je confirme et lui souris, envisageant rapidement de ne rien dire et me forcer à manger. Seulement ça m’est impossible, surtout après le nombre incalculable de reportages que j’ai pu regarder afin de me dégoûter à vie de la viande. « Ne me mets pas à la porte, s’il-te-plait. » Dis-je avec une petite moue, avant d’élaborer. « Je sais que c’était l’un de mes plats préférés à l’époque mais… je ne mange plus de viande. Depuis trois ans. Je suis désolée j’aurais dû t'en parler quand tu m’as invité. » Dis-je, embêtée. Ma mère nous a cuisiné des lasagnes végétariennes lorsqu’il est venu à la maison, ça me semblait évident mais c’est vrai que ça pouvait juste être une exception.

Pour le bien de Victoria, j'ai fais en sorte de bien ranger mon appartement et de ne surtout pas laisser trainer des jouets de Penelope. Je sais très bien qu'avec son opération, elle ne pourra plus en avoir. Donc j'évite de lui exposer tout cela au visage. Je me doute que ça doit être dur pour elle. C'est bien d'ailleurs pour cette raison que je ne lui en parle quasiment jamais. Je ne veux pas la mettre mal à l'aise sur le fait que j'ai un enfant et surtout que c'est un accident. Un bel accident quand on voit Penelope. Ca a failli mettre en péril notre relation avec Lucrezia, mais on est passé au dessus de ça. Tout comme j'ai décidé de renouer un peu avec Victoria, avec mon ex-femme. Et je pense que ce soir, on a décidé de se faire plaisir en terme de repas. Un tarte au citron pour moi, alors que je lui ai préparé un bon gigot d'agneau, sachant qu'elle adorait ça à l'époque. Je nous sers ça alors. Que je dis en ouvrant le frigo pour pouvoir prendre la bouteille de blanc. Je sors deux verres de vin et je les remplis pour qu'on puisse apprécier cette bouteille. Je lui donne son verre alors qu'elle me demande de ne pas la mettre à la porte. Comment ça ? Et là je tombe de haut. Elle ne mange plus de viandes. Ah bah merde. Ca c'est con. Parce que j'ai rien prévu d'autres. Enfin il y a des légumes avec le gigot, mais elle ne va pas manger que ça si ? Et merde... Je suis désolé Vic, je ne savais pas... Mais du coup tu vas manger quoi ? Tu vas pas juste manger les légumes que j'ai fais avec ? Je peux te commander quelque chose d'autre ? Ou faire un autre truc à côté ? Que je lui demande en la regardant. Je me sens mal d'un coup. J'ignorais tout cela, sinon j'aurais sûrement prévu le coup. Mais là, le gigot d'agneau, je vais devoir me le manger moi même et tout seul.

Alors que nous nous dirigeons vers la cuisine, je remarque que rien ne trahit sa paternité dans l’appartement et ça me fait un petit pincement au cœur. Je suis à peu près certaine que Gabriel a fait en sorte de tout cacher pour moi et ça me touche énormément. D’un autre côté, j’ai l’impression d’être cette pauvre chose prête à se briser à tout moment et ce n’est pas la personne que je souhaite être. Mon entourage ne devrait pas avoir à prendre des pincettes avec moi et cacher leur bonheur, simplement parce que je ne suis pas en mesure d’obtenir le même. Je souris à Gabriel lorsqu’il me dit qu’il nous sert ça et inspire doucement lorsqu’il a la tête dans le frigo, chassant toutes ces pensées négatives de mon esprit pour me concentrer sur le repas que nous nous apprêtons à partager. Obligée de lui annoncer mon régime végétarien, je lui adresse une moue désolée en récupérant le verre de vin blanc qu’il me tend. « Ne t’excuse pas, tu ne pouvais pas deviner. » Pas alors que j’appréciais un bon steak - ou un gigot - lorsque nous étions mariés. « Gab, relax. Les légumes c’est très bien. Je mangerai une part de tarte en plus. » Dis-je en levant les épaules, loin d’être tracassée par ce petit détail. Ce qui m’ennuie surtout, c’est qu’il a préparé tout ça pour rien, ou du moins juste pour lui. « C’est moi qui suis embêtée, j’aurais dû penser à t’en parler. » C’est souvent le cas, en plus, lorsqu’une personne nouvelle dans mon cercle m’invite à dîner, je le précise toujours. Seulement, avec lui, je suis partie du principe qu’il me connaissait par cœur (ou presque) sans penser aux années qui se sont écoulées depuis notre dernier repas en tête-à-tête. « Je t’assure que ça me va, j’n’ai besoin de rien d’autre, pas la peine de commander. » Je n’ai de toute façon pas un gros appétit depuis l’opération. « Santé et merci pour l’invitation. » Dis-je en levant mon verre vers le sien, histoire de balayer ses inquiétudes sur le repas.