EDEN P. EASTWOOD ►Emilie Nereng

Ca me met toujours mal-à-l'aise quand on me demande de raconter mon passé. Autant que quand on me demande qui je suis. C'est probablement parce que je ne sais jamais quoi répondre. C'est vrai, les autres ont tous des anecdotes hillarantes à partager... moi non. Je suis née et j'ai vécu une grande partie de ma vie à Barrow. Lorsque j'étais enfant, je vivais avec mes grands parents parce que mes géniteurs avaient des affaires trop importantes à traiter pour pouvoir s'occuper de moi convenablement. Je ne m'en plaint pas d'ailleurs parce que cette partie de ma vie est sans doute la plus heureuse. Voyez-vous, à Barrow, tout le monde se connait. Nous sommes tous comme une grande famille. Jamais un enfant se ferait kidnapper dans un bled comme celui-là. J'ai donc grandi, été à la maternelle, à l'école primaire puis au collège avec les mêmes personnes. Ca crée des sacrés liens en général de grandir en compagnie des mêmes enfants. Et puis nous étions une bande de copines très soudées aussi. Je me souviendrais toujours de ces moments. Après l'école, nous avions l'habitude d'aller nous cacher dans la petite cabane de mes grands-parents au bord du lac gelé. Nous y avions établi notre quartier général.. Hahaha. Il n'empêche que nous avions fait de cet endroit un véritable petit nid ! Nous nous racontions les potins entendus pendant les inter-cours, nous papotions garçons, nous buvions des chocolats chauds devant des disneys et quand le soleil commençait à se coucher, ma grand-mère venait toujours toquer à la petite porte en bois et nous prévenait : " Les filles, le soleil passe sous le lac, il est temps d'aller diner ! ". Alors nous rangions rapidement toutes nos petites affaires en ricannant comme des oies et nous nous quittions en se faisant de grands signes de bras avant de rentrer chez nous. Après avec Allison, ma cousine, nous rentrions vite chez nos grands-parents, dinions et finissions toujours la soirée en chantant des chansons près de la cheminée pendant que notre grand-père jouait de l'accordéon. Allison a toujours été comme ma soeur. Ses parents aussi avaient mieux à faire que de prendre soin de leur progéniture. Nous avions donc toujours vécu toutes les deux à Barrow. Et il faut dire que notre complicité n'a jamais pu être égalée. Sincèrement, si je pouvais revivre une partie de ma vie, ce serait probablement celle-ci.

Et puis, alors que je venais d'avoir quatorze ans, une certaine bactérie responsable de la méningite à méningocoque à réussi à me plonger dans le coma pendant plusieurs semaines. Voir leur fille inerte sans rien pouvoir faire a probablement créé un déclique dans l'esprit de mes géniteurs entrainant leur soudaine poussée de responsabilité par rapport à moi. Lorsque je rouvris les yeux, je me trouvais dans un hôpital trop éclairé de Phoenix, loin de ma ville, autrement dit loin de ma vie. A partir de là, j'ai été transportée de grande ville en grande ville, ne restant jamais assez de temps pour réussir à me recréer une vie sociale digne de ce nom. A peine les professeurs commençaient à retenir mon, je me retrouvais à nouveau embarquée dans une autre ville. Quand Allison est venue vivre avec nous, cela s'est un peu amélioré. Au moins nous étions deux à perdre la tête. Et puis cela me faisait du bien d'avoir à nouveau quelqu'un à qui parler.

Enfin, ce fut le temps de l'université. N'ayant que cela à faire, Allison et moi étions devenues des élèves plus qu'excellentes et nous avions pris goût à ça. Nous fûmes donc arrivée sans problème à être acceptées à la prestigieuse université d'Harvard. Dès ma première année, je rencontrai River. Fils de bonne famille, excellentes notes, futur diplomate, mes parents étaient enchantés et même si Allison était un peu réticente, elle finit par comprendre qu'il était fait pour moi et nous nous fiançâmes pendant le spring break, en Thailande.

C'est à peu près tout ce qu'il faut savoir sur moi je pense.