CÔME A. OLIVIER ►Jake Abel

C'est à Chicago que Côme a vu le jour. La journée avait été un peu périlleuse pour sa mère qui avait bien faillit accoucher de son troisième bébé au sein d'un avion bondé et voir le petit garçon pointait le bout de son nez en fin d'après midi fut un véritable soulagement. Côme est le petit dernier de sa fratrie : l'unique garçon, le petit homme, le bébé. Lui et ses deux soeurs aînées ont toujours été dorlotés. Pas forcément par leurs parents cependant. Monsieur Olivier, un homme particulièrement ambitieux pour qui fonder une famille ne s'était avéré en rien être un obstacle aux rêves de carrière qu'il nourrissait depuis sa petite enfance, n'a jamais laissé son travail perdre sa place si imposante dans sa vie. Ses enfants, il les aimait, encore plus quand ils dormaient et n'étaient donc pas susceptibles de venir mettre le bazar dans son bureau, dernière pièce d'un couloir interdit aux enfants. La mère de famille avait elle aussi eu de nombreux rêves quand elle n'était qu'une petite fille ambitieuse, désireuse de voir sa vie prendre un tournant décisif. Elle n'était pas issue d'une famille aux revenus aisés et l'a toujours mal vécu. Elle aimait sa famille, évidemment, mais ses joues s'empourpraient de honte quand il lui fallait revêtir les vieux vêtements de sa soeur aînée. Elle avait toujours été jolie avec son visage de poupée et sa chevelure blonde soyeuse, aux reflets presque argentés quand elle passait l'après midi à bronzer sur la terrasse étroite de sa maison et c'est sa beauté qui lui a permit de trouver un job, de devenir mannequin.

Son mari, elle l'a rencontré à l'âge de vingt ans et épousé, séduite par son assurance, son sourire et son compte en banque. Elle l'a aimé, vraiment et elle l'aime toujours vraiment. Sinon, elle ne lui aurait guère donné trois enfants. Puis sa carrière, elle l'a laissée tomber car travailler est devenu facultatif. Quand votre époux est un bourreau de travail, votre vie ne peut qu'en être singulièrement facilitée. Côme a partagé davantage de moments avec sa mère, qu'avec son père qu'il ne voyait que bien plus rarement et puis il y avait ses soeurs, évidemment. Lui a toujours été le petit garçon chéri de sa mère et si cela l'exaspérait souvent, il y avait aussi des avantages à être ainsi couvé. Sa meilleure alliée, cela a toujours été nulle autre que sa mère. Evidemment, pas dans tous les domaines, loin de là, mais dans certains malgré tout. Ensuite, Côme est devenu adolescent.

Un compte en banque bien garni et un besoin permanent de passer le plus de temps possible hors de la maison, voilà qui a à merveille caractérisé Côme depuis son adolescence et encore jusqu'à maintenant. Il ne parvenait plus à supporter sa mère et sa façon de le traiter comme un enfant. Soit, il n'était pas le garçon le plus mature du monde mais ne s'en considérer pas davantage comme incapable de penser par lui-même. Ses soeurs ne lui facilitaient guère la tâche. A vrais dire, Côme a trois mamans. Ses soeurs l'ont toujours traité comme un enfant, bien que trois années seulement le sépare de l'aînée de la famille. Côme a commencé à rentrer en conflit avec sa mère à propos de tout vers l'âge de seize ans. Mère et fils ne parvenaient plus à avoir une seule conversation sans que le ton mente entre eux. Côme ne supportait plus d'être constamment materné et surprotégé et a défaut de préféré une réaction plus mature, il décida de défier constamment ses parents pour qu'ils le laissent grandir. Il continuait à fréquenter les écoles privées choisies par ses parents cependant, conservait un excellent niveau en cours et supportait même toujours les cours de français si importants pour son père qui ne pouvait pas supporter que ces trois enfants ne sachent parler couramment la langue natale de leur paternel. Quand bien même son besoin d'indépendance le tiraillait, sa folie dépensière le garde très dépendant de sa famille.

Famille qu'il aime, en dépit de tout ce qu'il peut bien dire. Il les aime sincèrement, ses soeurs ennuyeuses, sa mère exaspérante et son père autoritaire et absent à la fois. Mais il ne parvient pas à les supporter au quotidien. Du moins, il n'y parvient plus. Quand bien même il les poussait à bout, il restait là, continuant à mener sa vie comme il l'avait toujours fait, jusqu'à ce que sa mère lui déclare la guerre, à ses yeux du moins. Le déclenchement de la confrontation entre mère et fils eu lieu en plein coeur d'une nuit de juillet. Rien de bien choquant, mais madame Olivier a trouvé son benjamin accompagné dans son lit, en pleine action, avec une fille qui n'avait, à son inverse, pas passer toute sa scolarité dans des établissements non mixtes, pas eu une multitude de professeurs particulières, une fille qui n'avait ni son éducation, ni son héritage. Une fille qui ne lui arrivait pas à la cheville. C'était l'avis de la mère et celui du fils aussi. Il n'était pas amoureux d'elle et n'envisageait en rien un avenir avec elle mais il n'a pas eu le temps de l'expliquer à sa génitrice qui n'a guère eu besoin de davantage pour voir rouge.

Elle envisageait de caser son fils avec une fille de son milieu et quand elle a eu le malheur de formuler à voix haute que l'avenir de son fils était entre ses doigts à elle, se fut au tour de Côme d'ouvrir la bouche. Il ne s'est pas mit à crier et à claquer toutes les portes de l'imposante maison familiale, comme un petit gamin stupide et dépourvu d'éducation. L'idée l'a traversé mais il a préféré donner le nouveau coup. Alors majeur, il a informé sa mère qu'il allait terminer son cursus scolaire à Harvard. Bonne université, soit, mais éloignée et un trop peu... Raffinée, au goût pour le moins tranché de la famille Olivier. Malgré le non sans appel de sa mère face à une telle décision, Côme n'a pas accepté de laisser tomber son projet.

Au revoir Chicago, bonjour Cambridge. Le choix de Côme a été motivé par son besoin de montrer à sa mère qu'elle est incapable d'avoir une influence aussi forte sur sa vie. Cependant, le fils a hérité son côté manipulateur de sa génitrice et cette dernière a encore des cartes en main. Ainsi a-t'elle décidée que Côme ne mettrait pas les pieds sur un nouveau campus seul. Non qu'elle s'inquiète de sa faculté à s'intégrer quelque part, bien au contraire d'ailleurs mais l'idée de la savoir échappant à toute surveillance la rend malade. Côme n'a rien pu y faire : sa soeur est arrivée avec lui et car un malheur n'arrive jamais seul, sa mère a décidé d'en rajouter une couche. Un nouvel ultimatum : à savoir que si son fils s'acharne à balancer son avenir à la poubelle, elle lui coupera les vivres. Perspective impensable pour Côme pour qui la pauvreté est non envisageable tant elle lui paraît contre nature pour lui. Ses notes sont bonnes, très bonnes même. Côme semble promit à un bel avenir : il excelle en mathématiques, parle également plusieurs langues couramment et bien d'autres talents mais la situation actuelle ne lui apparait pas davantage comme étant confortable. Les liens du sang sont paraît-il plus fort que tout mais Côme perçoit les siens davantage comme étant des freins dans sa vie et comme étant parfois carrément empoisonnés.