colourful revenge (w/horace)

Elle ne faisait pas les choses à moitié, la gamine. Le rush d'adrénaline se répandait dans ses veines, le sang en combustion qui faisait palpiter le coeur, à la limite de l'implosion, tandis qu'elle (s'im)patientait au point de rencontre, en bordure du parking du campus. Les cheveux remontés en une queue de cheval, le doré de sa crinière caché par la casquette et le masque remonté sur son visage pour se préserver incognito, sous le regard suspect des caméras qui surplombaient sa tête. C'est davantage l'excitation que la peur qui la gagnait, motivée par l'indignation, ravie d'être appuyée dans sa démarche vengeresse. Mon prince!, s'exclama-t-elle pour indiquer sa présence auprès de son complice, enveloppée dans la pénombre.

@Horace Dawson

Les paillettes laissées dans le lavabo, et la tenue de combat enfilée, non sans avoir rajouté quelques nuances dans les vêtements, quelques superpositions pour obtenir le ninja incognito le plus classe qu'on ai jamais vu. Prêt à défiler ou à attaquer, qu'importe ce qui était proposé. Un pistolet de paintball emprunté à l'équipe de détraqués, et des cartouches d'un rose faisant pâlir n'importe quel réac'. Y aura bien les clés de l'appartement de Sofia, aussi, comme seconde arme. Masque noir et capuche sortant de la veste beaucoup trop taillée. Une exclamation, et vla qu'il s'agenouille à côté, pour rester caché. « Princesse. Jolie tenue. » Masque baissé, deux secondes, pour laisser percevoir un large sourire. Gamin. « T'es prête pour ta vengeance ? » L'ombre me convient, mais, j'voudrais pas être coupable de t'y avoir entraîné.

Les parents se laissaient encore bercer par l'innocence infantile de la petite dernière, qui hier encore, servait cérémonieusement le thé, la tête décorée d'une tiare en plastique ou usait des larmes comme arme de prédilection pour se sortir du pétrin. Worked like a charm, every single time. Chaque fois, ils se faisaient prendre comme des amateurs au jeu de l'illusion. Dignes des plus grandes mises en scène, les larmes de crocodile avaient bien trop souvent ponctué les supplications de Boucle d'or, leur soutirant à la fois caprices et absolution, au grand damn de l'aîné, condamné pour ses fautes à elle. Derrière les traits angéliques somnolait un véritable petit démon. Prête? C'est pas tous les jours qu'on assiste à la naissance d'une reine, mon chou ! C'est un sourire narquois qui se dessine dans l'ombre, sous la complicité du masque et des réverbères. J'suis jalouse des paillettes. T'es pas moche. Et la capuche du sweat qu'elle remonte sur sa tête, l'index et le majeur qui s'unissent pour pointer, comme dans les scènes d'intervention tactique, l'objectif de leur délit purement contestataire. Suis-moi, qu'elle insinue sans pour autant le verbaliser. Princesse qui prend son rôle au sérieux, c'est vers la voiture du salaud, une vieille BMW, qu'ils se dirigent, tels de véritables ninjas. Il va vriller..., qu'elle glousse en direction d'Horace.

@Horace Dawson

Et, à m’élancer dans des causes qui ne sont pas les miennes, à me jeter dans des guerres dont aucun drapeau ne porte mon blason ; on se demandera à quoi ca rime. Peut-être pas à grand-chose, de dégrader le véhicule d’un type que j’ai jamais vu, pour des mots que j’ai jamais entendu, pour une fille dont j’ai juste posé les fesses sur mon vélo. Une fois. Type désespérant. Parce que ça lui tient vraiment au cœur, de laver ton honneur, et celle des femmes de manière général. Investi d’une mission dont il s’auto-charge l’épaule. Une arme de paintball sur l’autre. Rien à perdre, rien à gagner, si ce n’est un couronnement. Un sourire complice qui déchire les lèvres masculines. « Beau, t’as le droit de le dire. » Rien que pour les paillettes qui restent, traînent, se retrouvent partout. Sous les lumières du Sidh, c’est ma peau qui brille le plus. Alors, testons les lampadaires de la rue, pour voir. Terré derrière la guerrière, à acquiescer les instructions silencieuses. Y a tout, de la silhouette pliée aux yeux plissés. « L’est pas cardiaque le vieux? » Qu’il se marre, sans franchement de conscience derrière. J’crois en l’univers. « Attends viens, on s’met là pour le gros œuvre ! » Mes doigts qui choppent les tiens au passage, pour t’attirer derrière une voiture, en diagonale de celle visée. On aura qu’à parfaire à la clé ou à la peinture, si t’as quelques slogans, ensuite. « A vous la première, part’naire. » Accroupis derrière la caisse, j’te tends l’arme. Il est temps d’embellir son monde terne.

Meh. Y'a une nuance entre beau et pas moche, et toi tu t'situes... en plein dedans. Elle dégage le masque de son visage pour dévoiler ses lèvres, desquelles elle tire la langue, puis mime une série de baisers pour l'emmerder davantage, parce qu'elle l'imagine pester en silence, une réplique cinglante sur le bout de la langue. Mais c'est bien ce qu'elle cherche, Boucle d'or: provoquer le prince pour qu'il riposte, qu'il la mette au défi. Eh, tu chies des paillettes, clame-t-elle en s'esclaffant en pointant du doigt la trainée d'astérisques au sol, qui les auraient bien trahis s'ils avaient été suivis.

Et maintenant, au travail. Et même si leur accoutrement respectif aurait pu laisser croire le contraire, il n'y avait rien de plus sérieux que cet instant décisif. La bombe de peinture d'un rose puant le néon entre ses doigts tremblants de fébrilité, Alyss décocha un clin d'oeil à son fidèle acolyte, son tout nouveau compagnon de coups foireux et un brin dangereux, avant de se mettre à l'oeuvre. Elle avait décidé de s'attarder au lettrage et de laisser carte blanche à son partenaire de crime pour le reste, pour embellir les oeuvres d'art et leur donner de l'éclat. De chaque côté de la voiture, s'agençaient les mots Le sexisme est partout. Moi aussi. Et sur le capot, digne des plus belles calligraphies s'assemblait une suggestion, qu'elle espérait de tout corps que le vieux suivrait à. la. lettre. Get a vasectomy, boomer. À toi l'tour, camarade. Qu'est-ce qu'elle était prête à donner n'importe quoi pour voir la gueule du vieux schnock lorsqu'il constaterait l'état de sa voiture. Rien que d'y penser, son coeur s'emballait d'une excitation à peine maîtrisable.

@Horace Dawson

Une grimace, derrière le masque. Une grimace parce qu'il y a rien de pire que d'être dans le milieu, dans ce qui s'fait ignorer, ce qui est banal. Dis-moi que j'suis laid, dis-moi que j'sors de la liste des mecs qui vous entourent. Y a rien de pire que d'être noyé dans la masse, surtout quand la masse est gerbante. Alors, tu tires la langue et j'fais mine d'essayer de l'attraper, t'adressant une grimace très mature pour nos âges. J'ai déjà du mal à correspondre à l'âge sur ma carte d'identité ; tu m'aides pas. J'm'aide pas non plus, avec mes paillettes qui se barrent derrière moi, petit poucet en beaucoup plus classe. Une étoile dans la nuit. Deux, qui, dans une quête des plus sérieuses pour une fois, s'approchent de la caisse à attaquer. T'écris, tu t'appliques, et moi j'tire bien une ou deux cartouches – rien que pour le plaisir d'attaquer avec ce truc. C'est suffisamment masculin pour toi l'abruti, cette arme de paintball ? Alors ouais ça tire du rose, et c'est même plutôt magnifique, si seulement t'avais un peu de goût. Mes lèvres qui s'amusent quand j'lis tes écritures. « Il va cramer sa caisse comme un gros psycho. » Obligé, il va pas assumer, et préférer prendre le bus ou même la trottinette. N'importe quoi sauf prendre cette voiture qui devenait un étendard à sa connerie. Quand l'ordre est donné, la bombe de peinture est agitée. Ca fait du bruit – un peu trop avec la bille. « Putain c'est tellement beau qu'il faut pas que j'me loupe. » La lèvre mordue, qui hésite sur le dessin. Puis l'homme se décide. Ca sera un sublime dessin de vagin sur tout le devant de la voiture. Un truc beau et rose. J'préfère le papier et le crayon, mais après tout, un dessin est un dessin. « Tu m'mets combien en art pla' ? » Qu'il scande, en reculant pour mieux regarder leur œuvre.

L'oeuvre d'art prend vie sous leurs regards mesquins et leurs sourires taquins, y'a pas plus beau qu'une vengeance méritée. Son rôle à présent rempli, c'est au tour du gamin d'faire honneur à leur plan machiavélique, d'se démener dans le dessin comme s'il y avait pas de lendemain, comme si y'avait plus que la condamnation qui les attendait. Le dernier jour d'un condamné, que disait Hugo. Le sentiment d'interdit, d'illégalité, en était presque jouissif tant elle prenait plaisir à la tâche. Elle se contentait désormais d'admirer, d'analyser, d'réfléchir à ce qui se présentait comme une évidence: Horace, ou l'coup de foudre instantané d'un plan d'envergure qui prenait naissance à l'instant, le vagin sur le capot comme les voeux d'un mariage nouveau. Douce moitié d'un crime qui n'avait rien d'inoffensif, si ce n'était que le message qu'ils souhaitaient faire passer. 20/20, avec mention spéciale, p'tain. Sur place, elle s'excite comme une puce, la gamine. Les bras en l'air, le poing fièrement levé vers le ciel en guise de victoire. Elle demandait pas la lune, Alyss. Elle voulait rien d'plus que faire honneur à ses convictions. Et le gamin à la crinière indomptable, il l'avait compris, lui. Ça devrait être dans un musée, Dawson. Elle s'recule, fait le tour du tacot, immortalise la toile signée par les révoltés, ne loupe pas un seul angle. Si seulement y'avait en plus moyen de tapisser le mur d'son bureau de tenured frais-chier des photos qu'elle venait d'prendre et de filmer sa réaction en mode caméra cachée. J'crois que j'viens d'avoir un orgasme. T'es l'meilleur.. C'est qu'elle a jamais été aussi fière du résultat, qui ne marquait que les débuts du plus beau partenariat du monde. Mais là, faut qu'on s'tire beauté. Putain, c'est qu'elle était sur un de ces nuages.

@Horace Dawson Je suis tellement désolée du délai de réponse

Partenaire de crime, camarade de lutte, vas-y appelle-moi comme tu veux, tant que j'suis à tes côtés pour vivre les secousses. Une bombe de couleur en main, le talent dans l'autre ; j'crois que j'suis né pour ce genre de moment. Pour défiler dans la rue, aussi. Pour trouver rien d'plus beau qu'un sourire qui éclate sur une bouche féminine. Chevelu au pays des arcs en ciel, qui tire sur les fouteurs de merde, sur ceux qui portent derrière leurs épaules des traînes grises. T'sais quoi, le prof à la caisse morne ? Faut pas s'attaquer à celles qui ont le courage de crier fort. Si t'es pas capable, comme moi, de scander des slogans sur les pavés, alors impliques-toi dans c'que tu peux. Assises-toi et admire. Prend un peu de couleur, et démerdes-toi avec ce que la nature t'as donné. J'sais pas faire grand-chose, mais, dessiner, c'est dans mes cordes. Alors, j'regarde la voiture, puis toi, les traits réjouis à l'extrême. Gamin heureux d'avoir apporté son petit caillou au grand édifice. Putain, mais quelle belle idée t'as eu, de te pointer dans ma messagerie. « J'saute une classe ou quoi ? » Langue coincée entre mes dents, j'ai l'air d'être le type qui découvre c'que ça fait, d'être premier de la classe. Plus de vingt ans pour découvrir cette sensation. Et, y a le rire derrière. Sonore et léger. La réplique qui sonne, quand j'passe dans ton dos pour immortaliser d'une photo prise à la volée : « J'ai toujours dis que j'avais des doigts magiques. » Idiot qui s'marre, te prenant à moitié en photo, à la volée, à l'arrache, la moitié de ta tête, la moitié de la mienne, un morceau de voiture. Le genre de souvenir qu'on regarde plus tard, avec un peu de mélancolie et beaucoup de fierté. « Tu veux pas qu'on reste un peu ? » Jamais totalement satisfait. « Genre rajouter du rose là.. et.. » L'index vers une roue, alors que derrière, on entends un groupe arriver et parler. Suffisamment loin pour ne pas représenter un danger immédiat. Pas assez pour n'en être jamais un. « J'ai rien dis ! » Bombe coincée dans la poche, et mes doigts qui choppent les tiens. « Come on princesse ! » On prend la fuite dans la nuit, les silhouettes longilignes traçant entre les voitures. Quelques mètres plus loin : « On a rien oublié ? » Tête en l'air, qui n'a pas vérifié avant de se barrer. « T'as d'autres victimes ? » La bombe de peinture agitée. « J'suis chaud pour te r'peindre une ville entière. » Homme de main, qui n'sera payé que par quelques sourires.