SÉANCE NUMÉRO UNE. (Juillet 2012)
« Pourquoi avoir attendu si longtemps avant d’entamer une thérapie Monsieur Montgomery ? » Le regard dans le vide, j’haussais les épaules. Les tapotements du stylo de la psychologue contre son cahier raisonnaient dans ma tête. Pourquoi ? C’était une excellente question. Je soupirais légèrement et je relevais le regard vers le médecin qui me fixait d’un air perplexe, continuant de tapoter son stylo contre le papier encore vierge face à elle. Fronçant les sourcils, la jeune femme se redressa dans son siège et elle regarda sa montre. Cela faisait déjà presque une heure que j’étais là, et aucun mot n’était sorti de ma bouche. « Est-ce que c’est la mort de votre amie qui vous a fait vous décider ? » Je déglutis, elle venait de me rappeler la réalité : celle où Billie était morte. Je baissais le regard vers le sol, regardant mes pieds en inspirant. Aucun mot ne sortait de ma bouche. Elle continua alors, « Vous savez…ça n’est pas en restant là, à nous regarder dans le blanc des yeux que vous allez aller mieux… » elle sortit une feuille de sa pochette, une sorte de questionnaire que j’avais du remplir avant la séance afin qu’elle me connaisse et qu’elle puisse m’orienter sur ce dont nous allions parler au cas où je ne me montrerai pas assez loquace. « A vingt-trois ans seulement, on peut dire que vous avez déjà une certaine expérience de la mort…n’est-ce pas ? Est-ce que c’est pour combattre la mort que vous faîtes des études de médecine ? » Je passais ma langue entre mes lèvres : je dois avouer que jamais je n’avais vu ça sous cet angle. Je tapotais nerveusement mes doigts sur mes genoux, et je m’installais correctement dans le canapé cuir face à celui de la psy qui, malgré cette heure passée dans le silence, ne perdait vraiment pas patience. « Je n’avais pas l’argent…pour me payer une thérapie », lançais-je à la jeune femme en réponse à sa question de tout à l’heure. Maintenant, je l’avais cet argent, et ça, c’était grâce à Billie. Je savais qu’elle aurait voulu que j’en fasse quelque chose de bien. Elle avait toujours voulu m’aider, et elle l’avait fait quand elle m’avait fait don de sa moelle osseuse quelques mois plus tôt avant de mourir tuée par une pétasse qui se disait être sa mère.
SÉANCE NUMÉRO DEUX. (Juillet 2012)
« Est-ce que vous gardez des séquelles de votre maladie ? Est-ce que c’est vraiment ça, qui vous a rendu malheureux toutes ses années ? » Je secouais la tête et j’inspirais un grand coup avant de lui répondre, « A cinq ans, on ne réalise pas exactement la gravité de ce qu’on peut avoir. Mes parents m’ont expliqué que j’avais une maladie dans mon sang, et qu’il fallait que je fasse tout pour rester fort. » - « Mais vous ne vivez pas comme un petit garçon normal de cinq ans, n’est-ce pas ? » Je secouais la tête à nouveau, croisant mes bras au niveau de mon torse en regardant la jeune femme qui prenait note sur son petit cahier. « Non…mes parents me faisaient école à la maison. J’ai commencé par faire des chimios très agressives, je perdais mes cheveux, j’étais très fatigué et je sortais à peine de chez moi. J’étais très complexé par les effets que la chimio avait sur moi, alors je préférais rester à l’intérieur et lire un bon livre que d’aller jouer avec des enfants qui se moqueraient de moi parce que j’étais tout palot et que je n’allais pas à l’école. » La psychologue hocha la tête, « Et vous avez eu votre greffe à six ans ? » - « La chimio étant inefficace, les médecins ont expliqués à mes parents que seul une greffe pourrait me sauver. Ils ont fait un test de comptabilité car la famille est en général plus compatible. Quand ma mère a su qu’elle l’était, elle n’a pas hésitée une seule seconde. » Un sourire se dessina sur mon visage, « Elle était tellement heureuse quand le médecin lui a dit que l’opération avait été un succès.. J’avais six ans, et j’étais guéri d’un cancer grâce à ma mère…elle m’a sauvée la vie… » - « Et avec votre père… ? » J’haussais les épaules, « Nous avions une relation père-fils assez typique.. mais je crois que ce qui m’a fait le plus de mal quand il est mort, c’était d’entendre ma mère pleurer tous les soirs. Elle n’arrivait pas à défaire ses cartons, ses affaires de la maison car ça nous faisait des souvenirs. J’avais honte…honte d’avoir réussi à survivre à un cancer et pas lui. Ça peut paraitre bête mais… je me suis toujours senti coupable. Pendant plusieurs années, j’ai détesté les médecins, car ils ne l’avaient pas sauvé. Mais quand j’ai eu treize ans, j’ai compris que si je ne voulais plus que ça arrive, je devais moi-même devenir médecin et sauver des gens qui ont le cancer. Je ne vais pas prétendre que j’ai la solution contre celui-ci…mais j’ai bien l’ambition de trouver. »
SÉANCE NUMÉRO TROIS. (Juillet 2012)
« Parlez-moi de votre adolescence, de la relation que vous aviez avec votre mère… » Je regardais la psychologue pendant plusieurs longues minutes. Mon adolescence ? Il n’y avait pas grand-chose à dire là-dessus, à vrai dire. « Et bien…j’ai eu une adolescence normale. Enfin…Ma mère avait beaucoup de mal à joindre les deux bouts, surtout qu’à cause d’une querelle dont je n’ai pas connaissance, elle était fâchée avec sa famille, la famille Silver. Mon père ayant été fils unique, je n’ai pas eu beaucoup de famille à part ma mère. Je n’ai jamais quitté Cambridge car nous n’avions pas les moyens de partir en vacances. J’essayais d’être le fils parfait…enfin, au début puisqu’après je me laissais souvent embarqué dans les soirées ou les choses comme ça avec mon meilleur ami, Alek. » Elle continuait de noter, et je mourais d’envie de savoir ce qu’elle pouvait bien écrire. « Alek est toujours votre meilleur ami aujourd’hui, n’est-ce pas ? » J’hochais la tête, « Il a toujours été là pour moi, même quand je suis passé dans les pires moments de ma vie. Quand Aurore a quitté les Etats-Unis pour aller en Italie, il a été là pour me changer les idées. » - « Aurore était votre première petite amie, c’est ça ? » J’hochais à nouveau la tête, m’appuyais sur mes genoux avec mes coudes, continuant de la fixer, « Oui c’est ça…je l’ai rencontré je devais avoir seize ou dix-sept ans… j’étais vraiment très amoureux d’elle et… vraiment, c’était parfait. Parce que quand je l’ai rencontré, j’étais susceptible de faire beaucoup de bêtises, la drogue et tout ça… j’avais commencé à y toucher un peu, mais elle a su me freiner… Ensuite, quand nous avons eu notre diplôme de fin de lycée, elle m’a annoncé qu’elle partait faire une école de stylisme en Italie. J’étais content pour elle, mais dans un sens…ça voulait dire qu’on devrait se séparer. Une relation longue distance, et à notre âge, c’était sûr et certain que ça ne marcherait pas… » La jeune femme attrapa sa tasse de café dans laquelle elle trempa ses lèvres. Elle avala lentement une gorgée de sa boisson et enchaîna, « Et vous êtes entré à Harvard. Votre mère devait être fière, non ? » Je ris un peu, « Si elle était fière ? Je crois qu’elle a montré ma lettre d’admission à tout le voisinage. Mais… malgré cette joie, je crois que j’avais du mal à me remettre de ma rupture avec Aurore. C’était mon premier amour vous savez, ça ne s’oublie pas comme ça… Et comme elle n’était pas là pour me freiner, j’ai recommencé à sortir et à retoucher à la drogue, et je me suis mis à fumer un peu plus souvent et un peu plus de trucs illégaux. J’ai quitté le domicile de ma mère pour me prendre un petit appartement que je pouvais me payer grâce à l’argent de la bourse que je touchais tous les mois. »
SÉANCE NUMÉRO QUATRE. (Juillet 2012)
« C’était certainement une mauvaise idée que vous vous installiez tout seul, non ? » J’haussais les épaules, « A vrai dire…pas vraiment…. Enfin… si, j’étais plus livré à moi-même alors forcément, j’ai fait pas mal de conneries, mais ça m’a permis de faire une rencontre importante… » La psychologue arqua un sourcil, intriguée et elle entrouvrait la bouche, mais je fus plus rapide qu’elle et je repris mon explication, « … la rencontre d’Apple. Elle vivait juste à côté de chez moi. Elle est venue me dire bienvenue, et…. Je ne saurais pas ce qui s’est passé, mais on s’est tout de suite entendu. Et très vite, elle est devenue ma meilleure amie et certainement une des personnes les plus importantes dans ma vie. Elle était fraiche, souriante et elle apportait toujours de la bonne humeur lors de mes journées sombres… c’était une sacré fille, Apple. Elle n’approuvait pas du tout mon mode de vie, mes sorties et aussi le fait que je me drogue. A ce moment-là, je me droguais uniquement lorsque j’étais en soirée et je n’étais pas tellement dépendant. Le fait que je ramène très souvent des filles chez moi, et des différentes tous les soirs…ça non plus elle n’approuvait pas. Elle était très… disons qu’elle avait des principes. Mais malgré tout ça, elle savait que je n’étais pas un mauvais garçon et elle croyait en moi. Je crois que c’est pour ça, qu’elle est devenue ma meilleure amie. Parce que malgré le mauvais genre que je me donnais, elle savait qu’il y avait un autre Jude là-dessous… » - « Et malgré ce style de vie, vous réussissiez vos études ? » J’hochais la tête, « Oui, d’ailleurs ça avait le don d’exaspérer et de réjouir ma mère en même temps. Disons que…. J’ai plus de facilités qu’on ne peut le croire. » Elle hochait la tête avec un petit sourire, « Parlez-moi de Kyle maintenant » Je fronçais les sourcils et je déglutis. De Kyle ? Qu’est-ce qu’elle voulait savoir au juste ? Je restais silencieux quelques minutes, la gorge nouée. Aucun mot ne pouvait sortir de ma bouche j’étais comme….pétrifié. La psychologue me regarda, et attrapa ma main, me disant alors d’un air sérieux, « Vous n’avez pas l’habitude d’en parler, je me trompe ? » Je la regardais et je secouais la tête, « Je pense que ça vous fera beaucoup de bien alors… » J’avalais difficilement ma salive, et j’essayais de me décrisper. Je pris alors une grande inspiration, « Environ…un an et demi après mon entrée à Harvard, j’ai reçu un appel. C’était la mère d’Aurore et quand j’ai entendu sa voix, j’ai tout de suite compris que c’était grave. Aurore avait eu un accident de voiture quelques mois plus tôt, elle avait été dans le coma et elle venait tout juste de décédé. Rien que cette nouvelle…C’était un sacré coup de massue. Mais la suite… elle m’annonça alors qu’Aurore avait découvert qu’elle était enceinte après s’être installé en Italie. Elle n’avait pas voulu me le dire car elle ne voulait pas que je gâche mes études ou que je fasse quelque chose de stupide pour venir la rejoindre. Elle a eu le bébé, un petit garçon. Kyle. Quelques mois après, elle a eu son accident et c’est les parents d’Aurore qui se sont occupé de lui. Sauf que ses parents étaient assez vieux et que le père d’Aurore était fort malade, et ils ne pouvaient pas s’occuper d’un bébé. Alors ils ont voulu que je le prenne. » La psychologue lâcha ma main et me regarda, attendant la suite, « Et comment avez-vous réagi ? » - « La première personne à qui j’en ai parlé, c’était Apple. Elle m’a dit qu’il fallait que je prenne mes responsabilités et que peut-être que Kyle m’aimerait à aller mieux. Ma mère elle…elle a été en colère quelque temps, mais ensuite, elle disait qu’elle serait ravie de s’occuper de Kyle. Elle avait toujours voulu avoir un deuxième enfant mais elle n’en avait jamais eu l’occasion. Moi j’étais juste…terrifié. J’avais à peine dix neufs ans, j’allais sur mes vingt ans et j’étais père. Un père un peu trop fêtard et loin d’être responsable. Au final, Kyle a été la plus belle chose qui me soit arrivé. Apple avait raison. Grâce à lui, je faisais attention à mes fréquentations, je ne faisais plus la fête. Tous les week-ends, je dormais chez ma mère pour passer du temps avec mon fils. Je remontais la pente, vraiment et ça faisait du bien. »
SÉANCE NUMÉRO CINQ. (Juillet 2012)
« Que faisiez-vous au moment de l’accident ? » Je me pinçais la lèvre et je baissais les yeux, restant silencieux quelques secondes. J’inspirais doucement et je lançais un léger sourire à la psychologue, « J’étais en cours quand j’ai reçu l’appel de l’hôpital. Ma mère n’avait pas ses papiers avec elle, juste son téléphone portable donc ils n’étaient pas sûr de son identité. J’ai prié sur la route pour que ça ne soit pas elle. Je ne pouvais pas avoir perdu ma mère, mon père, mon ex-petite amie et mon fils…j’avais l’impression que le monde s’acharnait sur moi. » La psychologue nota quelques petites choses, puis me regarda avant de dire d’une voix calmée et posée, « Mais c’était bien eux… » J’hochais la tête, je sentais les larmes me monter aux yeux. Je ne parlais jamais de ce qui s’était passé ce jour-là alors forcément, lorsque ça arrivait, j’avais du mal à garder mon sang froid. « C’était eux oui… ils se sont fait renversé par une voiture en traversant le pont à la sortir de la ville… l’impact du choc a été tellement violent qu’ils sont tombés du pont, et qu’ils ont atterrit dans la rivière. Ma mère n’était pas une très bonne nageuse et Kyle était trop petit pour savoir se débrouiller dans l’eau… » Je fermais les yeux, essayant de ravaler mes larmes. « Ils ont dû souffrir… », ajoutais-je, les dents serrées. La psychologue me regarda, surprise par mes paroles, «…mourir noyé, c’est la pire façon de partir… ma mère s’est certainement débattu dans l’eau, elle a certainement voulu aller chercher Kyle…ses poumons se sont remplis d’eau… » - « Vous ne devriez pas vous torturer l’esprit à penser à ce genre de détails Jude… » Je levais les yeux vers elle, « Je suis étudiant en médecine. Je sais exactement le calvaire qu’ils ont dû vivre, et je n’arrive pas à me le retirer de la tête… » Je cachais mon visage entre mes mains, et la psychologue sourit tristement, « Vous n’étiez pas tout seul…il y avait vos amis, Apple, Alek… » - « Tous les amis du monde ne peuvent pas remplacer une famille… » Elle hocha la tête et je restais immobile, le visage caché entre mes mains. « Apple m’a aidé à préparer l’enterrement…elle a été juste…géniale… elle venait avec moi tous les jours au cimetière, elle essayait de me consoler…sauf que j’étais inconsolable… même Alek qui d’habitude savait me changer les idées n’y arrivait pas. Et c’est à ce moment-là que ma descente aux enfers a commencée… »
SÉANCE NUMÉRO SIX. (Juillet 2012)
« Pourquoi être entré à la Mather House ? Vous auriez-du savoir que ça n’allait pas aider… » J’haussais les épaules, « Vous saviez, au stade où j’en étais, je me fichais de m’en sortir ou pas. J’étais orphelin, et toutes les personnes autour de moi finissaient par mourir. » - « Vous aviez déjà eu des envies de suicide ? » J’hochais la tête, regardant dans le vide, « Pendant un de mes stages à l’hôpital, j’ai piqué de la morphine. J’avais une dose mortelle dans ma chambre et je comptais m’en servir… » La psychologue se remit à écrire, l’air intriguée, « Pourquoi ne pas l’avoir fait ? » Je fronçais les sourcils, « J’ai dit à Apple que je comptais en finir. Ma vie ne rimait plus à rien. Je faisais la fête tous les soirs, j’étais toujours défoncé ou bourré… je ne voulais plus vivre. Apple a commencé à paniquer, parce qu’elle savait que j’étais capable de le faire. Du coup, elle s’est mis en tête que si je rencontrais une fille et que je tombais amoureux, j’irais mieux et je m’enlèverais de la tête cette idée de me suicider… » Un léger sourire se dessina sur ses lèvres, « Et elle avait raison ? C’est pour ça que vous êtes toujours là aujourd’hui, je présume ? », demanda-t-elle en posant son carnet de note sur ses genoux. Je souris timidement et j'hochais la tête. « Au début, j’étais vraiment sceptique… Apple avait envoyé mon numéro de téléphone à pleins de files du campus, même des filles que je ne connaissais pas… je vous laisse imaginer la honte. Et elle m’a donné le numéro de Roxanna. » - « Pourquoi l’avoir contacté si vous étiez septique ? » J’haussais les épaules, « Parce qu’une petite partie de moi voulait que je m’en sorte, je présume ? » Elle sourit et se pencha légèrement en avant, finissant par me demander doucement, « Qu’avait-elle de plus, Roxanna ? » Nouveau haussement d’épaule. Je souris légèrement en repensant au début de notre relation, à notre rencontre, « Elle ne voyait pas en moi quelqu’un de mauvais… elle a compris que derrière ce garçon toujours shooté, il y avait quelqu’un qui souffrait de l’absence des gens qu’il aimait… elle m’a laissé le bénéfice du doute et elle a tout de suite vu ce qu’il y avait de bien chez moi…je crois que c’est ça, qui a fait la différence… et aussi… elle m’aime…et je pensais que personne ne pourrait encore m’aimer après ce que j’étais devenu…» Je fis une petite pause, « La première fois que je l’ai vu, je me suis tout de suite dit qu’elle était…juste magnifique…et j’avais l’impression que je ne serais jamais à la hauteur. Et puis, on a continué de se voir et de fil en aiguille… et bien, on est devenu ce qu’on est maintenant » La psychologue rit un peu, « Et qu’êtes-vous ? » - « Une famille ? Enfin…pas encore mais… je me vois bien finir ma vie avec Roxanna… on arrive à passer toutes les épreuves ensemble… quand elle a su pour Samara par exemple, elle aurait pu me quitter mais elle est restée… » La psychologue arqua un sourcil, « Samara ? » J’hochais la tête, « J’ai rencontré Samara pendant une soirée il y a sept ou huit mois. Elle ressemblait comme deux gouttes d’eau à Aurore et…je dois avouer que ça m’a beaucoup perturbé. Du coup, je suis allé la voir et on a fini par coucher ensemble. Il y a quelques mois, elle est venu me voir et m’a avoué qu’elle était enceinte et que j’étais le père. » - « Donc vous allez avoir un enfant avec elle ? » J’hochais la tête, « Elle est actuellement à huit mois de grossesse et… disons que je vais assumer mes responsabilités du mieux que je le peux… mais aujourd’hui, tout va bien dans ma vie et j’espère que ça le restera, même si la mort de Billie est assez compliquée à gérer… » La psychologue me regarda, puis me demanda, « Je pense donc que c’est la dernière chose dont nous allons parler Jude… » - « Billie était la meilleure amie de Roxanna… elle a eu un passé de drogué, tout comme moi et elle m’a aidé à m’en sortir, elle m’a encouragé à sortir de la drogue, m’a donné quelques astuces pour me sevrer… je lui dois beaucoup, et l’idée qu’elle soit partie… cette idée m’est insupportables, parce que je pensais que cet enfer était fini et ça continue… et le pire, c’est que je ne sais pas consoler Roxanna, parce que je ne sais pas comment me consoler moi-même… »
SÉANCE NUMÉRO SEPT. (Mars 2013)
Cela faisait plus de six mois que je n’avais pas mis les pieds dans cet endroit. Mais cela semblait nécessaire à ma guérison. J’inspirais doucement, regardant autour de moi : le bureau de la psychologue n’avait pas changé depuis le temps. Celle-ci vint s’asseoir en face de moi et pris une grande inspiration avant de poser ses mains sur mes genoux, « Eh bien Jude… on peut dire que je ne m’attendais pas du tout à vous revoir ! » J’haussais les épaules et je souris timidement, baissant les yeux, « Oui…moi non plus… » Elle ouvrit son carnet de notes, « Alors…dîtes-moi…qu’est-ce qui vous amène ici ? » Je me pinçais la lèvre et je regardais droit devant moi, n’osant même pas la regarder dans les yeux. « J’ai…j’ai replongé… » - « Dans la drogue, vous voulez dire ? » J’hochais la tête sans rien ajouter, continuant de regarder le vide. « Pourquoi.. ? Je veux dire…vous aviez une belle vie quand nous nous étions quittés… ? » Je soupirais et je levais les yeux au ciel, « Une belle vie…ouais… peut-être tellement belle que je n’avais pas l’habitude alors j’ai tout gâché… » - « Expliquez-moi ce qu’il s’est passé… » Je relevais le regard vers la psychologue. Elle n’avait vraiment pas l’air de comprendre ce que je faisais encore une fois ici. Et moi-même j’avais du mal à y croire. « J’ai…fait un burn out, je pense. Vous savez… j’ai eu tellement de choses à gérer cette année… Il y a eu la naissance d’Aaron…la grossesse de Roxanna… » La psychologue me coupa, « La grossesse de Roxanna ? » J’hochais la tête, « Oui…on l’a appris cet été… on attend une petite fille… » J’affichais un grand sourire qui se refléta sur le visage de la jeune femme, « Vous semblez heureux de cette nouvelle ? » J’hochais la tête à nouveau, « Bien sûr que je suis heureux…on va enfin former une famille… Vous savez, j’ai perdu la mienne assez tôt à la mort de mon père, et Roxanna à la mort de sa mère… elle a acceptée de m’épouser aussi. On ne va pas se marier tout de suite, mais nous sommes fiancés c’est…c’est vraiment tout ce dont j’aspirais… » - « Alors pourquoi avoir tout laissé tomber ? » Je baissais les yeux. Si seulement j’avais une raison cohérente, une vraie explication qui pourrait justifier mes actes. Mais je n’en avais pas. « Peut-être…trop de pression d’un coup..la naissance d’Aaron a beaucoup bouleversée notre vie… Samara l’abandonné devant ma porte deux semaines après sa naissance alors…j’ai dû m’en occuper vingt-quatre heures sur vingt-quatre… Heureusement que Briony était là pour m’aider. Elle a accepté d’êtres à marraine et…je suis vraiment content de l’avoir laissé entrer dans ma vie. J’étais très en colère contre sa famille qui m’avait ignoré toutes ses années alors que j’aurais eu besoin d’elle, mais je sais que Briony n’a rien à voir dans cette histoire. Donc Aaron, plus mes études de médecine qui me prennent…beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps…plus la Dunster House, plus la grossesse de Roxanna… je crois que…j’avais juste besoin de me détendre et j’ai choisi…la mauvaise manière de le faire… » - « Roxanna doit vous en vouloir... » Je fronçais les sourcils et je relevais les yeux vers elle murmurant d'une voix étouffée, « Roxanna m'a quitté...»
SÉANCE NUMÉRO HUIT. (Mars 2013)
Mes mains tremblaient. Et je n’arrivais pas à calmer ces fichus tremblements. Je sortais un carambar au caramel de ma poche, l’amenant directement dans ma bouche pour mastiquer le bâtonnet de sucre entre mes dents. « On peut reporter la séance à plus tard si vous voulez », annonça la psychologue en regardant mes mains. Je fronçais les sourcils et je secouais la tête. Il fallait que je me calme. « Vous avez l’air exténué Jude… », souffla t-elle. Elle avait réellement l’air d’être inquiète mais elle ne devrait pas. C’était uniquement les effets du manque. « Aylin est née avant-hier alors…je cours un peu partout je dois dire… » Un sourire se dessina sur mon visage et elle posa sa main sur la mienne, constatant l’intensité des tremblements. « Je comprends…et le stress et la fatigue n’aide pas au sevrage, n’est-ce pas ? » J’hochais la tête et elle ajouta, « Félicitations… » -« Merci. », me contentais-je de lui répondre. « Comment ça se passe, avec Roxanna ? » Je soupirais et je baissais immédiatement les yeux, sentant un pincement au cœur. Je crois même que si je me laissais aller, je me serais mis à pleurer comme un bébé. « Ça va mh…mal ? Enfin…mal comparé à il y a un an… » - « Vous n’êtes toujours pas ensemble ? » Je secouais la tête, « Non… je crois qu’elle ne me fait plus confiance, en fait… et elle a raison. Je crois que le fait que j’ai couché avec cette fille au Spring Break ça a…cassé quelque chose. Et ça l’a poussé à aller voir ailleurs aussi alors…ça ne sera plus jamais vraiment comme avant… » La a psychologue m’adressa un sourire, « Mais c’est peut-être une bonne chose…car le couple que vous étiez avant n’a pas tenu puisque vous êtes séparés aujourd’hui… »J’haussais les épaules et je soupirais, me redressant sur le canapé en croisant les bras. Mes tremblements étaient un peu moins forts, mais ils restaient cependant assez gênants. « Elle me manque… elle me manque et…même si elle dit qu’elle m’aime je… je sens bien qu’elle est en train de glisser entre mes doigts… » Je baissais les yeux et la psychologue me regarda avec son regard plein de compassion. Le genre de regard que je détestais venant des gens. « J’ai perdu tous les gens que j’aimais. Encore une fois…Roxanna… et je me suis disputé avec Briony aussi… Apple me déteste parce que je n’arrive pas à m’entendre avec son Andy chéri… en fait il n’y a que Alek qui est toujours fidèle au poste… » Je ris un peu et je soupirais une nouvelle fois. « Comment allez-vous la récupérer ? » Je fronçais un peu les sourcils. La récupérer ? « Roxanna.. », ajouta-t-elle avec un léger sourire. « Je…je ne suis pas sûr que je vais y arriver… », murmurais-je. « Pourtant vous faîtes ça pour elle, non ? Venir ici…vos week-ends en centre de désintoxication… » - « Mais je ne suis pas sûr qu’elle se rend compte que… je me bat vraiment contre moi-même pour la récupérer… me sevrer c’est…tellement dur… » - « Vous serez récompensé par vos efforts…j’en suis certaine. »