« On aime bien connaître nos prochains avocat dans ce cabinet. » Je souris sous ses mots, je devais donc me livrer à ce recruteur? Je venais d’obtenir ma licence d’avocate, mais pour cela il fallait encore et toujours que je raconte mon passé. Il faut dire que d’avoir noté dans notre certificat de naissance le quartier de haute surveillance comme lieu de naissance ça n’aide que très peu. « Bien sûr, que voulez-vous savoir . » Je ne savais jamais par où commencer pour raconter mon histoire qui était simple à expliquer, mais tellement douloureuse à la fois. Je soufflais légèrement et assez discrètement pour que cet homme ne m’entende. « En lisant votre dossier ainsi que les documents fournis avec j’ai remarqué que vous étiez née non loin de là à Sun Valley dans la prison pour femmes, c’est exact? ». Il entrait directement dans le vif du sujet. Je sens mon cœur se serrer et je laisse mes mains s’agripper à mon siège en souriant comme-ci de rien n’était. « Oui c’est bien ça, je suppose que je dois tout vous raconter? » Je ne lui laisse pas le temps de me répondre, car je connais déjà la réponse, j’ai l’habitude et normalement à la fin de cet entretien j’aurai le droit à un refus avec plein d’excuse me jurant que ce n’était pas par rapport à mon passé si instable. Je commence à lui raconter mon passé, me rappelant tout ce dont ma mère, les gardiens et ma famille d’accueil ont pu me dire. Je le regardai en souriant faussement. « Racontez-moi toute votre vie sur papier et je vous lirais » Je le laisse partir commençant à écrire, je recommence au bout de la dixième fois ne sachant comme noter et raconter mon histoire. Je n’ai pas le choix, alors je me laisse aller à écrire avec mes sentiments, de toute façon je connais déjà la réponse finale de cet entretien. Je n’ai donc rien à perdre.
Novembre 1989
Ce mois-ci je quittais après dix-huit mois de vie quotidienne dans cette prison les lieux. Je ne sais pas réellement comment j’étais ce que j’ai pu ressentir, je sais que je hurlais à mort tout comme ma mère Natsya qui ne voulait pas me voir partir, comme la plupart des femmes ayant eu un enfant en prison. Au bout d’un an et demi les enfants partent pour rejoindre la famille de la mère et en cas d’absence les enfants devaient finir en famille d’accueil pour la durée de la peine de prison de leur mère. Je suis née dans cette prison que j’ai quittée pour rejointe la famille Johnson. Les Johnson ne pouvaient avoir d’enfant, car monsieur n’était pas fait pour procréer. Je ne fus pas la seule ce jour-là à les rejoindre. Lina était née deux mois avant moi c’était une prématurée, elle avait deux mois de plus que moi, mais elle était restée plus longtemps, car elle était plus fragile. Nous étions à présent toutes deux à rejoindre cette famille d’accueil.
Juillet 2000
C’était les vacances et je jouais avec Lina dans le jardin. Je me rappelle encore parfaitement les mots qu’avaient utilisés les Johnson pour nous expliquer les aller-retour incessants du père de famille à l’hôpital. En effet, ils venaient d’apprendre que John Johnson était atteint d’une tumeur du cerveau. Je n’avais pas tout compris sur le moment, je ne savais du mot tumeur et je le découvris au collège en posant des questions à mes amis. Quand je compris qui allait mourir j’avais eu le cœur lourd et serré. Douze années que je vivais avec eux et ce n’était pas pour autant qu’ils avaient tout pour effacer de nos mémoires nos mères respectives à Lina et à moi. Au contraire, tout était fait pour qu’on ne les oublie pas. Nous allions les voir le premier week-end de chaque mois. J’étais heureuse de retrouver ma mère. Je ne savais pas tout du pourquoi et du comment ça se faisait que j’étais séparée de ma mère, elle évitait toutes mes questions me disant que je le saurai quand je serais plus vieille.
Décembre 2001
Lina était plus parmi nous, elle n'était pas morte, mais sa mère avait été libéré pour bonne conduite. Elle avait récupéré une vie avec sa mère. Moi, je voulais aussi retrouver la mienne, la famille Johnson étaient formidables et tout simplement incroyable avec moi. Mais, comme tous mes autres amis je voulais avoir une vie de famille , j’en avais certes une, mais je savais que ma mère était loin de moi et je l’aimai de tout mon cœur. Treize ans et apparemment pour ma mère j’étais capable de tout affronter à présent, j’étais une adolescente intelligente et posée. Elle me montra ce petit extrait de journal :
Nevada Times : le 21 décembre 1987
Les traits tirés, maigre, le sourire des photos que nous disposions dans notre dernier article a disparu. Natsya Dawson n’est plus que le reflet d’elle-même. Âgée de vingt deux ans, la jeune femme est assise en ce jour sur le banc des accusés pour meurtre aux seconds degrés. L’audience se tiendra à huis clos à la demande des parents de la victime qui se tiendront devant l’accusé durant le procès ainsi que le petit ami actuel de la jeune accusé qui se tiendra aux côtés des parents de la victime. Nous ne connaissant toujours pas ce qui s'est passé dans la tête de notre jeune accusé pour qu’elle tue sauvagement l’une de ses camarades de classe en droit. Triste sort pour une jeune femme qui voulait devenir avocate.
Je compris tout de suite que c’était elle. Je connaissais son nom. Elle m’expliqua tout, que j’étais déjà dans son ventre quand elle tua cette fille et qu’elle s’en voulait encore. J’aurai sans doute dû lui en vouloir pour m’avoir jamais raconté ça et pour être une meurtrière, mais non. Je lui en voulais de m’avoir dit que mon père était un homme parfait? J’en rigolais en faites, quel homme est parfait s'il trompe celle qui est censée aimer depuis toujours. Elle voulait me dire le nom de mon père histoire que je le retrouve et que je reste avec lui. Je pense que c’est ça qui m’a énervé et m’a fait quitter la salle. C’était la première fois que je m’énervais contre ma mère.
Août 2002
Ce fut mon dernier mois de vie parmi les Johnson tout comme le mois où décéda John Johnson. Elle n’avait plus le courage de me garder, elle avait décidé de quitter le Nevada pour retourner en Australie là où se tenait sa famille. Elle n’avait pas le droit de m’emmener. Je rejoignis alors un centre d’accueil pour mineurs et ma vie de petite fille heureuse ne fut plus jamais la même. J’étais mal dans cet endroit. Je n’aimais pas les autres enfants, j’étais seule et je devais me plier à des règles plus qu'étranges. Ne jamais répondre quand l’on m’insultait ou qu’on me tapait. Cela ne dura pas longtemps, je n’étais pas du style à me laisser faire.
Janvier 2004
Deux ans que je vivais dans ce centre pour jeunes. J’étais forte et je n’avais jamais baissé les bras jusqu’au jour où l’on m’apprit que ma mère venait de mourir. Elle avait été tuée par une autre fille de la prison après une dispute à la cantine. Je venais de perdre l’un des seuls piliers de ma vie sans doute qu’elle avait pris la vie de quelqu'un, mais elle ne méritait pas de mourir à deux ans de sa fin de peine de prison. J’étais censée retrouver ma mère à mes dix-huit ans. Le jour de son enterrement je m’apprêtais à rentrer au centre quand j’eus la visite d’un homme. Il m’avoua assez rapidement qu’il était mon père, lorsqu’il me dit le mot père j’en rigolai répondant assez rapidement qu’il n’était rien pour moi et que ce n'était pas la peine de rester ici. Il me montra une lettre que ma mère lui avait envoyée quelques semaines plus tôt. Je me sentais trahie par ma propre mère. Je lui avais dit que je voulais pas en entendre parler. Je dus quitter le centre même si l’envie n’y était pas, je préférai rester dans un endroit où je me sentais mal que de rejoindre mon père chez lui. Il habitait Los Angeles, il s’était éloigné de Sun Valley après le procès de ma mère. Je quittais donc Saint- Augustine où se trouvait le centre pour mineurs pour Cambridge.
Mai 2006
Mon émancipation. Quelques mois après mon arrivée à Cambridge, j’ai fugué. Je ne pouvais pas rester avec cet homme qui n’était pour moi qu’un simple géniteur, le seul homme que je pouvais considérer comme avoir été mon père c’était John et personne d’autre. Je m’étais trouvé un job dans un magasin pour survivre, j’ai souvent dormi dehors ne pouvant me prendre trop souvent une chambre d’hôtel. Je réussis à convaincre le juge de me donner raison et de me faire émanciper de cet homme. Je sais qu’il m’avait recherché et qu’il voulait réellement me connaître, mais je ne pouvais pas.
Je dépose à présent mon stylo rejoignant l’homme le laissant lire ma vie, m’accrochant au peu d’espoir qui me restait pour qu’il me dise oui. Je le regardai espérant entrevoir quoi que ce soit qui me guiderait sur sa réponse, mais rien. « Parfait. » Je fronce légèrement les sourcils en le regardant que voulût-il dire par ce simple mot: Parfait . « Comment -ça ? » « Je vous engage. » Je souris en me pinçant la lèvre et le remerciant avant de rassembler mes affaires et de visiter le cabinet d’avocats où j’allais devenir avocate.