(daeji) if we ever meet again

c'est avec une appréhension certaine que tu franchis la porte de ce petit coffee shop que tu as récemment découvert, à quelques centaines de mètres de ton appartement. tes yeux parcourent rapidement l'ensemble de la salle et tu ressens un étrange soulagement en constatant qu'il n'est pas encore arrivé, te félicitant intérieurement d'avoir voulu arriver avec quelques minutes d'avance sur l'heure convenue. tu passes commande d'un chai latte au comptoir avant de t'installer à une table près de la baie vitrée, sans cesser de regarder constamment l'heure affichée au coin de ton téléphone portable. tu n'aurais jamais pensé vivre ces retrouvailles à l'autre bout du monde, pas avec lui, pas après tout ce temps. souvenirs qui se bousculent en masse à l'orée de ta mémoire, que tu refuses d'explorer de peur de tomber sur les tourments qui y sont désormais malencontreusement associés. tu tentes de te focaliser davantage sur des questions neutres, inoffensives. à quoi ressemble-t-il maintenant ? pourquoi est-il en voyage ? vous n'avez échangé que quelques messages et, prise de court par sa soudaine demande de rencontre en face à face, tu n'as guère réfléchi avant d'accepter. mais plus tu y penses et plus tes pensées s'assombrissent malgré toi. pourquoi souhaite-t-il te revoir alors que ton départ brutal de séoul a coupé tous les liens que tu entretenais avec votre cercle ? est-il en colère ? que pense-t-il de toi ? quelles raisons a-t-il imaginé pour expliquer ta fuite ? qu'ont-ils dit sur toi après que tu sois partie ? des interrogations qui ne font que renforcer le noeud dans ton ventre alors que la porte du café finit par s'ouvrir pour laisser entrer un visage familier. vos yeux se trouvent instantanément alors que tu replonges à corps perdu dans ce passé que tu voulais tant oublier.

@daewon cho

le plan de départ, ça avait été de s'arrêter partout, sauf ici. l'itinéraire ne réclamait pas de passage vers les contrées ancestrales de la Nouvelle-Angleterre, d'autant plus qu'éviter les fantômes de ton passé s'avérait être une perspective intéressante à la poursuite de ce périple qui prenait davantage les allures d'une crise identitaire, que celles de la découverte d'un monde jusqu'alors inexploré. c'est la crainte des non-dits, des questions demeurées sans réponse, des interrogations tues par le silence et l'absence, par le départ soudain de la Queen Bee. ne pose pas la question si tu n'es pas prêt à entendre la réponse, t'avait-on maintes et maintes fois répété, discours d'une éducation qui se voulait superficielle. si les apparences sont trompeuses, elles racontent toutefois l'histoire de ces vérités étouffées par la tête et le coeur, celles qui, une fois dévoilées, pourraient forcément entraîner la chute de l'empire et de ses souverains. Minji. Aux traits figés dans les souvenirs, déformés par les photos qui défilaient sur son fil d'actualité et lesquelles il appuyait machinalement, en allégeance à la reine déchue, davantage pour ensevelir à coups de selfies ce qu'il aurait tant aimé chasser de son esprit et qui, pourtant, s'accrochait désespérément aux tourments de sa culpabilité.

mais voilà que tes pieds franchissaient, à l'instant, le seuil d'un coffee shop bostonien. si tes traits demeuraient impassibles, ton coeur lui, s'emballait d'une nervosité sans nom. t'en voulait-elle ? avait-elle changé ? quelles étaient les motivations de son départ ? de son silence radio ? ces années s'étaient écoulées dans l'ignorance, mais jamais tu n'avais oublié l'expression sur son visage de poupée, ni même l'image de sa fuite. et lorsque tes yeux parcourent l'ensemble de la salle, où s'attablent ici et là quelques groupes, c'est à son regard que tu t'accroches, et le temps s'arrête, fait un bond des années en arrière. c'est le vertige. Minji, qu'il souffle en s'approchant, la tête penchée, le corps s'arquant vers elle pour la saluer. le malaise était palpable. comme deux inconnus qui ne savent pas briser la glace.

@Minji Bang

il a toujours ce même regard. deux opales qui t'observent avec intensité, te donnant la sensation qu'il pourrait presque lire dans tes pensées, dans ton coeur, dans ton âme. des iris que tu croisais autrefois quotidiennement, parmi ceux d'un groupe auquel il se fondait sans mal et pourtant semblait toujours en marge. tu n'as jamais réellement su déchiffrer les émotions qu'ils reflétaient, principalement par manque d'intérêt. trop concentrée sur ta propre personne pour te soucier d'autrui, pourtant toujours désireuse de lui plaire. à lui comme aux autres.

ton prénom résonne étrangement lorsqu'il le souffle entre ses lèvres. un instant de flottement plus tard, tu te rappelles des bonnes manières qu'on t'a inculquées - du masque qu'on t'a appris à porter - et un léger sourire se dessine sur ton visage, celui-là même que tu as répété des milliers de fois, dans une chorégraphie parfaitement millimétrée. « ça fait longtemps mais tu n'as pas beaucoup changé. » l'invitant d'un geste de la main à s'asseoir à tes côtés, tu poursuis la conversation d'un ton léger pour en maintenir le contrôle. tant que tu mènes la danse, il ne peut s'aventurer là-bas. « qu'est-ce qui t'amène dans le coin ? boston n'est pas la destination la plus intéressante qui soit lorsqu'on souhaite voyager mais peut-être as-tu un autre avis sur la question ? » la possibilité qu'il puisse être là à cause de toi est une idée que tu n'as jamais envisagée. votre amitié n'a jamais été suffisamment importante pour valoir un tel détour. à tes yeux.

Vous vous regardiez en chiens de faïence, décrochant chacun votre tour un sourire empreint d'une fausse cordialité. Tel un miroir, vous étiez tous deux le reflet de l'autre, vos regards ternes dissimulant des secrets bien enfouis, vos traits impassibles susurrant la promesse silencieuse d'une imminente trahison. Deux bêtes qui n'ont d'autre choix que de se renifler pour chasser la menace d'une éventuelle intrusion, pourtant incapables de baisser la garde érigée, doublement fortifiée, et qui prenait les allures de retrouvailles faussement réjouissantes. Et même si tu n'étais jamais parvenu à contourner ses défenses faites d'acier et de marbre, c'est tout comme si tu n'arrivais pas à sonder son âme. C'est au premier des deux qui flancherait le premier sous le poids des faux-semblants.

Je pourrais en dire autant de toi. Elle était belle, la Queen Bee. Elle l'avait toujours été. D'une beauté terrifiante qui n'échappait à personne, pas même aux plus téméraires. Comme la Gorgone qui pouvait pétrifier les mortels d'un simple regard. Tu suis la danse; pas de valse, de tango ou de slowfox que Minji menait en main de maître, aux aguets de l'épée de Damoclès qui planait dangereusement au-dessus de sa tête. Tu n'étais pas là pour la piéger, mais pour lâcher prise aux souvenirs qui le hantaient lorsque ton esprit se surprenait à divaguer vers les et si. Avec les si, on pourrait refaire le monde, as-tu souvent entendu confesser, telle la doctrine de ceux qui voulaient se libérer du poids de la culpabilité. Et si tu étais intervenu? Et si tu n'avais pas gardé le silence? Et si tu avais parlé? Et si tu t'étais vraiment fait du soucis pour elle, à une époque où le chacun pour soi avait plus d'importance que l'amitié. Je savais que tu étais ici, déclares-tu, sans jamais la quitter des yeux, guettant chaque grimace, chaque trait qui se déforme, chaque menace d'un sourire qui menaçaient de chasser l'absence d'émotion, le froid inébranlable de son visage de poupée. Je t'ai envoyé un message, auquel tu n'as jamais répondu. Ce qui n'expliquait pas la raison de ta venue ici, à Boston, qui n'avait rien des plus beaux attraits touristiques et qui n'aurait jamais fait partie de ton itinéraire, si tu n'avais pas trouvé le courage de dévier de ta trajectoire pour l'affronter, ici, à plus de dix milles kilomètres de l'endroit qui vous avait vu naître, grandir, mais surtout, mourir à petit feu.

@Minji Bang


NOTE POUR LES RÉPERTOIRES RP : Ce rp a été rédigé et envoyé le 9 octobre 2021, j'ai accidentellement supprimé la réponse en voulant faire mon répertoire. J'ai dû le reprendre à partir de Word et le reposter en date du 2 novembre. (J'ai la preuve si jamais )

tu te demandes encore si accepter son invitation était une bonne idée. poussée par la curiosité, l'envie de savoir ce qu'il est devenu, s'il a évolué depuis ces quelques années ou s'il est toujours ce même garçon un peu singulier, tu crains qu'il n'en profite pour te demander des explications. un récit que tu n'es nullement disposée à lui fournir mais tant que tu demeures maîtresse du jeu, il ne pourra t'ébranler. ses réponses d'ailleurs ne t'émeuvent guère et tu conserves ton sourire en continuant ton interrogatoire, déterminée à obtenir mieux qu'une demi-accusation en retour. « comme tu peux t'en douter, j'ai changé de numéro quand j'ai quitté séoul. mais tu n'es pas venu jusqu'ici juste pour obtenir une réponse à un message, n'est-ce pas ? raconte-moi donc, je suis toute ouïe. » message dont tu n'as par ailleurs aucun souvenir. il est fort probable qu'il se soit noyé dans la masse de ces conversations que tu n'as plus jamais ouvertes après cette fameuse nuit. tu portes ton latte à tes lèvres pour en prendre une gorgée, sans pour autant quitter ton ancien camarade des yeux. tu le trouves plus beau que dans tes souvenirs, plus mature, plus sérieux. ses cheveux sont plus longs et sa carrure plus affirmée. ce ne sont que quelques petites subtilités, mais elles sont satisfaisantes à observer en attendant de découvrir si elles reflètent bien son identité.

Tu n'as pas mis de temps à nous effacer. Comme pour appuyer la superficialité des liens qui vous unissaient les uns et les autres. Aviez-vous jamais été des enfants, ou votre innocence s'était-elle ternie au fil des larmes balayées sur les joues satinées, au rythme des réprimandes qui se sont succédées, cicatrices amères signées de la main de ceux qui vous avaient donné la vie ? Quand étiez-vous entrés dans la cour des grands ? À quel moment vos rires cristallins s'étaient-ils estompés, jusqu'à se taire ? Était-ce au détour des promesses acidulées ou bien des mensonges mielleux ? Où vous étiez-vous égarés ? Quand aviez-vous perdu pied, pour sombrer dans une impassibilité assommante ? À la manière d'un serpent, tu t'étais départi de cette enveloppe d'écailles devenue trop petite, muant de l'enfance à l'âge adulte, sans doute bien trop vite, bien trop tôt, sans transition. Tu aurais pu la scruter pendant des heures, sans doute n'aurais-tu jamais su interpréter les histoires qui défilaient dans ses yeux. Étaient-elles douloureuses? Mélancoliques? C'est ce que ton imagination t'avait laissée croire toutes ces années, hantée par le souvenir du déclin abrupt, brutal de son règne. Tu as sûrement eu écho des rumeurs de fraude fiscale entourant ma famille. J'ai posé un ultimatum à mon père, qu'il n'a pu refuser. J'ai quitté Séoul pour explorer le monde, et j'ai atterrit ici. Sans doute attiré par la curiosité. Une aura de honte planait au-dessus des têtes de la famille Cho, et le départ précipité de l'unique enfant n'avait pas plu au paternel, ébranlant d'autant plus sa crédibilité et ses relations personnelles et professionnelles. Pourtant, malgré la sombre annonce, c'est l'esquisse d'un sourire qui se dessina sur tes lèvres. Peut-être te détendais-tu, malgré que l'échange préférait la contenance et les bonnes manières à l'amabilité des retrouvailles.
 
@Minji Bang

un cercle d'amis qui se côtoient depuis leur plus tendre enfance. ce sont sans nul doute les mots qui définissent le mieux ce que vous étiez, toi, daewon et les autres. mais quel sens donner au mot amitié lorsqu'elle rime trop souvent avec superficialité ? des relations de connivence, imposées par le microcosme élitique dans lequel vous évoluiez, arrangées par des familles qui reproduisent ce que leurs aînés leur ont inculqué. gamins prêts à se soutenir et s'entraider tant que les règles sont respectées, prompts à dégager celui ou celle qui oserait dévier du chemin tracé. au milieu des sourires feints et des étreintes forcées, de réels éclats de rire et des instants de complicité partagés, un fardeau commun sur vos épaules à porter et des émotions en vrac que vous peinez à gérer. des années et des années à se fréquenter, pour que les liens soient soudainement brisés au détour d'une soirée trop arrosée. fracture brutale, unilatérale qu'il te reproche aujourd'hui ((peut-être avec raison)) et sur laquelle tu ne souhaites guère t'attarder, rebondissant plutôt sur le scandale financier auquel sa famille a été mêlée. « j'en ai entendu parler effectivement. ça n'a pas dû être facile. » épée de damoclès au dessus de chacune de vos têtes, secret de polichinelle pour tous ceux de votre monde. tu ne te laisses aller à aucun jugement et n'éprouves qu'empathie pour cette épreuve que lui et les siens ont dû affronter. « et ta curiosité est-elle satisfaite par ce que tu as vu jusqu'à présent ? » intérêt sincère pour ces voyages que tu n'as pu toi-même effectuer. méfiance conservée pour les raisons de sa venue jusqu'à ce petit café.