On dirait que t'as vu un fantôme | ft. Soan

Jeudi 09 Septembre 2021 21h00

C'était pas la joie. T'avais eu ta première journée de cours à Harvard et tu te sentais bizarre. T'avais l'impression de ne pas y avoir ta place, d'être comme un imposteur au milieu de tous ses étudiants. T'avais essayé d'appeler Jared pour savoir si tu pouvais le voir en sortant, mais aucune réponse. Et t'avais pas insisté. Parce que t'insistais jamais. T'avais finis par atterrir au People's Republik. Parce que t'y connaissais personne. Tu voulais être tranquille sans qu'on vienne te demander quelque chose. Sans qu'on vienne s'inquiéter pour toi. T'en avais marre de faire semblant pour ne pas que les gens s'inquiète alors qu'en vérité tu voulais juste que tout s'arrête. Tu prenais place au bar demandant une bouteille de whisky irlandais au barman. Il te lança un regard suspect avant de te laisser la dite bouteille. Tu la regardais un long moment avant de te servir un verre que tu attrapais entre tes mains sans pour autant y toucher. Le regard ailleurs, tu t'étais perdu dans tes pensées. Quand on faisait le point de ta vie on pouvait dire qu'elle n'était pas brillante : tu n'avais aucune idée de l'endroit où était ta fille, ton meilleur ami avait manqué de mourir par ta faute, ton mec était allé en prison et finalement il était mort, ton frère de cœur t'abandonnais pour une meuf, tu avais eu l'idée folle d'entrée à la fac alors que tu ne savais même pas si tu avais le niveau...le seul point positif c'était sûrement que tu avais récupéré l'usage de ta main. Tes yeux se posèrent alors sur la dîtes main où se trouvait ta bague et celle d'Hendrix, hors de question de les séparer. Un léger sourire apparu sur tes lèvres tandis que tu contemplais les deux bagues. Tu attrapais le verre pour le boire cul sec, avant de t'en resservir un auquel tu réservais le même sort, puis un autre, suivis d'un autre et encore un autre, il fallait que tu t'anestésie le cerveau. La soirée allait être longue, comme toutes celles depuis le début du mois d'août. Toutes celles où tu avais besoin d'aide pour oublier que se soit grâce à l'alcool, grâce aux drogues ou grâce au sexe. Se soir se serais l'alcool. Tu étais trop maussade pour passer la soirée avec quelqu'un.

Recommencer à vivre de manière tout à fait normale. Se lier à la population quand t'as passé les dix derniers jours comme un ermite. Ne croiser des visages inconnus dans l'enceinte de ce lieu où on t'a nommé co-gérant. Se galvaniser en frôlant des corps. Flirter sans passer le stade des draps froissés. Voler. Faire ce que tu fais de mieux. Voler un baiser et s'échapper avec des billets plein les poches. Se glisser sur la piste du nightclub et observer qui n'est plus en état de comprendre que l'alcool lui a fait perdre la notion de son fric. Toutes les nuits se ressemblent ou presque. À l'étage ou au sous-sol, le résultat est le même.
Ce soir, pas de combats encore prévus. Rester à l'étage supérieur, tapis dans l'ombre. Le voir. Coeur qui s'agite. Détourner les yeux mais ne pas y parvenir. Qu'est-ce qu'il fout là, dans ton terrain de jeu, lui qui ne fréquente jamais ce genre de lieu ? Marmonner. Et merde. Tu joues avec ta chaîne nerveusement. Il picole. Un verre. Deux verres. Cinq. Sept. Il est temps de passer derrière lui. De t'installer à ses côtés. « Picoler changera rien à tes tourments. Tu vas les oublier et demain, ils vont te rattraper encore plus fort. » Demander un whisky glace sans le regarder.

Tu stop le verre qui s'apprêtait à rejoindre tes lèvres à mi-course. Cette voix. Cette voix tu la connais...Mais non...Impossible. Totalement impossible. Ton cerveau te joue des tours. Tu bois le verre d'une traite avant d'oser un regard dans la direction du jeune homme qui est venu vers toi. Ton cœur loupe un battement. On dirait lui. Il lui ressemble mais en différent. De toute façon se n'est pas lui. Il n'est plus là. "Qu'est-ce que ça peut te faire ?? T'as aucune idée de mes tourments. Et je l'ai payé cette bouteille." Tu lui lance un regard en coin avant de te resservir un verre. Au moment de l'apporter de nouveau à ta bouche ta manche se relève légèrement et tu vois la cicatrice qui orne désormais ton poignet. Tu te mords la lèvre avant de chuchoter plus pour toi même que pour le brun à côté. "J'ai promis que je ferais plus de bêtises...je devrais pas être là..." Un sanglot t'échappe, tu descend ton verre avant d'attraper la bouteille pour t'éloigner. Vacillant en raison de l'alcool qui coule dans tes veines. Tu bouscule plusieurs personnes en avançant, tu t'en fou, il faut que tu sorte, t'as besoin d'air tout à coup. T'arrive finalement dans la rue devant le bar, tu t'éloigne un peu et essaie de respirer, tu porte la bouteille à tes lèvres avec l'idée d'en vider le plus possible. T'as besoin d'oublier. De mettre ton cerveau en pause.

Est-ce à cause de toi qu'il est dans cet état ? A cause de cette fausse mort, de ta présence pourtant à ses côtés ? T'avais voulu le libérer du fardeau de ton emprisonnement, mais faut croire que t'as fait que de la merde en simulant ton décès. Ca te fait du mal, mais tu te forces à rester impassible. Parce que t'es pas sensé être celui que tu n'es plus. La main glisse sur ta barbe et tu fixes ses mains. Ta bague est toujours là. « Si j'écoute le sens des affaires, t'as raison, j'devrai en avoir rien à foutre que tu te bourres la gueule. Si j'écoute un peu ma conscience, j'ai pas envie d'apprendre que tu t'es vautré et que t'es mort en sortant d'ici. J'en sais peut-être rien, ou j'en sais plus que ce que tu crois. » Tu bois ton whisky cul sec quand tu l'entends marmonner. Il s'échappe. Te laisse là, comme un con. Ton regard le suit à travers la foule, et tant pis pour la couverture. Il mérite de savoir. Tu sors, tu le cherches du regard. Le trouve enfin. Cigarette qui se coince entre tes lèvres, le zippo éclaire un peu plus ton visage. Tu t'approches de lui, saisis son bras et l'entraine dans la ruelle à côté, là où personne ne peut vous surprendre. « Arrête tes conneries, O'Callaghan. Regarde moi. Regarde moi deux putains de minutes. » Main qui se glisse sur ton cou, chaîne qui sort à nouveau de ta chemise. La bague, toujours là, avec toi. Tu lui montres. T'as le coeur qui bat trop vite, trop fort. Est-ce que tu vas pas empirer son état ?

Tu pensais qu'il te laisserais. Mais non, il te répond. Et t'as juste envie de lui dire de se taire. Qu'il arrête de parler parce que sa voix ressemble trop à la sienne et que ça te fais trop mal de l'entendre. Tu grimace avant de lui répondre : "Qu'est-ce que ça peut te foutre que je me vautre ou bien que je crève. On se connaît pas. Et j'ai envie de te dire tant mieux si j'y passe." Tu lui lance un sourire en coin comme pour le défier de répondre. Mais tu ne lui en laisse pas vraiment le temps, tu te sens pas bien t'as besoin de sortir. Il faut que t'oublie ce mec. Que t'oublie sa ressemblance physique, sa ressemblance vocale, même son odeur est la même que la sienne. Il faut que tu t'éloigne, mais apparemment il ne l'entends pas comme ça. Il t'attrape le bras manquant de te faire t'étouffer avec ton whisky et t'entraîne dans une ruelle plus loin. "Je suis pas pédé alors si t'as envie de baiser quelqu'un va voir ailleurs." Tu t'apprête à reculer pour le planter là quand ça voix s'élève un peu plus forte que tout à l'heure. Tu te fige en entendant ton nom. Comment il peut le savoir. Tu ouvre la bouche pour lui demander et aussi pour savoir pourquoi il te cris dessus quand il te montre quelque chose qui pend autour de son cou. Tu met quelques secondes à comprendre de quoi il s'agit et lorsque tu la reconnais t'as l'impression que tout bascule. Tes doigts lâchent la bouteille que tu tiens encore qui se fracasse au sol. Tes yeux s'écarquillent sous la surprise. T'as un haut le cœur comme si t'allais vomir tes tripes. "Non...non...non c'est pas possible...non...non...tu...t'es mort...TU ES MORT !!" Tu éclate alors en sanglot incapable de te contrôler répétant sans cesse la même phrase. Que c'était impossible, qu'il était mort. Et tu ne sais pas si tu essais de te convaincre toi ou bien lui.

Il est sérieux, à faire sa tête de con là ? Il est vraiment devenu comme ça, depuis que t'es plus là ? Ce gars morose, paumé, qui s'en bat les couilles de tout ? Ou c'est l'alcool qui le rend mauvais, d'un seul coup ? T'as pas le temps de répliquer quoi que ce soit à sa provocation qu'il s'est tiré. Tête de nœuds. Tu peux pas te résoudre à le laisser dans cet état. C'est plus fort que toi. Perte de contrôle à son paroxysme. Les nerfs qui se ressentent à ton pouls qui cogne dans ton corps. Si bien que, lorsque tu saisis son bras pour l'entrainer, ton regard est froid, presque méchant. Yeux qui se lèvent au ciel quand il sort cette phrase qui t'énerve au plus haut point. « Ferme ta gueule, tu veux ? » T'as pas les mêmes souvenirs de lui, visiblement. Mais ça, tu te gardes bien de le dire sur le moment. La bouteille éclate à ses pieds et le whisky éclabousse tes chaussures. Rien à foutre. C'était peut-être pas une bonne idée, mais maintenant, c'est fait. Et ça te défonce à l'intérieur de le voir comme ça. C'était pas ce que tu voulais. Tu poses tes mains sur ses épaules, ton front contre le sien, pour tenter de l'apaiser. C'est peut-être pire, mais tant pis. « Tommy, calme toi, s'te plait. Tu vois bien que j'suis pas vraiment mort. L'ancien moi l'est. J'm'appelle plus Hendrix O'Conner, j'm'appelle Soan Kaine. J'ai changé de vie, de nom, de physique, mais j'suis toujours là. J'suis devant toi. Mais j'veux pas que tu m'appelles Drix quand tu m'vois dehors. Tu peux faire ça ? » Tu parles doucement, tu caresses son visage du bout des doigts. « J'suis désolé, Tommy.. pour tout. »

En réalité se que t'as envie de lui dire c'est que t'es déjà amoureux. Amoureux de quelqu'un qui reviendra pas et qu'il lui ressemble trop et que ça te fais mal de l'avoir près de toi. Et puis la révélation te frappe comme un coup de poignard en plein cœur. Cette bague autour de son cou, elle ne peut être qu'à toi. C'est la tienne. Alors s'il l'a autour du coup ça veut dire que...non...non t'ose pas espérer ça. T'ose pas te dire que ça peut être vrai alors tu nie. Tu secoue la tête de droite à gauche et soudain tu sens des mains sur tes épaules et un front contre le tiens. Tu entends des paroles dont tu ne comprend pas tout. Tes larmes redoublent tandis que tu te rend compte qu'il dit vrai que ça ne peut-être que lui. "Comment...comment t'as pu ??!! Comment t'as pu faire ça ?? Je...J'ai été dans une putain de morgue pour reconnaître ton corps !! J'ai assisté à ton enterrement !! Putain j'ai passé des jours après ça à essayer d'oublier dans la l'alcool !! Tu...est-ce que je comptais si peu à tes yeux pour que tu fasse ça ?? Est-ce que j'étais une merde au point de pas mériter des explications ??" Tu ferme les yeux malgré toi lorsque ses doigts caressent doucement ton visage et qu'il te dit qu'il est désolé. "Prouve moi que c'est toi...j'ai besoin d'être sûr que c'est toi Drix...et pas un putain de rêve ou une fucking illusion à cause de l'alcool" Oui t'avais besoin d'être sûr que l'homme devant toi était bien l'homme que tu aimais.

Le voir comme ça te fait serrer les mâchoires et baisser les yeux. T'étais pas prêt à subir ça. T'étais pas prêt à le revoir si tôt. À affronter la douleur que t'as provoqué dans sa vie en faisant croire que tu avais perdu la tienne. Lèvres pincées, tu écoutes ses questions. Ses accusations, peut-être. Tu fais en sorte de ne pas tellement crisper tes doigts sur ses épaules. Tu fais en sorte de rester le plus stoïque possible. Comme lorsqu'on t'a intégré dans la famille. Subir sans broncher. « J'avais aucune idée de cette évasion. J'avais aucune idée de ce qu'était la cavale. Me faire passer pour mort, c'était l'occasion d'être à nouveau libre. Ce.. c'était pas mon corps. J'sais pas comment ils ont fait pour parfaire l'illusion. Ça n'a rien à voir avec toi. J'ai pas arrêté de penser à toi, en cellule ou une fois que j'étais dehors. J'étais même pas sûr de revenir sur Boston un jour, putain. J'pouvais être envoyé partout ailleurs. » Tu regardes partout autour de vous, être sûr que personne n'observe, n'écoute. Rien à déclarer. « J'sais pas quoi te dire pour que tu me crois. » Parler ne rime à rien, cette fois. Alors tu prends sa main et tu la poses sur ta cage thoracique. Boom boom. Sent-il la mélodie qui se joue ? Boom boom boom. Le coeur qui s'agite quand tu approches tes lèvres des siennes ? Boom. Boom. Boom. Boom. Symphonie, quand elles entrent en contact. Comme la première fois. Comme la dernière fois. « Tu me crois, maintenant ? »

T'as l'impression que c'est lui sans être lui et ça t'agace. T'as besoin du vrai Drix. Celui que t'as connu quand vous aviez quinze ans. Celui que t'as aimé depuis. T'as envie de le voir réagir comme il est censé réagir et pas se comporter comme le putain de glaçon que tu as en face de toi. Ta main remonte le long de sa mâchoire pour en dessiner les contours comme pour être sûr qu'il s'agit bien de lui. "Pourquoi tu t'es enfuis ?? Pourquoi tu m'as pas dis que t'allais t'enfuir ?? J'aurais pu t'aider..." Tu as l'impression qu'il est tendu, tu le voix regarder autour de lui un peu partout. Tu fronce les sourcils. "Qu'est-ce qu'il se passe Drix ?? De quoi tu parle quand tu dis envoyé n'importe où ?? Explique moi !!" Tu comprenais pas et ça t'énervais. T'as besoin d'être sûr qu'il s'agit de lui même si apparemment il ne sait pas comment te le prouver. Ta main se retrouve posé sur sa poitrine et tu sens les battements de son cœur. Et tu sens se même cœur qui s'accélère lorsqu'il pose ses lèvres sur les tiennes. Tu garde un instant les yeux fermés lorsqu'il se recule pour te demander si tu le crois. Finalement tu les ouvres et tu te plonge dans son regard, ce regard que tu connais par cœur, ce regard qui ne peut qu'être à lui. "C'est toi..." Tu retiens difficilement un sanglot avant de te jeter dans ses bras, passant tes mains derrière sa nuque pour l'embrasser encore une fois, plongeant ensuite ton visage dans son cou pour respirer son odeur. "Tu m'as tellement manqué putain...c'était tellement horrible...ne fais plus jamais ça...je veux plus te perdre comme ça..." Tu te serrais un peu plus contre lui comme si tu avais peur qu'il se volatilise. Et en réalité tu avais peur de ça. Qu'il ne soit qu'un rêve, qu'il s'en aille, que tu sois de nouveau seul sans lui. Et ça aurait été encore plus douloureux après ça.

Pourquoi. Cette question qui revient sans cesse. Pourquoi, comment. Si tu avais ces réponses, tu lui dirais, parce que tu lui fais confiance. Parce que t'as été plus loyal que n'importe qui en prenant tout sur toi quand on t'a coffré. Parce que ce qui vous lie depuis toutes ces années est intarissable. « J'savais pas que j'allais m'évader au moment où on a pu se parler. J'savais pas quand ni comment ça allait se passer après, ni même si ça allait vraiment se faire. Un gars qui connaissait du monde dehors et ça s'est réglé. C'est tout ce que j'peux te dire. » Un Leanabh qui a vu ton potentiel. Voilà comment ça s'est passé. Un Leanabh qui voulait sortir et qui cherchait son issue car la liberté a un prix dans la famille. « J'm'appelle plus Drix. C'est Soan.. Dehors, en public, c'est Soan.. s'il te plaît. » Tu t'approches de son oreille et tu murmures doucement « Je suis.. un homme nouveau, qui roule pour d'autres. C'est tout ce que tu dois savoir. Le Trèfle.. c'est fini pour moi. » Visage impassible et esprit tourmenté. Baiser donné à l'homme qui fait battre ton coeur, comme une renaissance, ou peut-être la fin d'une ère. T'en sais rien, mais ça te fait du bien. T'avais besoin de ça. De faire taire ce manque omniprésent. Étreinte donnée, visage penché dans son cou. « J'ferai de mon mieux pour pas vraiment mourir avant longtemps, promis... Et si j'dois partir parce qu'on m'envoie ailleurs, j'te préviendrai. J'trouverai toujours un moyen de te retrouver. » Ta main se perd dans ses cheveux, avant de ricaner. « T'étais sérieux à faire ta tête de con tout à l'heure, à dire que t'étais pas gay ? Parce que t'as vite changé d'avis. »