ROXANNE L. KERRY ► Emily Browning

Ta main vernie de rouge descend sur ma joue. Elle caresse un moment la chair douce et potelée, ronde comme une pêche et aussi douce que le fruit. Puis elle dérive vers mon menton, difficile à apercevoir derrière mon bavoir couvert de motifs denses et vieillots. Tes doigts légers remontent doucement vers ma bouche, vers mes lèvres potelées couleur cerise qui, entrouvertes, laissent voir des gencives parfaitement lisses. Je pousse un gémissement, je réclame. Tu comprends ma faible plainte, et tu détiens dans ta main gauche l'objet de ma convoitise. Mais, pour le moment, tu joues, tu me fais languir. Ton index se promène rapidement sur mes lèvres avant de pénétrer à l'intérieur de ma bouche. Tombée dans le piège. Mes lèvres se referment aussitôt, mécaniquement, et je tète avidement ton doigt stérile. Ce n'était qu'un leurre, qu'un piège destiné à me tromper. Femme vile, génitrice toute-puissante et cruelle, tu m'as attirée dans ta ruse.
La réaction ne se fait pas attendre. J'ouvre les vannes. Ca t'apprendra à te jouer de moi, sorcière. Les larmes descendent aussitôt de mes yeux, roulent sur mes joues à un rythme effréné. Ma bouche est à présent grande ouverte, délaissant ton doigt pour pousser un cri strident, symbole de mon désespoir, de ma frustration. Mes hurlements emplissent la pièce. J'agite mes petits poings impuissants dans ta direction, je me veux menaçante même si je sais que je n'ai aucune chance contre toi. En combat singulier, seule à seule, tu me bats à plate couture. Tu domines notre duel grâce à tes facultés hors du commun, des capacités que je ne maîtrise pas. Et surtout, ta main gauche. Celle qui tient l'objet de mon désir impérieux, la satisfaction de toutes mes envies et la consolation de toutes mes peines.
Tu l'agites au-dessus de ma tête. Vile tentatrice, tu me le montres et le rends inaccessible. Dans tes serres rouges comme le sang, je vois briller mon remède. Il semble m'appeler, et je l'appelle de mes bras tendus et de mes halètements impatients. Tu l'agites, et une goutte blanche vient se déposer sur ma joue mouillée de larmes. Elle coule doucement le long de mon visage, et tu la regardes se perdre dans les plis de mon cou avec satisfaction. Tu savoures ta victoire, tu anticipes le moment où tu subviendras à mes besoins. Tu approches doucement l'objet de mon visage, pointé si ce n'est braqué vers moi. Je tremble en attendant le moment fatidique de la rencontre. Une goutte tombe de la tétine bénie et se niche sur ma lèvre supérieure. D'un rapide mouvement de langue, je récupère le précieux liquide, que je savoure. J'en veux plus. Mes lèvres avides l'ouvrent à nouveau. Ma bouche béante est prête à recueillir le don.
Et soudain, c'est la délivrance. La rencontre avec mes lèvres qui se solde par une explosion de bonheur. Le flot nourricier se déverse dans ma bouche et je m'en repais goulûment jusqu'à satiété. Pendant ce temps, tes mains protectrices ne restent pas inactives, puisqu'elles me procurent mille caresses affectueuses, mille gestes agréables. Je ferme les yeux et profite de cet instant de plénitude, d'amour et de satisfaction. C'est la première fois que je goûte au bonheur.

UCEY