L'histoireWelcome, Bienvenue... It's my world
Chapitre 1 – Novembre 1995 à Décembre 2002 – Cork en Irlande
« Les nouveaux artistes du moment, c'est le groupe Pretty Fusion tout droit venu de Galway (Irlande). Le trio fait sensation avec son tout premier album intitulé 'Put My Lipstick On'. Composé de Daniel Hyde à la basse, d'Harley Johnston à la batterie et de David Murray le chanteur poignant aussi présent à la guitare, ce trio est considéré comme les futurs patron de l'indie pop. Leur premier album nous captive et nous entraîne dans d'étonnantes surprises. Nous nous retrouvons dans une boîte à rythme grâce à la batterie, nous chaloupons des hanches grâce à la basse, nous fredonnons sans cesse grâce à l'électro qui nous reste en tête et nous succombons grâce à la voix envoûtante de David. Ces jeunes ne sont pas prêts de s'arrêter, moi je vous le dis. »
L’article était accroché sur l’un des murs de la caravane dans laquelle mon père passait la majorité de sa vie à sillonner les routes du monde. Eh ouais, mon père était le fameux David Murray, chanteur du groupe d’indie pop Pretty Fusion connu dans le monde entier. Cet article était le premier d’une grande liste qui s’étalait sur les murs de la caravane. C’était le premier qui avait trouvé sa place ici puisqu’il s’agissait du premier écrit dans un véritable journal. Cela avait eu un impact sur leur vie de musiciens. Pour retracer la vie de mon père, il suffisait de regarder ce mur. Des milliers d’autres articles – parfois même de simples titres – se trouvaient ainsi punaisés dans cette caravane qui était devenu comme le sanctuaire du groupe dans lequel papa chantait. Ce groupe qui commençait à se faire connaître et à atteindre la gloire tant rêvée. Mon père avait rencontré Daniel et Harley au lycée. Ils avaient commencé à faire de la musique comme n’importe qui sans doute. Ils avaient composé leurs premiers morceaux dans le garage de mon grand-père. Je suppose qu’on pouvait dire qu’ils avaient eu un coup de chance par la suite. Les gens avaient fini par les connaître. Ils avaient commencé à se produire dans de petits bars du village de Galway d’où ils étaient tous originaires. Et, au fil du temps, leur groupe avait prit de l’ampleur. Ils avaient commencé à voyager pour jouer dans d’autres salles. Comme un coup de baguette magique, un producteur avait fini par les repérer et avait voulu signer avec eux. Un contrat qui les engageaient à produire quatre albums. Mon père et ses amis n’avaient pas longuement hésité avant de signer et c’était le début de leur grande aventure. Une aventure qui allait changer leur vie de milliers de façon. Ils n’étaient que des adolescents qui avaient cru en leur rêve et, au milieu de ces années 90, ils connaissaient le succès. Les cris sur leur passage et les hystéries quand on les apercevait. Ils pouvaient vivre de leur passion, de leur musique et c’était parfait. Ce n’était que le début. Lorsqu’on se déplaçait dans la caravane les titres se succédaient pour vanter leurs succès comme toutes les arènes ou les stades qu’ils rendaient complet en des temps records. C’était la folie. Le moindre de leurs morceaux devenait un tube immédiatement. Chacun de leur album battait tous les records de vente. N’importe qui avait le nom de ‘Pretty Fusion’ sur les lèvres dès lors qu’on demandait UN groupe du milieu des années 90 qui avaient marqué les esprits. Avec leurs musiques et leurs attitudes. Après tout, les articles sur le mur de la caravane ne parlait pas que de ces succès musicaux. Ça mettait aussi en avant leurs histoires d’amour, notamment celle de mon papa et de celle que j’avais cru être ma mère.
« Le célèbre chanteur du groupe pop-rock Pretty Fusion est aperçu en compagnie d’une brune sexy en Espagne. Qui est-elle ? »
Il y avait eu des milliers de rumeur concernant l’identité de cette fille et la relation qu’elle pouvait entretenir avec mon papa. Les garçons qui rêvaient d’être mon père balançaient qu’elle était sa copine. Les filles qui rêvaient de se marier avec mon père défendaient le fait que ce n’était que quelqu’un qui travaillait pour lui. Et, dans le fond, ils avaient tous raisons. Beth Moreno… C’était son nom. C’était son identité. Elle était une présentatrice TV réputée en Espagne. Le genre de personne difficile d’accès si on ne travaillait pas dans le milieu de la célébrité. Elle était LA présentatrice chez qui il fallait être invité en Espagne. Beth était la référence inévitable et rêvée de beaucoup avec ce corps de déesse qu’elle affichait sans le moindre complexe. Cependant, au-delà de ce côté, Beth était une vraie femme d’affaire et elle ne se laissait pas faire. Alors, quand les Pretty Fusion avaient débarqué dans son bureau pour la rencontrer et savoir comment l’émission allait se passait, elle n’avait pas pu s’empêcher de les recadrer. À cette époque, les amis de mon papa et mon père lui-même étaient tous un peu fous. C’était le début d’une aventure, le début des privilèges et ça faisait vite tourner la tête. Beth s’était empressée de les redescendre de leur piédestal et je crois que c’est pour cette raison que mon papa était tombé amoureux d’elle. Je vais vous passer les détails de toute cette longue histoire – que je pourrais sans aucun doute vous raconter tellement mon père m’avait tout raconté de façon incessante lorsqu’il n’y avait plus de livres dans la caravane. Quoiqu’il en soit et pour faire plus condensé qu’une histoire qui pourrait s’étaler sur des milliers de page d’un roman à l’eau de rose un peu tordu peut-être, ma mère avait fini par tomber sous le charme de papa quelques temps après. L’émission s’était parfaitement déroulée. Et, après les avoir vu sur scène si proche d’elle, elle était tombée sous le charme.Un jeu de chat et de la souris s’était dessiné pendant quelques temps avant que le gros rapprochement n’arrive. Papa n’hésitait pas à prendre un avion en direction de l’Espagne à chaque fois qu’il avait du temps off. Et, petit à petit, ils avaient fini par former un couple solide malgré la distance et malgré les tromperies incessantes de mon père. Ces tromperies dont Beth était au courant. Lorsque cet article était sorti, Beth et papa était en couple depuis six mois, mais la nouvelle n’avait pas encore été officialisée. Ils préféraient prendre leur temps au cas où leur histoire ne dure pas. Ils ne voulaient pas faire scandale si ce n’était pas nécessaire. Cependant, quatre mois après cet article, mon père avait demandé Beth en mariage et leur relation avait été officialisée au grand jour. Beth Moreno et David Murray formaient le couple le plus en vogue de l’industrie. Une présentatrice TV et un chanteur tous deux foutrement beaux et talentueux. Ils étaient enviés et leur vie allait être encore plus enviée lorsqu’ils annoncèrent un heureux événement (oui vous avez bien deviner, c’était moi qui pointait le bout de mon nez). Beth n’était pas enceinte. Mais, l’une des multiples conquête de papa l’était. Une femme que je ne connaissais pas. Une femme qui avait commis un adultère et qui voulait se débarrasser de la preuve de celui-ci. Une femme qui ne me voulait pas et qui avait fait du chantage à mon père pour qu’il accepte de me garder. Papa était fichtrement angoissé à l’idée de ne pas être à la hauteur d’autant plus qu’il refusait d’abandonner son groupe. Beth était foutrement effrayée parce que je n’étais pas son fils et qu’elle n’avait pas envie de gérer ça. Elle n’avait jamais eu envie d’avoir une famille. Elle était persuadée qu’elle n’en aurait jamais une avec mon père sans cesse sur la route. Pourtant, les choses changeaient et mon père avait accepté de me garder. Le 17 Novembre 1995, je pointais le bout de mon nez dans une clinique privée à Cork – là où ma vraie mère s’était réfugiée un temps pour me mettre au monde et là où mon père et Beth s’étaient achetés une maison. Sur les papiers officiels, le nom de Beth Moreno avait été inscrit comme étant celui de ma mère. De façon officielle, elle occupait cette place pour tous même si ce n’était pas vrai et qu’elle n’en avait aucune envie. Pour être tout à fait sincère avec vous, je n’ai aucun souvenirs de toutes ces premières années de ma vie – enfin, c’est le cas pour n’importe qui de toute façon. Je n’étais qu’un enfant qui apprenait à vivre dans un monde de gloire et de protection. Au départ, papa était souvent à la maison. Des milliers de photographies en témoignaient. Cependant, au fil des années, il disparaissait des photos. J’étais tout seul à poser. Et, à chaque page tournée, ma vie semblait de plus en plus triste. Tant et si bien que n’importe qui aurait pu se douter de la fin de la belle histoire. De la fin de cette famille.
« SCANDALE : David Murray et de Beth Moreno se séparent »
C’était inévitable. Beth ne pouvait plus vivre sans mon père à me gérer toute seule car elle mettait sa vie professionnelle de côté et ça n’allait plus. Quant à papa, il refusait de cesser d’être sur les routes. À chaque fois qu’il rentrait à la maison, il se disputait avec Beth et passait des heures fermé dans ma chambre avec moi. Des heures pendant lesquels il me contait des histoires et jouait avec moi comme un père l’aurait fait. J’avais cinq ans lorsque mes parents ne parvinrent plus à gérer cette situation. J’avais cinq ans lorsqu’ils décidèrent de se séparer. Au vu de la vie de mon père, il était clair que j’aurai dû rester en présence de Beth, ma mère sur les papiers. J’aurai dû vivre avec elle et c’était ce qui s’était fait au départ. Pendant quelques mois, j’avais vécu avec elle La jolie Beth Moreno qui semblait si parfaite. La magnifique Beth Moreno sur les tapis rouge et dans son décor de télévision. Mais, moi ? Moi, j’étais oublié à la maison. J’étais délaissé pour sa gloire. Et, lorsqu’elle rentrait trop épuisée ou avec un homme, il fallait que ce soit les femmes de ménage qui s’occupent de me préparer à manger et de me mettre au lit. Au fil des mois, je perdais Beth et ça ne fonctionnait pas. Papa avait fini par se rendre compte de ce qui se passait. Il venait toujours me voir souvent. Il avait rapidement pris conscience de mes conditions de vie auprès de Beth. Alors, sans plus réfléchir et malgré sa vie de super star, il avait posé un dossier pour demander ma garde totale sans aucun droit de visite pour Beth. Malgré son statut, le dossier avait mit un temps fou pour passer devant un juge. Un juge qui aurait préféré donner ma garde à Beth. Elle était riche, elle était célèbre, elle avait de l’influence et elle était toujours trop belle. Alors, bien sûr, la tentation était de laisser un enfant avec sa mère encore plus lorsqu’elle restait dans une même ville alors que mon papa était sans cesse sur la route et que ce n’était pas une vie stable pour un enfant. Ma garde avait alors évidemment était remise à Beth et papa avait fait appel. Il avait fallu attendre que j’ai sept ans pour que l’affaire soit de nouveau jugée et, cette fois, Beth n’avait pas pu gagner. Pas alors que je pouvais parler et avoir des souvenirs comme les fois où elle levait la main sur moi parce que je demandais simplement un autre gâteau ou que je lui demandais si elle pouvait jouer avec moi. Il y avait des marques sur ma peau et je n’étais qu’un gosse alors je ne pouvais pas mentir à un juge encore moins en sachant ce qui était en jeu. On m’avait cru et papa avait obtenu ma garde totale. Beth allait devoir subir des examens avant d’éventuellement avoir un droit de visite si elle le voulait. Autant vous le dire, c’était la dernière fois que j’avais vu le visage de Beth. Elle n’avait jamais cherché à me voir et c’était sans doute mieux ainsi. Ma nouvelle enfance commençait sous les titres de journaux qui disaient que ma mère m’avait battu et que papa avait obtenu ma garde. Ma nouvelle enfance commençait et je me fichais des ‘on dit’, je voulais juste être un enfant.
Chapitre 2 – Janvier 2003 à Décembre 2010 – Sur les routes du monde.
Et j’avais eu l’occasion d’être un enfant de la meilleure des manières. Je vivais sans aucun doute l’enfance rêvée de tous – enfin c’était ce que je me disais car à mes yeux, tout ressemblait à un rêve éveillé. C’était tellement parfait même si nous étions trop souvent sur les routes. J’étais le fils du chanteur d’un groupe et ça me donnait un statut si privilégié que j’avais du mal à y croire. Tout le monde était toujours à mes petits soins. Je ne manquais jamais de personne pour jouer avec moi à tout ce que je voulais. Il y avait toujours quelqu’un et je ne passais jamais plus d’une dizaine de minutes sans éclater de rire. Les autres membres du groupe étaient devenus comme des tontons pour moi. Ils s’occupaient de moi presque aussi bien que mon papa le faisait. Parce que ouais, malgré sa vie de star, papa ne perdait pas ses petits rituels avec moi. Nous mangions toujours notre bol de céréales tous les deux en essayant de faire le mot le plus long avec les lettres dans notre bol. Nous regardions toujours un film le soir avant que j’aille au lit en grignotant des tartines de Nutella que mon papa préparait avec soin et découpait en triangle. Je n’allais jamais l’avouer à haute voix, mais au jour d’aujourd’hui, même beaucoup plus vieux, si quelqu’un agissait de cette manière avec moi, c’était quelqu’un qui me connaissait et savait comment me réconforter. J’avais le droit d’assister à tous les concerts depuis les coulisses. Je regardais avec fascination mon père évoluer sur la scène. J’étais toujours surpris des cris et des hurlements. Il y en avait même sur mon passage. Lorsque les gens m’apercevaient, ils hurlaient aussi et je me cachais bien souvent dans les bras de la personne qui me tenait. C’était la seule grosse règle qui existait : dès lors qu’il y avait du monde, je ne devais pas marcher tout seul. Ça avait fonctionné pendant deux ans. Après, il avait bien fallu que je grandisse. Je restais à côté de mon papa, de la maquilleuse ou des managers, mais je devais le faire tout seul. J’étais sûr et certain que les fans du groupe avait des photos de moi alors que même moi je n’en avais pas tant que ça. Je préférais vivre l’instant présent plutôt que de le capturer sur une pellicule. J’aurais peut-être mieux fait de le faire pour ne jamais perdre ces si beaux souvenirs. Ma seule obligation en vivant de cette manière avec papa était que je ne perde pas de vue l’éducation et je suivais donc des cours avec un professeur qui nous suivait sur la route. Tous les matins, j’étudiais sagement et je savais qu’après j’étais libre.
Libre pour aller voguer dans les rues de ces villes inconnues. Libre pour faire tout ce que je voulais. Grâce à mon jeune âge, j’avais rapidement acquis les bases de la majorité des langues. Ainsi, je savais tenir un minimum de conversation en Allemand, en Espagnol, en Italien, en Français, en Chinois, en Russe et en Néerlandais. Papa était déjà fier de moi pour toutes ces langues et des cours que je suivais avec assiduité et sans faire d’histoire. Je ne m’étais pas limité à ces apprentissages. Bien vite, j’avais voulu rejoindre les répétitions du groupe. J’observais les mouvements sur la scène. j’observais les mouvements avec les instruments et la relation avec le micro. J’observais les mouvements de danse et je n’hésitais pas à en reproduire quelques uns de façon enfantine au fond de la scène. Ça déclenchait souvent les rires car je me dandinais plus que je ne dansais, mais c’était amusant. Ainsi, petit à petit, j’avais pris ma place dans le monde de la musique. Papa avait accepté de m’apprendre à jouer de la guitare. Et, j’apprenais même la basse et la batterie. J’avais droit à des cours de danse et même à des séances avec le coach vocale du groupe de mon papa. C’était tout ce dont un enfant pouvait rêver. Enfin, un jeune adolescent parce que, même si nous ne nous posions jamais bien longtemps à un endroit, le temps ne s’arrêtait pas pour autant et je continuais de grandir. Je ne cessais de devenir plus responsable et je découvrais toujours plus la vie. Je ne cessais jamais de me perfectionner dans mes cours, dans mes apprentissages musicaux et même dans la pratique de toutes ces langues qui n’étaient pas la mienne.
Ainsi, à mes treize ans, papa m’avait attiré à l’écart pour me faire une proposition. Le genre de proposition que j’aurais très bien pu refuser. Il m’avait fait comprendre que si c’était trop de pression pour moi ou si je ne m’en sentais pas capable, je pouvais refuser ou n’accepter que pour un temps. Ce qui comptait c’était que le groupe soit au courant de ma décision. Ce qui comptait c’était que je fasse ce qui me rendait heureux. C’était le genre de proposition à laquelle j’aurais pu dire non. Mais, merde, ça voulait aussi dire passer à côté d’une chance et d’une expérience enrichissante qui me tentait vraiment. Je voulais vraiment essayer. Alors, deux jours après la proposition de mon père, j’étais venu le voir pour lui dire que j’acceptais sa proposition. Et, à peine trois jours plus tard, elle s’étalait en gros dans tous les magazines, dans tous les journaux et même sur internet. Les débuts d’Ange.
« Le jeune Ange Murray fera la première partie du groupe de son père Pretty Fusion pour leur prochaine tournée mondiale ! »
Et ouais, c’était ça la grosse proposition que je n’avais pas pu refusé. C’était ça qui était arrivé. Pendant plus d’un an, j’avais ainsi continué à sillonner les routes avec les Pretty Fusion, mais c’était totalement différent de ce que j’avais pu vivre au cours des dernières années. Je n’avais plus le même statut. Je ne subissais plus le même emploi du temps. Je n’étais plus simplement l’enfant ‘fils de la star’. J’étais devenu une star moi aussi même si je n’avais aucun album en préparation et que ce n’était pas quelque chose qui semblait être au programme – surtout pas dans l’esprit de mon père. À chaque fois que je tentais d’aborder le sujet, il refusait purement et simplement alors j’avais fini par laisser tomber. Après tout, ma vie était déjà si belle. Je n’allais pas en plus demander la lune et me plaindre. Pendant toute la tournée mondiale, j’étais devenu une star moi aussi. Je passais des heures en salle de répétition. Je passais quelques temps sur la scène devant un public absent pour répéter. Je me faisais arrêter pour des photos et des autographes. J’avais des gardes pour me protéger dès lors que je quittais le cercle des VIP. Et, chaque soir, j’avais la chance de jouer devant des stades remplis toujours en folie. Je ne jouais qu’une dizaine de morceaux tout seul face à ce public, mais je me sentais tellement en vie et c’était suffisant pour moi. Je n’étais qu’une première partie après tout. Au départ, lors des premières dates, les gens ne me connaissaient pas vraiment en tant que star. Cependant, au vu des critiques et des articles, j’étais très vite devenu considéré comme autre chose que ‘le fils de’. J’étais devenu un artiste à part entière moi aussi avec un physique plutôt mignon, une voix d’ange, des pas de danse qui mettaient le feu, une énergie débordante et un contact avec le public foutrement délicieux. Je jouais principalement des reprises de chansons connues du moment permettant alors à n’importe qui de chanter et de danser avec moi. Je jouais ces morceaux que tout le monde appréciait. Et, au fil du temps, il m’arrivait de jouer une de mes compositions par-ci par-là. Je me souvenais m’être étonné et avoir pleuré sur scène lorsque, lors d’une des dernières dates, tout le public avait chanté ma chanson avec moi. C’était un sentiment que je ne pourrais expliquer et c’était le plus parfait des moments. Lorsqu’on tapait mon nom sur la toile, j’étais persuadé que des milliers de photos, de vidéos et d’articles de ces concerts sortaient bien trop vite.
Ce fut aussi à cette période qu’un article sur ma sexualité vit le jour. Un article qui était le résultat d’une interview où j’avais sans doute trop parlé des hommes plutôt que des femmes lorsqu’on me posait des questions sur qui j’admirais ou ce genre de choses. Les gens en avaient déduits que j’étais gay et papa m’avait conseillé de ne rien dire, de ne rien faire de compromettant. Je l’avais écouté et je m’étais contenté d’explorer ma sexualité dans la plus grande discrétion. Être une star et être le fils d’une star me permettaient bien des privilèges et j’avais pu profiter de tellement de soirées pour savoir où j’en étais. J’avais essayé les filles à cette période. La majorité d’entre elles étaient bien trop vulgaires. Elles tentaient toujours tout et n’importe quoi pour attirer mon attention. Je détestais ça. Certaines étaient différentes oui, mais elles étaient rares. Et, je m’étais bien vite rendu compte que même si être avec une fille pouvait me plaire, mon attirance pour les hommes était bien plus grande. Ça expliquait grandement mes fantasmes et mes rêves mouillés avec Daniel, le bassiste du groupe de mon papa. J’avais quinze ans, j’étais le fils d’une star, j’étais une star et je découvrais de plus en plus l’envers du décor de la célébrité. Les soirées qui s’étendaient au bout de la nuit, l’alcool, la drogue, les privilèges, les coucheries, les rumeurs, les photos incessantes, le manque de liberté… Autant dire que c’était la folie. Une folie qui allait s’arrêter.
Chapitre 3 – Janvier 2011 à Décembre 2013 – Belfast.
« Les Pretty Fusion font une pause. Le début de la fin ? »
Dès lors que la tournée mondiale des Pretty Fusion s’était terminée, le groupe avait annoncé qu’ils partaient pour une pause d’au moins deux ans. Ils avaient soufflé le mot de ‘pause’ comme s’ils allaient revenir à coup sûr, mais la majorité des gens que ce soit dans l’industrie musicale, dans le journalisme ou dans les fans étaient prêt à parier qu’il s’agissait de la fin du groupe. Et après presque vingt ans de succès, ça semblait presque trop logique. Le groupe m’avait pris à part pour m’expliquer le pourquoi de cette décision. Au delà du manque d’inspiration et de la fatigue dû à ce rythme constant de vie, ils avaient surtout envie de prendre du temps pour eux et pour construire leur vie autrement que par la musique. Après tout, cela faisait des années qu’ils sillonnaient les routes et qu’ils se donnaient corps et âme dans la musique au point de perdre tout le reste. Cependant, les années s’écoulaient et leur jeunesse s’évaporait avec le temps. Alors, ouais, ils voulaient pouvoir se poser pour réfléchir à de nouvelles chansons et pour prendre le temps de se construire une vie. Daniel désirait retourner passer du temps avec ses parents notamment en sachant que son père était gravement malade. Il envisageait également de trouver quelqu’un avec qui passer sa vie et il m’avait secrètement confié qu’il désirait passer de l’autre côté et produire de la musique. Il m’avait même proposé de produire mon premier album, mais j’avais décliné la proposition parce que je ne savais pas encore si c’était ce que je voulais faire de ma vie, si je voulais vraiment partager tout ce que j’étais avec le monde. Harley voulait, quant à lui, élever sa fille avec sa femme et avoir d’autres enfants. Papa avait prévu de nous installer à Belfast et ce fut pour cette raison que, dès que la conférence de presse prit fin, nous avions sauté dans le premier avion pour Belfast où papa avait acheté une énorme villa beaucoup trop grande pour nous deux. Une villa dans laquelle vivait déjà une autre femme, une femme que papa m’avait présenté comme ma belle-mère. Une belle-mère du nom de Naya avec qui je m’étais étonnement très vite bien entendu. Elle était plutôt gentille et elle cuisinait bien. Puis, elle rendait mon papa heureux et c’était tout ce qui comptait à mes yeux à ce moment. Un mois après notre installation dans notre sublime villa, papa m’annonça qu’il était temps pour moi de faire des choix pour ce que je voulais faire. Il me proposait de suivre des cours à la maison, mais il me proposait également d’aller en suivre dans le lycée de mon choix pour pouvoir vivre autre chose que la vie que j’avais vécu. J’étais un adolescent aventureux et curieux alors je n’avais pas hésité bien longtemps à dire à mon papa que je voulais aller dans un lycée et sans garde du corps. Ce fut pour cette raison que mon père choisit avec attention un lycée et qu’il s’assura à l’avance que je ne courrais aucun danger.
J’étais alors inscrit dans un vrai lycée et je découvrais un autre côté de la vie. Je découvrais quelque chose que je ne connaissais pas. Tout était si différent – enfin heureusement ce n’était pas non plus trop dépaysant. Les gens me connaissaient. Les autres élèves avaient connaissance de mon talent ou de l’identité de mon père. C’était pour cette raison que je n’avais jamais eu aucun problème dans cet endroit. Bon, bien sûr, tout n’était pas parfaitement rose et j’avais quelques ennemis. Mais, j’avais presque envie de dire que ça faisait parti de la vie normale de tout lycéens d’avoir au moins un ennemi en ces lieux. D’autant plus alors que je m’affichais clairement proche d’autres garçons et que ça poussait à la polémique. Et, comme c’était inévitable, beaucoup de personnes tentaient de m’approcher pour obtenir des faveurs ou des secrets à dévoiler à la presse. Il n’y avait qu’un lycéen qui restait si différent. Sacha Wade. Il était à côté de moi dans certains cours parce que j’étais arrivé après la rentrée et qu’il s’agissait de la seule place libre. Je sentais souvent son regard posé sur moi lorsqu’il était persuadé que je ne regardais pas. Et, je devais vous avouer que j’avais souvent mes yeux posés sur ce beau garçon qui ne cherchait jamais à me parler pour autre chose que pour les cours. Aucun intérêt pour qui j’étais ou pour ce que je pouvais apporter en popularité. Il voulait juste une bonne note en littérature, alors je me donnais à fond. Et, au fil du temps, Sacha et moi avions fini par nous rapprocher. Des heures passées ensemble à travailler. Des heures passées à parler. Des promenades pour rentrer chez nous au lieu de prendre les voitures qui nous attendaient. Des blagues qui n’appartenaient qu’à nous. Des moments uniques comme toutes ces fois où nous allions au cinéma ou encore ces moments que nous passions dans le parc alors qu’il tentait de m’apprendre le skate et que je lui apprenais la guitare. Des milliers de caresses. Des centaines de baisers. Des corps à corps. Ma vraie première fois faite avec amour et avec tant de sensations. En quelques mois, Sacha et moi étions devenu le couple phare et envié du lycée. Toujours à la mode, toujours si bien accordés, tellement complémentaires. Comme des âmes sœurs.
Un jour, Sacha m’avait entraîné dans la salle de cours où nous avions échangé notre premier baiser. Il était venu me chercher totalement surexcité et je l’avais suivi le sourire aux lèvres car j’étais prêt à le suivre jusqu’au bout du monde. Il m’avait poussé à m’asseoir à la même place qu’avant et il m’avait joué une ballade à la guitare sans faire la moindre faute. Il m’avait joué cette ballade avec des paroles qu’il avait écrites pour nous sans jamais me quitter des yeux. J’en avais eu les larmes aux yeux… Non… J’en avais carrément pleuré parce que c’était si touchant et si réel. Et, là, je me souvenais des moindres mots qu’il avait dit en s’approchant de moi et en attrapant ma main : « Ange… Je… J’sais qu’on est jeune et tout ce blabla, ton père me l’a déjà sorti, mais je sais aussi que tu es le seul. Je sais que tu es mon âme sœur et que je ne pourrais jamais vivre sans toi. Je veux passer le reste de ma vie à t’aimer… Alors je… Est-ce que tu veux m’épouser ? ». Il avait brandit une bague sous mon nez. Et, j’avais uniquement soufflé un ‘oui’ trop sincère et empli d’émotions parce que c’était ce que je voulais aussi. Je me souvenais des doigts tremblants de Sacha alors qu’il glissait l’anneau autour de mon doigt. Un anneau qui ne me quittait jamais. Je me souvenais du baiser que nous avions échangé dans cette salle. Lorsque j’étais rentré à la maison avec Sacha et cette nouvelle, papa avait été énervé pendant un temps. Quelques secondes seulement comme s’il faisait semblant. Il avait été rassuré de savoir que nous allions attendre nos dix-huit ans pour officialiser les choses et faire une vraie cérémonie. Après tout la vie s’étendait devant nous. Enfin, c’était ce que nous pensions.
Et ça avait été le cas pendant un temps. La vie avait suivi son cours sans faire de vagues. J’allais sagement au lycée. Je passais beaucoup de mon temps libre en compagnie de Sacha. Je m’étais mis à composer de trop nombreuses chansons pour lui. La vie avait suivi son long fleuve tranquille quand bien même je n’étais pas parfaitement sage. Non, je n’étais pas parfaitement blanc sur l’échiquier. Passionné par les voitures et la mécanique, passionné par le monde illégal avec lequel j’avais eu l’occasion de trop peu flirter plus tôt, je m’étais laissé entraîner par un groupe qui commettait des vols. Les Golden Clover. Je les avais rencontré ici à Belfast me liant d’amitié avec le chef. Une amitié qui déplaisait un peu à Sacha beaucoup trop jaloux et possessif. Une amitié qui me faisait du bien à moi d’autant plus qu’elle m’apportait une dose d’adrénaline. Cette dose d’adrénaline que j’avais connu durant toute ma vie et qui s’était estompée lorsque tout s’était ralenti. Cette dose d’adrénaline dont j’avais foutrement besoin. De 2011 à 2012, j’avais occupé le rôle de chauffeur au sein de la bande et j’aimais tellement cette place qui développait encore plus ma passion pour la conduite. Pendant une année, j’avais été là pour eux et j’avais adoré chaque instant. Cependant, un soir de l’année 2013, Sacha m’avait parlé sérieusement. Le mariage arrivait dans quelques mois et il ne voulait plus que je joue ce rôle au sein de cette bande. Il ne voulait plus que je risque ma vie. Alors, pour lui, pour cet homme que j’aimais tant, j’avais accepté de mettre fin à tout ça. J’avais accepté de quitter la bande quand bien même j’étais resté un peu en contact avec les membres pendant un temps.
Mon mariage avec Sacha avait eu lieu le 20 Décembre 2013. Sous la neige de Belfast, Sacha était devenu mon mari et j’étais devenu le sien. La cérémonie avait été magnifique. Les larmes avaient coulé. Mon cœur s’était envolé. Je m’étais senti si bien. Je m’étais senti tellement heureux et à ma place. La fête après le mariage s’était étendue jusqu’au petit matin et ça avait été si agréable. Mon père était monté sur scène. J’étais monté sur scène. De nombreux jeux s’étaient succédés. De nombreuses danses m’avaient fait rire. Les photos n’avaient cessés de se faire dans tous les sens. Le bonheur était incroyablement fort. Cette journée et cette soirée avaient été les plus belles de mon existence. Bien loin devant mes moments devant des stades remplis. Sacha était mon mari et j’étais l’homme le plus comblé du monde. Tous les deux âgés de dix-huit ans, nous avions encore tant de choses à vivre ensemble. Tant de projets auxquels nous désirions donner vie. Bien loin de nous douter que tout allait prendre fin dans quelques jours.
« Ange ? Qu’est-ce que tu fiches bébé ? » La voix de Sacha retentissait dans la voiture alors que je me tortillais pour attraper la bouteille d’eau qui avait roulé à moitié sous le siège. Lorsque je parvenais à l’attraper, je fis un bruit de vainqueur avant de me redresser et d’agiter la bouteille comme pour me justifier. Le rire de Sacha emplissait l’habitacle et je ne pouvais m’empêcher de sourire alors que je posais ma main sur la sienne sur le levier de vitesse après m’être attaché de nouveau sous l’ordre de mon mari. C’était le milieu de la nuit et nous rentrions d’une fête organisée pour Noël par des amis de Sacha. Après avoir passé la journée chez mon père puis chez les parents de Sacha, nous avions passé la soirée et la nuit du 25 chez les amis de mon mari pour mon plus grand plaisir. J’avais bu. Beaucoup trop bu pour prendre le volant. Mon mari conduisait. Lui qui n’avait pas bu une seule goutte pour me laisser l’occasion de profiter. Il était parfaitement sobre et attentif à tout – même à moi. Il ne cessait de caresser ma main tout en chantonnant avec moi. Nous allions rentrer chez moi sans doute coucher ensemble ou nous câliner et nous pourrions passer le week-end à regarder des vieux films dans notre chambre. C’était censé se passer comme ça. C’était ça la normalité. Sauf que la vie n’est pas un conte de fée.
Je chantais à tue tête la chanson qui passait à la radio faisant la sérénade à mon mari. Mon mari ne cessait de caresser mes doigts. Il bougeait légèrement sur son siège suivant l’ambiance, mais il faisait attention à tout ne roulant pas trop vite pour éviter l’horreur. Un autre conducteur n’eut pas cette idée. Nous passions tranquillement à un feu vert alors qu’il nous rentra dedans à toute vitesse. Mes oreilles se bouchaient. Les cris résonnaient alors que la musique n’existait plus. Il n’y avait plus que le bruit de la voiture qui roulait sur elle-même dans un boucan assourdissant. La main de Sacha serra la mienne et je m’y accrochais de toutes mes forces. La voiture s’immobilisa enfin et je tentais de reprendre mon souffle. J’avais perdu la main de Sacha. Je clignais des yeux. Tout était trop flou. Je tentais d’appeler l’homme que j’aimais pour obtenir une réponse, un mouvement. J’en avais trop besoin. J’entendais les sirènes de l’ambulance au loin, mais je n’avais aucune réponse de mon mari. C’était le vide, le silence. Je sentais mon cœur se craqueler alors que je sombrais dans l’obscurité. Et, ce n’était que le début de l’enfer car lorsque mes yeux finiraient par s’ouvrir des jours après l’accident, j’apprendrais le décès de Sacha. Le décès de l’homme que j’aimais. Le décès de mon mari avec qui je comptais finir ma vie.
Chapitre 4 – Janvier 2014 à Janvier 2016 – Belfast.
Douze jours…. Douze. C’était le temps qu’il m’avait fallu pour sortir du coma dans lequel j’avais été plongé après l’accident. L’accident… Autant dire que ça avait été la panique et l’hystérie la plus totale à mon réveil. Il avait fallu un grand renfort de morphine et de médecins pour parvenir à me calmer tellement je voulais savoir où était mon Sacha. Lorsqu’à la fin de la journée, personne n’avait voulu me répondre concrètement, mon esprit avait compris tout seul. Cependant, j’étais bien loin de pouvoir accepter la vérité et il avait fallu qu’un médecin vienne me le dire deux jours après pour que la nouvelle s’ancre dans ma tête. Sacha était mort pendant l’accident. La voiture avait percuté son côté en premier et il était mort presque sur le coup. Les larmes n’avaient pas pu s’arrêter de couler pendant des heures. Je ne voulais pas y croire. Je ne pouvais pas y croire. Mon Sacha n’était plus là et j’ignorais comment j’allais pouvoir survivre. Il m’avait promis de jamais m’abandonner et il l’avait pourtant fait. J’étais passé par toutes les phases du deuil trop rapidement pour qu’on comprenne réellement ce qui m’arrivait. J’avais passé une semaine supplémentaire à l’hôpital. Une semaine pendant laquelle les mines à moitié triste et réjouies se succédaient. On était heureux de me voir en vie, mais on ne savait pas comment s’annonçait la suite et ça foutait la trouille. Les parents de Sacha étaient passés me voir. Ils m’avaient apporté des affaires que je devais avoir selon eux. La peluche préféré de Sacha. Le pendentif de Sacha. La bague de Sacha. Toutes les lettres qu’il m’avait écrites et jamais envoyées. Ça avait été la seconde épreuve la plus dure à subir. J’avais enfermé tous les souvenirs dans une boite à chaussures. Je portais toujours la bague que Sacha avait glissé autour de mon doigts et j’avais son pendentif qui trônait autour de mon cou avec sa bague dessus en plus des ailes d’anges qui s’y trouvaient. Je savais d’avance que je retirerais jamais ces bijoux car ils représentaient plus que n’importe quoi.
Nous étions à la moitié du mois de Janvier 2014 lorsque je sortais de l’hôpital. Le changement avait commencé à se faire sentir chez moi. Petit à petit. Au fil des jours. Je devenais si différent du gamin enjoué et heureux que j’avais pu être. Je me renfermais totalement sur moi refusant de parler à qui que ce soit. Je rejetais même les appels de Daniel. Je ne voulais plus avoir d’attaches. Alors, lentement, je glissais dans un autre monde.
Je passais mes soirées dans des fêtes me fichant de l’horloge qui tournait. Je passais mon temps à boire et à fumer. Je descendais des bouteilles d’alcool comme jamais. Je fumais tellement de paquet de clopes que j’en perdais le décompte. J’avais même commencé à prendre la drogue. De la poudre, une aiguille dans la peau, des pilules sous la langue. Tout et n’importe quoi pourvu que cela me soulage et m’éloigne de la vérité. Lorsque je n’étais pas dehors, je passais mes journées fermé chez moi au sein de ma chambre. Ma guitare avait été détruite. Toutes les chansons composées pour Sacha était parties en flamme. Je ne suivais même plus les cours et je préférais plonger dans l’illégalité pour gagner de l’argent. De l’argent dont j’avais besoin depuis que mon père avait bloqué tous mes comptes en voyant à quel point je déraillais. Vendre de la drogue, commettre des vols, capturer des gens, torturer des personnes, semer la police après des braquages en conduisant des voitures… Peu importait ce qu’on me demandait de faire, je le faisais sans broncher. Il m’arrivait de sortir pour autre chose que cette illégalité brûlant mes veines. Mais, c’était uniquement pour passer des heures à m’asseoir à côté de la tombe de l’homme que j’aimais. Je restais des heures à regarder la pierre et à bavarder tout seul. Je restais des heures à faire savoir à mon défunt mari tout ce que je tentais de faire pour le rejoindre parce que je ne voulais pas vivre sans lui. Je me plaisais à m’asseoir les pieds dans le vide. Je me plaisais à défier la vie en grillant tous les feux rouge à une vitesse folle me valant plusieurs arrêts par la police. Je pouvais rentrer dans des états de rage pas possible comme cette fois où un mec avec qui j’allais coucher en boite avait posé ses doigts sur le collier de Sacha. Ma réaction avait été immédiate lui ordonnant de virer ses doigts de là. Ma voix était si froide et agressive que le garçon n’avait pas hésité une seconde. Il s’était même mis à lever les deux mains en l’air comme pour dire qu’il était innocent. Je me contentais d’utiliser les gens pour mon plaisir et j’évitais de m’attacher. Coucher à droite et à gauche me convenait tant que ce n’était que de la bestialité sans rien de plus. Je ne voulais pas de caresses. Je ne voulais pas prendre mon temps. Je ne voulais pas de baisers. J’évacuais juste ma rage et ma frustration. Je couchais alors que mon cœur était six pieds sous terre avec mon mari. Ce monde ne s’arrêtait pas là. Il m’arrivait souvent de me battre pour me mettre en danger physiquement. Je tentais de provoquer le choc qui pourrait m’aider à rejoindre mon mari. Un choc qui n’arrivait jamais. Je m’en sortais tout le temps et je me détestais pour ça. Comment pouvais-je être en vie alors que Sacha ne l’était plus lui ?
Le 10 Janvier 2015, ma vie bascula une nouvelle fois. Je rentrais d’une énième soirée où les substances s’étaient enchaînées à l’intérieur de mon être. Je rentrais de cette soirée complètement défoncé. Cependant, pour une fois, papa m’attendait là dans l’entrée pour m’engueuler. Il avait haussé la voix tellement fort. Il avait gueulé pendant de longues minutes. Je n’avais pas réellement suivi tout ce qu’il pouvait dire. Je m’en fichais bien. Ce ne fut que lorsque le prénom de Sacha avait résonné que j’avais réagit au quart de tour. Je m’étais jeté sur mon père lui interdisant de parler de Sacha et de dire des tonnes de mots à son sujet. La bagarre avait éclaté et je ne saurais comment tout vous expliquer. Le voile de flou était là dans ma tête m’empêchant de réellement dessiner le moment. Les coups pleuvaient. La douleur s’invitait. Et, allez savoir comment, un flingue avait fini par apparaître dans l’équation. Un flingue entre les mains de mon père qui semblait prêt à appuyer sur la détente. Un flingue qui lui échappait des mains et qui tombaient trop vivement sur le sol enclenchant le mécanisme. Le coup était parti. La balle venait se loger dans la poitrine de mon père à cause du foutu destin. La bagarre avait pris fin aussitôt. Je m’étais empressé d’appeler les secours certainement pas prêt à encaisser une seconde mort aussi rapidement. Mais, papa savait lui. Il savait qu’il n’allait pas s’en tirer. Le visage baigné par les larmes, le cœur déchiqueté en petits morceaux, je me souvenais des derniers mots de mon père. Ces deux mots qu’il avait marmonné à mon oreille après m’avoir demandé de me pencher sur lui. « Malacki… Boston… » Deux mots qui me semblaient n’avoir aucun sens. Deux mots que j’avais gardé dans un coin de ma tête. Deux mots que j’avais mis de côté lorsque les secours, la police et ma belle-mère étaient arrivés. Papa était mort. J’étais arrêté. Ma belle-mère était dévastée. Après quelques heures en garde à vue, on m’avait annoncé que je n’étais pas coupable du meurtre de mon père. La vidéosurveillance de notre chez nous m’innocentait clairement. Cependant, j’étais accusé de nombreux délits et j’allais devoir être jugé. Un jugement que j’avais passé dans le flou. Un jugement que j’avais laissé se faire presque sans moi. Un jugement qui me condamnait à une année de prison. Une année qui s’écoulait et me faisait sombrer toujours plus dans un renfermement. L’Ange devenait Démon.
Chapitre 5 – Février 2016 à Décembre 2020 – Dans le monde.
Après avoir passé une année en prison, je n’avais plus qu’une envie : être libre. Je voulais juste vivre sans me soucier de rien. Je voulais simplement m’amuser et m’évader. Je voulais juste m’éloigner de l’Irlande emplie de drames. Alors, après un dernier tour sur la tombe de mon mari et un premier et ultime tour sur la tombe de mon père, je m’étais empressé de rentrer à la maison pour faire les cartons restants. Trier, jeter, vendre, garder… Cela m’avait pris des jours et Daniel était venu m’aider sans même que je ne l’appelle. Il avait appris ma libération et il était venu me porter assistance quelques jours. Une aide qui n’était pas juste pour toutes ces affaires. J’avais couché avec Daniel plusieurs fois. Il n’y avait pas le moindre attachement dans ces corps à corps. Ce n’était que de la bestialité à l’état pure qui semblait lui faire autant de bien qu’à moi. Ce n’était qu’une échappatoire lorsque les nuits se faisaient trop longues et que le sommeil fuyait. Lorsque tout fut parfaitement en règle, Daniel retournait auprès de sa famille me laissant toujours son numéro au cas où. Et moi… Moi, je sautais dans le premier avion sous le jeu du hasard.
Les mois s’étaient enchaînés ainsi. Les années avaient défilés pendant un temps de cette manière. Je profitais de la vie toujours plongé dans le monde de la déchéance. Je refusais de m’enchaîner n’hésitant jamais à voguer autour du monde au jeu du hasard. Je lançais un dé et il décidait pour moi des destinations. Je lançais un dé et il choisissait mon destin. M’arrêter en Russie pendant un temps… Vivre à la rue comme si je n’avais rien pendant un moment… Entrer dans des gangs et conduire des voitures ou torturer des gens… Coucher sans m’attacher jamais… Retourner voir Daniel et enregistrer un album dans son studio… Un album qui avait signé le grand retour d’Ange Murray dans le monde musical après que sa vie ait tourné au drame… Un album qui s’était écoulé avec des nombres records… Un album qui n’aurait pas de tournée parce que je ne me sentais pas capable de vivre cette vie seul… Un album qui m’avait permis de me refaire tellement d’argent alors que les interviews et les demandes de mannequinat tombaient les unes après les autres… Un album qui était surtout pour le mari que j’avais perdu… Un album emplis de chansons pour lui allant de cette ballade qu’il m’avait chanté avant sa demande en mariage à cette chanson que j’avais composée sur sa tombe… Un album qui me tenait à cœur et qui serait le seul que je sortirai de toute mon existence parce que ça faisait trop mal. Juste un album pour ne pas oublier ma vie d’avant. La vie semblable au conte de fée qui avait fini par tourner au désastre. La vie parfaite qui s’était mise à baigner dans le cauchemar. La vie parfaite au balcon qui avait fini par glisser dans la réalité de l’existence. Une réalité dans laquelle je baignais si bien.
Les années s’étaient enchaînées et, même si j’étais moins excessif qu’après le décès de mon mari, j’étais toujours et à jamais cet Ange déchu. Cet Ange qui avait perdu ses ailes et qui se complaisaient en Enfer. Le monde sombre m’attirait. L’illégalité me faisait vibrer. Elle était la seule à me faire du bien alors je la cherchais toujours et je me foutais du danger.
Chapitre 6 – Janvier 2021 – Boston.
Un énième cauchemar m’avait réveillé cette nuit là. Un énième cauchemar mêlant la mort de Sacha et la mort de mon père. Un énième cauchemar duquel les mots étaient ressortis encore une fois. Malacki… Boston… Les propos s’étaient longuement joués dans ma tête depuis la mort de mon père. Ils n’avaient aucun sens pour moi. Je ne parvenais pas à comprendre. Lorsque j’en avais parlé à Daniel, il s’était contenté d’hausser les épaules sans accepter de m’en dire plus. Et, après ces quatre années sur la route à me faire hanter, je finissais par céder. Sac sur le dos, je m’étais rendu à l’aéroport pour prendre un avion en direction de Boston. Cette ville allait devenir mon nouveau terrain de jeu. Pour un mois… Pour un an… Pour peut-être plus encore… Je n’en savais rien. Ça dépendrait du dé. Ça dépendrait du destin. Ça dépendrait de ce que j’allais trouver à cet endroit.
Cela fait maintenant six mois que je suis installé sur Boston. Six mois et je n’ai toujours pas résolu l’affaire de ces propos qui se jouent dans ma tête. Je suis bien à Boston, mais putain Malacki ça veut dire quoi ? Je dois bien vous avouer que je ne suis pas à cent pour cent à fond dans mes recherches. Je profite de l’existence. Je laisse la vie s’écouler et je vis sans chercher à tout prix à résoudre l’affaire. Ça viendra tout seul quand le moment sera venu. C’est ça le destin non ? Et il s’est toujours tellement joué de moi.
Cela fait six mois que je suis installé à Boston dans un petit appartement que j’ai acheté et dans lequel je vis seul. Six mois que je gagne ma vie en enchaînant les courses illégales la nuit. Six mois et je lorgne sur un poste de serveur qui ferait mieux sur le papier. Je n’ai pas forcément besoin d’argent avec toutes mes économies. Et, même si j’avais besoin d’argent, il me suffirait d’accepter quelques interviews, quelques shootings photos ou quelques performances pour m’en refaire. Ce n’est plus mon monde pourtant et je préfère un boulot plus normal. Un job moins haut. Six mois et ma vie est presque toujours la même. Veuf de mon Sacha, j’enchaîne les coups d’un soir sans la moindre attache. Baiser pour baiser c’est ce que je préfère. Je ne veux pas d’attachements. Mon cœur est six pieds sous terre et il y est bien. Mon corps a juste besoin d’autres corps pour évacuer la frustration. Six mois et je consomme toujours trop de substances. Alcool, clopes et drogues font parties de mon quotidien pour mon plus grand plaisir. Elles m’aident à supporter la réalité. Elles m’aident à ne pas me flinguer. Six mois et je demeure le joueur de l’illégalité. Au-delà des courses de voitures illégales, j’offre mes services à qui veut. Que ce soit pour détourner l’attention ou conduire des voitures, je réponds présent à la moindre offre tant que je suis payé et que je peux vivre cette pique d’adrénaline si délicieuse. Six mois à Boston et je commence tout juste à réellement partir en quête de la signification des derniers mots de mon père. J’ignore ce que je vais trouver. J’ignore si je suis prêt pour cette découverte. Mais, je sais que je dois tenter le coup parce que ça me hante un peu trop.
Voilà… Vous avez mon histoire. La vie n’est jamais parfaite vous voyez. Mon histoire semblait être un conte de fée, mais ça avait trop vite tourné à l’horreur sans même que je m’y attende. Tous les changements s’étaient fait comme si je n’étais qu’un spectateur et j’avais tout subi. Au jour d’aujourd’hui, j’ignore totalement le dénouement de cette histoire. Quoiqu’il en soit, ce n’est plus qu’à vous de décider maintenant. Décider si vous voulez faire parti de cette histoire noire et compliquée… Je ne vous promets pas le bonheur, mais vous ne risquez pas de vous ennuyer avec moi.