SEAN FARROW ► jacob elordi

S’il y avait un manuel à étudier pour devenir con, avec une médaille à la clé pour ceux qui ont rempli avec succès les critères, je serai ressorti vainqueur, avec mention très bien. Franchement, parfois je me demande où est-ce que j’ai la tête. Je ne réfléchis pas toujours à mes faits et gestes et de nature impulsive, c’est pire encore. Déjà gamin, j’étais un peu considéré comme étant le petit caïd du bac à sable, la petite brute, le petit dur à cuire. Je cherchais toujours les ennuies, elles m’aimaient et je leur rendais bien. Bizarre contraste tout de même lorsque tu viens d’une famille croyante qui fréquente à tous les dimanches la maison du Seigneur. Franchement, je n’ai rien contre les gens qui crois en Dieu et qui prie tous les jours pour des années meilleures, mais ce n’est pas mon cas. Je n’entre tout simplement pas dans le moule. Je ne vous raconte pas le nombre de fois où je me suis pris la tête avec mon paternel pour des histoires de ce genre. Du fait que je n’avais aucune envie d’aller à la messe le dimanche. Je n’ai pas besoin de tout ça, je fais déjà mes bonnes actions. Oui, je veille, tous les jours de l’année, sur les personnes qui me sont chères…

Enfin, bref. Je suis né, ici même à Boston. Autant dire que je connais tous les petits recoins de la ville, les plus intimes aux plus lugubres. Mon père, un concessionnaire d’automobiles de luxe a bâti sa carrière et sa réputation en ville, lorsqu’il s’est expatrié, ou plutôt lorsqu’il a décidé de quitter sa ville natale pour venir s’installer ici à Boston. Peut-être pour changer d’air ? Parce qu’il a trouvé une opportunité d’affaire ? Peu importe, l’histoire ne le dit pas. Je le remercie tout de même d’avoir fait le trajet, puisque sans ça, je ne serais sans doute pas en vie. Effectivement, puisque c’est ici qu’il a rencontré ma mère, Caroline Pryce, qui a fait ses études à Harvard, aujourd’hui psychiatre et elle fait peur à toujours avoir raison sur tout. Comme je disais, de cette union sont nés trois magnifiques petites têtes. Mes deux sœurs, Katy, Priscilla et moi, Sean. Katy est l’aînée, la chiante, la casse-couille. Celle qui se croit toujours meilleure que les autres. Celle qui se prend pour notre mère à nous donner des ordres lorsque ça ne lui tente pas de faire une tâche qui lui est assignée. Je l’aime ma sœur, mais on pourrait croire qu’elle est née pour me faire chier. Priscilla, ma cadette. Ma petite perle, c’est ma princesse et quiconque ose lever la main sur elle, verra l’ouragan Farrow faire son apparition. Elle est le contraire de Katy, douce, trouve toujours le meilleur chez les autres, ne ferait jamais de mal intentionnellement à quiconque. C’est vraiment pour cela que j’ai ce besoin de la protéger. D’être là pour elle en toute circonstance.

En parlant de famille, nous avons longtemps été famille d’accueil. Laissez-moi vous dire que j’en ai vu passer des jeunes passer ici. Il y en a qui sont restés, d’autres sont partis, mais je les considère presque tous comme mes frères et sœurs. Ouais, presque parce que certains sont vraiment trop détestables. Tout comme moi, lorsque j’étais gamin, je dirais. J’avais la fâcheuse tendance à m’attirer tous les ennuis possibles. Toujours en retard. C’était plus facile de rester avec mes potes devant les lieux d’enseignements fréquentés à discuter de tout et de rien, de nanas, du prochain match de Hockey. En fait, tout pour retarder le moment où il faudrait aller s’enfermer dans une salle de cours. Aucun intérêt à participer en classe. C’était toujours mieux de rester dehors, profiter du temps, des potes, de la clope. Tout, absolument tout était plus intéressant. Même se faire arracher une dent. C’était toujours une corvée pour moi de rentrer dans la salle, d’une façon décontractée, sac à dos sur l’épaule, en pleine conversation avec un de mes potes. Peu ou pas de respect pour ceux qui sont déjà prêts et installés à leur table. Non, pour moi mes conversations étaient beaucoup plus importantes. Si je n’écoutais pas en classe, j’étais en train de me battre pour une raison ou une autre. Le plus souvent pour défendre mes potes.

Un événement marquant dans ma vie s’est fait lors d’une fête. J’essaye de ne pas y penser, puisque même si tout ça est arrivé il y a exactement huit ans, j’en ai gardé quelques séquelles. J’étais ivre. C’est bien le mot. Tête qui cogne contre celle d’un mec, d’une fille, de toutes les personnes présentes. Je ne suis plus du tout maître de la situation comme j’aime l’être. Mais nous sommes tous en coeur, dans une symphonie. Les voix hurlent, les paroles semble synchronisées à chanter, pas très justes avouons-le les paroles d’un vieux tube à la mode. Les pieds qui bondissent ensemble, sur le rythme de la basse. L’alcool coule à flot. Elle se renverse partout. Mon coeur qui manque de fuir, de tout lâcher. Un rail, un joint, des rires. Si libre ce soir-là. Je suis avec ma copine, celle que je considère comme l’amour de ma vie. Nous sommes jeunes et naïf et pourtant, je suis prêt à tout pour elle. C’est le dernier party avant que les cours ne recommencent. J’ai presque seize ans, et je ne me doute pas une seule seconde ce qu’il est sur le point de m’arriver. Mais pour l’instant, je ne m’en fais pas, parce que je suis un roi, ce soir-là. Ses lèvres sont soudainement contre mes lèvres, sont rire résonnes dans mes oreilles. Un pur délice. Nos corps qui ne peuvent se quitter. Je l’aime à en crever Sara. Son parfum qui me fait sentir vivant. J’aimerais tant lui dire que je pourrais mourir pour elle, pour sa peau. Elle m’échappe, ma belle sorcière. Elle retourne près de ses potes. Mon corps qui titube, qui se cogne sur chaque mur, bien décidé à aller la rejoindre. Ma vision se trouble et je rigole bêtement. Un bras m’attrape soudainement pour me faire boire de nouveau. Tout est beau, tout est magique ce soir. Un verre ou dix en même temps. Des shots attendus sur la table basse. C’est drôle. C’est puissant. Les minutes passent, peut-être des heures, Ma vision se trouble et je n’arrive plus à trouver ma perle, ma Sara. Où est-elle passé ? Me voilà dehors à la recherche, j’ai envie de quitter la fête, je ne me sens pas bien. Nous sommes supposés rentrer chez elle, ce soir. Ses parents sont à l’extérieur pour le travail. Un pas, deux pas et puis trois et mon coeur s’affole. Mon souffle se coupe. Mon verre de bière tombe sur le sol et mes jambes ont de la difficulté à me retenir. Je tombe à genoux devant elle. Elle est là, droit devant moi, blanche comme un drap, inerte… sans vie. Ma princesse, ma sorcière n’est plus. L’overdose l’as attrapé et m’as fait plonger dans des abîmes sans fin.

Suite à ça, les mauvaises fréquentations se sont accumulées. Je suis partie sur un coup de tête à l’aventure, en road-trip. Partir où la route me mène, ou peut-être même l’avion. J’en ai fait du kilométrage, j’en ai rencontré des gens ces deux ans à voyager, voir du pays, d’autres pays. Des fêtes encore à en perdre la tête, jusqu’à mes dix-huit ans où je suis entré en art plastique à l’université, malgré les recommandations de mon père pour aller suivre un autre cursus. Déçu que je ne veuille pas suivre son cheminement, notre relation s’est détériorée encore plus qu’elle ne l’était. Il m’en voulait toujours de ne pas vouloir aider mon prochain, comme lui le fait si bien. J’ai essayé d’avancer dans la vie comme je pouvais. Je n’ai pas terminé mon cursus, puisqu’à la première occasion je l’ai changé pour l’histoire de l’art et architecture. Ce n’était pas encore parfait aux yeux de mon père, mais au moins, il m’a lâché la grappe. Depuis, je vis ma vie comme je l’entends. Je ne sais pas ce que l’avenir me réservera, mais je suis pressé de le découvrir.