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Confessions (libre)

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CONFESSIONS
ft. #rplibre

Tu as besoin de te recueillir sur la tombe de ta femme. Tu as besoin de lui parler, même si ça restera sans réponse. T'as besoin de t'asseoir juste devant la pierre froide et de lui redonner une once d'humanité. T'es venue avec un bouquet de fleurs, celles qu'elle préférait, des lys bleus. Tenue sombre, lunettes teintées, tu traverses les allées jusqu'au carré réservé aux militaires qui ont péri au combat. Tu croises des familles qui, elles aussi, ont besoin de se retrouver avec leurs proches disparus, et un attroupement de militaires pour un nouvel homme tombé au combat. Souvenirs douloureux qui viennent serrer ton coeur à nouveau, comme le jour où tu étais dressée là, à leur place. Tu avances, baisse le regard jusqu'à la stèle de l'amour de ta vie.
Tu débarrasses les bouquets flétris par le temps et tu viens déposer le bouquet frais que tu as amené avec toi, avant de t'installer en tailleur face au marbre sur lequel est inscrit son nom. Réflexe hebdomadaire, une habitude que tu ne perds pas depuis cinq mois maintenant. Et tu commences à lui parler. « Hey, Tali.. Ca fait déjà une semaine depuis la dernière fois. Et il s'en est passées des choses, en une semaine. J'ai appris que j'allais être maman. J'aurai aimé que tu sois là pour vivre ça avec moi. J'aurai aimé qu'on élève cet enfant ensemble, avec le papa, qui est un ami. Je t'ai déjà parlé de Mark, c'est le père de la copine de Roxy. C'était le patron de notre fille, aussi. Je crois qu'elle m'en veut, tu sais. Pour Mark, pour ce bébé, pour Kassidy.. J'ai l'impression que j'fais tout mal quand j'la regarde. J'suis un peu paumée depuis que t'es plus là. Tu me manques, Talia. Tous les jours, toutes les nuits. Des fois, j'rêve encore qu'ils se sont plantés, que c'est pas toi, là-dessous. Que tu vas revenir. Je t'aime, Talia. » Ta main se pose sur la pierre, l'effleure du bout des doigts. Tu restes là, silencieusement, une bonne demi-heure, perdue dans tes pensées. Puis tu te lèves, en soupirant. Puis tu fais le même trajet en sens inverse, avant de t'installer sur un banc, te saisissant de ta cigarette électronique pour calmer ton envie de fumer omniprésente.
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Mes lèvres sur le front de ma fille, je souris et dis Tu es gentille avec papi et mamie hein ? Tonton Raf va venir plus tard, après ta sieste. Je lui souris et lui adresse un clin d’oeil. Il n’en faut pas plus à Cameron, trois ans, pour sauter de joie et avec des étoiles dans les yeux. Son oncle, elle l’aime plus que tout et moi, je suis heureuse de la relation qu’ils ont. Il est toujours là pour elle et elle lui rend bien. Cameron est une artiste et si la maison de son père doit être couverte de dessin - comme la mienne - il en est de même avec Raf et Jill. Il n’y a que mes parents qui sont à peu près épargnés par cet élan créatif. Surement parce qu’ils ont un grand jardin et un potager, dans lequel elle adore cultiver ses légumes préférés. Une dernière bise à mes parents et je laisse ma fille avec eux le temps d’aller à l’enterrement de l’une de mes amies d’enfance. Morte en accouchant. Ça me brise le coeur rien que d’y penser. Mes vêtements colorés troqués pour une robe noir, j’arrive rapidement à l’Église où la cérémonie à lieu. C’est dur. Touchant, certes, mais terriblement triste. Trente ans. Ce n’est pas un âge pour décéder dans ces conditions. Les larmes ne restent pas longtemps dans mes yeux, elles finissent par rapidement glisser sur mes joues et les inonder. La douleur est telle que je suis obligée de sortir de l’Église avant la fin de la messe pour ne pas sangloter et interrompre la cérémonie. Nous n’étions même pas si proche que cela l’une de l’autre mais ça ne change pas la douleur que je ressens. Puisque je sais qu’il y a la mise en terre juste après la cérémonie, je me dirige déjà vers le cimetière. J’avance vers un banc et une personne se met assise sur ce dernier quelques secondes avant moi. Mince. J’aurais pu faire demi tour, c’est ce que j’aurais fait en temps normal - le cimetière n’est pas le centre commercial, on ne va pas se mentir - mais là, j’y vais et face à elle, je souffle Je peux ? Elle a peut-être envie d’être seule, pour ce que j’en sais. Ma voix tremble, mes yeux sont bouffis et dès que j’aurais les fesses assises, je passerais mes lunettes de soleil pour cacher la misère de mon visage, la misère de la vie.

@Shannon Dinkley
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A chaque fois que tu viens ici, c'est toujours le même calvaire quand tu dois repartir. T'as pas la force de trainer ta carcasse d'un seul coup jusqu'à ta voiture, t'as toujours besoin de rester encore un peu, pour laisser le temps à ton esprit de se remettre de ce que tu lui fais endurer chaque semaine. Parce que tu n'y arrives toujours pas, à faire ce deuil. A laisser son esprit te quitter complètement et à refaire ta vie. Tu vis, tu as gardé certaines choses de votre vie commune, comme ton autre amour, mais toutes les deux vous le savez, sans Talia, c'est différent. Pourtant, vous êtes votre point de repère mutuel, le phare dans l'obscurité de l'autre. Tu restes là, ton regard brun camouflé par les verres teintés. Une femme demande si elle peut s'installer à tes côtés. Tu lui souris légèrement, poliment. « Oui, allez-y. » Tu l'observes, vois ses yeux bouffis. Tu comprends qu'elle fait partie de ces personnes qui attendaient devant la chapelle quand tu es arrivée. Ton passif de flic voudrait poser des questions, mais ton instinct de femme en deuil t'en empêche. Après tout, ça ne te regarde sans doute pas. Machinalement, tu fouilles dans ton sac, à la recherche d'un paquet de mouchoirs, que tu lui tends. « On a jamais assez de mouchoirs quand on vient ici. On pense qu'on va tenir le coup, mais on finit toujours par craquer. Ca fonctionne autant pour une mise en bière que pour une visite du disparu. » Le ton que tu utilises est bienveillant, mais tu ne souris pas. Les sourires sont pour les gens heureux, et en ces lieux, il n'y en a pas, ou peu. On trouvera toujours une veuve joyeuse ou des héritiers pressés de toucher leur pécule funèbre. Mais là, tu sens qu'elle ne sera pas de ceux-là.

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Toujours souriante, toujours heureuse, réussir à cacher ses démons, à ne pas laisser une quelconque vision sur mes peines et mes faiblesses. Voilà celle que je suis normalement mais aujourd’hui, je craque. La vie me semble difficile, complexe, un peu trop courte aussi. Les souvenirs d’enfances qui se bousculent et l’incompréhension d’une telle journée. Trente ans. Perdre la vie en la donnant… En 2021. Ça me semble ahurissant mais ça me motive encore un peu plus pour le futur, pour ces études de sages-femmes que je vais commencer à la rentrée. Je n’ai jamais abandonné l’idée de reprendre mes études et avec l’arrivée de Jeremiah dans la vie de Cameron, notre fille, je sais que je vais avoir encore plus de soutien, ce qui me soulage grandement. Et j’aurais bien besoin de soutien à ce moment précis mais je n’ai prévenu personne et c’est seule que je dois gérer ma tristesse. Un sourire à la brune qui m’autorise à s’asseoir à ses côtés, je me pose, souffle un Merci et enfile mes lunettes de soleil pour cacher la misère de mon visage. Lorsque j’entends sa voix à nouveau, je tourne le visage de son côté et regarde le paquet de mouchoirs qu’elle me tend. Je les attrape et en sors un rapidement. Oui… Et je ne pensais pas pleurer de la sorte. Que je dis, la voix tremblante, le cœur qui se serre. Je pince mes lèvres pour tenter de tout ravaler, de ne rien laisser sortir et après quelques secondes, je dis Vous étiez là pour l’enterrement de Janice ? Je n’ai pas vu grand monde, reconnue encore moins de personnes alors, ça pourrait être le cas. Je suis Beatriz, une de ses amies. Enfin, ancienne amie. Mais elle n’a pas besoin de tout savoir. Avenante mais triste. Je n’ai même pas attendu sa réponse que j’ai déjà enchaîné, comme si j’avais besoin de parler, de garder mon cerveau actif, concentré pour éviter de penser à tout cela, à tout ce que je viens de voir, d’entendre et de vivre. Je pose le paquet entre nous et me mouche rapidement, entre quelques sanglots, mordant l’intérieur de mes joues pour ne pas ouvrir les vannes et être incapable de les refermer. Quelle situation merdique, quelle rencontre fortuite.

@Shannon Dinkley

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Chacun gère son deuil à sa façon. Certains se ferment totalement aux émotions qui les traversent, d'autres au contraire s'expriment, expriment leur tristesse. Toi, tu as toujours essayé de tenir le coup pour Roxy. Visage qui s'était toujours montré impassible quand le coeur saignait, que les larmes brûlaient les yeux d'être retenue si hermétiquement. S'autoriser à pleurer qu'une fois seule ou devant la pierre tombale de ta femme, jamais devant les autres. Pudeur et timidité. Une once de fierté aussi, sans doute. Ne jamais montrer ses faiblesses, tu as su le faire pendant des années. Mauvaise habitude gardée malgré tout. Visage fermé malgré la situation complexe, malgré la sympathie et l'empathie que tu as à l'égard de cette inconnue. On ne pense jamais qu'une perte peut ouvrir de telles blessures à l'âme. Les souvenirs seront les seuls gardiens d'une vie perdue. « Non, je n'étais pas là pour votre amie Janice. » Tu relèves tes lunettes de soleil dans ta crinière. « Et je vous présente toutes mes condoléances pour cette perte. » Tu es sincère. C'est souvent un déchirement, quelle que soit la relation qu'on entretenait avec le.a défunt.e. Amis, connaissance, collègue de travail, famille, amour, la douleur est présente, parce qu'on trouve toujours ça injuste. « Je viens ici toutes les semaines depuis le mois de janvier pour entretenir et fleurir la tombe de ma femme. Et toutes les semaines, je constate toujours une nouvelle troupe de gens qui vivent avec ce même désarroi la perte de quelqu'un, assise sur ce banc. » Tu finis par la regarder, avec compassion. « Vous savez, pleurer c'est humain. Parfois même libérateur. Parfois, c'est plus simple de pleurer ou de se confier avec quelqu'un qu'on connait pas et qui ne donnera aucun jugement. Alors si ça peut vous soulager, vous n'avez pas à vous gêner. » Léger sourire, avant de remettre tes lunettes sur ton nez et regarder face à toi.

@Beatriz Simoes
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Beatriz la joyeuse. Beatriz la rigolote. Beatriz qui passe du temps à rire, à divertir, à grandir. Une Beatriz qui est en vacances aujourd’hui puisque c’est la tristesse et la peine qui a pris possession de mon corps tout entier. Ça ne m’est jamais arrivé, pour être honnête alors je ne sais pas vraiment gérer, pensant presque que toutes les personnes autour de moi vivent la même chose, au même moment. Et c’est bien pour cela que je fais ce raccourci, ne pensant même pas au fait qu’il y a des centaines de tombes ici et que c’est pour ça que la belle brune est là. Pour une autre tombe dont la terre est plus ou moins fraîche. Dans d’autres circonstances, je m’en voudrais, il n’y a pas à dire. Mais là, je suis trop déboussolée pour m’auto flageller. Merci. Que je souffle doucement, lui adressant un léger regard en tentant de calmer les torrents de larmes qui coulent le long de mes joues. Comment est-il possible de pleurer autant, d’avoir encore des larmes à laisser glisser le long de mes joues ? N’y a-t-il pas une limite maximale ? Ne l’ai-je pas encore atteinte ? J’ai vraiment l’impression que mes glandes lacrymales sécrètent ce liquide sans que j’ai besoin de dire ou de faire quoi que ce soit. Les larmes ne sont donc pas une denrée en voie de disparition, à mon grand regret. La jambe qui tremble, je pose mes mains dessus et écoute l’histoire de la brune, la raison de sa venue et mon coeur se serre un peu plus. Perdre sa femme, sa moitié, est quelque chose que je ne connais pas mais qui me semble des plus difficiles et douloureux. Je ne comprends pas sa peine et pourtant, vu celle que je ressens à ce moment précis, je sais que ça doit être horrible, presque insurmontable. Je suis désolée… Toutes mes condoléances. Cinq mois de deuil constant et ce n’est clairement pas fini, je le vois bien sur son visage. Elle a l’air d’avoir la tête hors de l’eau mais en même temps, je ne sais rien de cette jeune femme alors peut-être qu’elle est juste une très bonne actrice. Je ne sais même pas quoi dire… C’est juste douloureux, de savoir qu’on ne reverra plus jamais quelqu’un, qu’il est décédé d’une manière dont on ne devrait plus décéder aujourd’hui. Ça c’est rien de le dire. Je suis en colère contre la médecine, contre le monde, contre cette petite fille qui va devoir grandir sans sa maman parce qu’en 2021, les médecins n’ont pas été capables de sauver mon amie après son accouchement. En colère contre la vie, contre le monde, contre la saloperie de celui-ci. Je suis de celles qui pensent que parler fait du bien mais en même temps... Ça ne la ramènera pas. Crier ne changera rien, pleurer non plus. J’essuie mes larmes et soupire fortement. Je suis désolée, je vous écoute à la lettre et vous ennuie avec mes pensées alors que vous devez aussi en avoir des tonnes. Des flots de pensées qui tentent de nous noyer.
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