les colocs à terre (eberia)

Jeudi 8 Avril, 18:30

Cela fait quelques jours, peut-être plus d'une semaine même, où se voir est devenu difficile. Entre ton travail, notre décalage entre tes responsabilités et mes études, nous sommes devenus de véritables colocataires ne l'étant que par procuration. Il n'y a eu aucun soucis à s'entendre dès le début, bien au contraire. Nos chemins de vie semble nous donner du fil à retordre, alors nous avons décidé de nous retrouver le temps de quelques heures. Je ne peux malheureusement pas rester toute la nuit sachant que la douce présence de mon amant me manque déjà, et qu'il risque de venir me chercher par la peau des fesses si je lui annonce que je compte me coucher seul et tôt dans mon humble demeure. Une fois rentré, les affaires posées, je viens t'enlacer pour te saluer convenablement. ❝ Désolé, je suis chargé, quelques petits trucs par-ci par-là ❞ ou plutôt des dépôts d'affaire chez mon amant alors que j'en remballe d'autres. Les choses sont devenues si sérieuses si vite que je pourrais crier que c'est une erreur si nous ne nous nous connaissions pas depuis notre plus tendre enfance. Notre complicité est ancestrale, et notre ambiguïté remonte à plusieurs années. Il m'est difficile de savoir ce que je compte bien pouvoir te dire. Une chose semble certaine : il y a peu de chances que ce que je te dise ne sorte d'ici. Et, en toute franchise, nos proches finissent de plus en plus par apprendre la chose alors le secret s'estompe. ❝ Comment tu vas, toi ? ❞ demande-je en te lâchant, me dirigeant me servir un soft pour m'hydrater, ainsi qu'à toi. ❝ Tu vois, j'ai survécu au Spring Break. ❞ Le seul intérêt de ce dernier fut mes retrouvailles avec Thadee. Sortir de ma zone de confort m'a permis de renouer avec lui et d'en être à ce point aujourd'hui. L'univers, je le remercie.

w/ @Victoria Lahey

Rentrée ce matin d’une garde de vingt-heures, ce n’est que sur le coup de quatorze heures que je parviens à me glisser hors du lit, réveillée par Leïa. Elle a beau avoir été nourrie ce matin, la pauvre ne doit pas comprendre ce que je fous au lit au beau milieu de la journée et ne cesse de miauler depuis une vingtaine de minutes, me faisant presque regretter d’avoir dit oui pour un chat. Presque, parce qu’elle est ma seule compagnie récemment et que je suis raide dingue de cette petite boule de poil. Après la douche et un petit-déjeuner / déjeuner / goûter, je range un peu l’appart’, en fait le ménage, et sors faire quelques courses afin de remplir le frigo. C’est avec un énorme bouquet de fleurs que je reviens, posant celui-ci sur le meuble du salon. J’ai toujours aimé ça, les fleurs, et si j’avais pour habitude de les recevoir (ou les offrir), rien ne m’empêche de me faire ce petit plaisir sans l’aide de personne. Un peu triste et monotone, mais dans les faits, c’est le résumé de ma vie depuis que j’ai perdu la femme que j’aime. Si j’ai cru que j’allais m’habituer à vivre sans Beth, je réalise que chaque jour est un peu plus difficile que le précédent, pire encore maintenant que la skieuse olympique cherche à bâtir une pseudo-amitié que je n’ai pas eu à cœur de lui refuser. Je devrais, pourtant, car si nous ne sommes plus ensembles, c’est avant tout parce que je ne peux la regarder dans les yeux sans étouffer sous le poid de la culpabilité. Je suis perdue dans mes pensées et sursaute lorsque les bras d’Eben s’enroulent autour de mes épaules, me laissant aller un instant contre lui. Je dois bien admettre que, malgré notre colocation récente, sa présence au quotidien me manque un peu. « Quelques petits trucs, ou tu déménages ? » Je demande en observant les nombreuses choses emballées à ses pieds et écarquille les yeux. Qu’il soit absent est une chose, mais s’il venait à déménager, je n’aurais d’autre choix que d’en faire de même, n’ayant pas les moyens de couvrir ce loyer seule avec mon salaire d'ambulancier. « Ça va. Ça me brise le cœur de voir ma fille chercher son père toute la journée mais c’est la vie. » Dis-je dramatiquement en levant les épaules, faisant juste référence à Leïa - qui, si elle est contente de le voir, ne semble pas vraiment s'incommoder de son absence. « Je n’avais pas trop de doute là-dessus, t’es pas assez sauvage pour y laisser ta vie. » Je lui adresse un clin d'œil et le remercie d’un signe de tête pour le verre de jus de fruit qu’il me serre. « Et toi, comment tu vas ? » Non parce qu’il rayonne, je veux un nom.

La question soulève une véritable problématique actuelle à laquelle je ne peux malheureusement pas répondre. Comment expliquer la situation sans tout dévoiler ? Cela me semble bien plus complexe que je le voudrais. ❝ Non, je ne déménage pas, ce n'est pas au programme. ❞ Du moins, ce n'est pas tout de suite le programme. Si j'étais amené à le faire, je sais que je m'arrangerais avec toi pour remédier à cette nouvelle situation. ❝ Aie, aie, aie, la fifille a du mal à gérer l'absence de son papa. ❞ J'avais eu l'envie et l'idée du chat pour que tu t'en occupes plus que moi. Tu es courageuse, c'est ainsi que je te perçois. La petite moue que j'ai, en prononçant ses mots, s'évapore se transforme en sourire. ❝ Exact, je suis bien trop sur mes gardes. ❞ Je me pose et me mets le plus confortablement possible. Une légère fatigue me prend tant la journée fut longue, et tant ces dernières semaines m'ont prouvé bien des choses. Je ne suis plus le même Eben qu'auparavant. Je suis toujours mon moi ancien, simplement réactualisé. ❝ Moi, ça va, écoute... Je passe moins de temps fourré dans les cours et je me permets d'avoir une meilleure vie sociable. J'ai repris contact avec des amis d'enfance, dont mon meilleur ami, un des nombreux enfants de la dynastie Rothschild ❞ déclare-je en m'adonnant à des gestes expressifs, clairement sarcastique. ❝ En vrai, ça me fait du bien de pas passer autant de temps ici. J'aime l'appart, vraiment, je l'adore, mais j'ai clairement envie de plus que de simplement rester dans ma bulle seul, tu vois ? ❞ Comment m'exprimer sans trop expliciter ? Je me doute que tu désires en savoir plus, mais sans des questions directes, il me sera difficile de me dévoiler. Ceci n'est pas dans mes habitudes. Les secrets, je les enterre généralement avec moi, dans les limbes de mon esprit.

w/ @Victoria Lahey

Je souris lorsqu’Eben me confirme qu’il ne compte pas déménager, pour l’instant. Ca me rassure parce que je viens à peine de m’installer ici, j’adore notre appartement, et n’ai clairement pas le courage de déménager toutes mes affaires à nouveau. Il n’était pas question d’une situation temporaire et j’espère qu’il n’a pas changé d’avis en deux petits mois à peine. « Elle reste plantée devant la porte de ta chambre par moment. » Ce qui n’est pas faux, mais Leïa finit toujours par abandonner après une dizaine de minutes, lorsqu’elle réalise que personne ne viendra lui ouvrir la porte car Eben est absent et non enfermé là-dedans. « Ah oui, on a pas les mêmes amis. » Dis-je en riant, lorsqu’il me signale que son meilleur ami d’enfance n’est autre qu’un gamin Rothschild. Je ne me plains clairement pas des miens ceci dit ! « T’as raison d’en profiter. » Après il y a une grande différence entre sortir un peu plus et découcher cinq nuits par semaine, mais je m’abstiens de faire un commentaire parce que je ne suis ni sa mère ni sa petite-amie. Il fait ce qu’il veut, mais je mentirais si je disais que passer de sa présence au quotidien à un appartement pratiquement toujours vide ne me fait pas un choc. Une chance que je n’ai pas déménagé pour avoir une présence à mes côtés, parce que je me serais bien plantée ! Mais passer mes soirées en tête-à-tête avec Leïa, avec une bouteille de vin et la télé, c’est bien aussi et ça me permet d’inviter qui je veux sans me soucier de le déranger. « C’est dans un château, avec ton meilleur ami, que tu passes tout ton temps ? » Je demande, curieuse. Je doute qu’il vive dans un château mais après tout, on parle d’un Rothschild, je ne suis sans doute pas loin de la vérité.

❝ La pauvre ❞ rigole-je, touché par l'attention de notre mignonne nouvelle arrivée, en l'imaginant me chercher. Au fond, je culpabilise de me retrouver dans cet entre-deux que je ne gère pas aussi bien que je le voudrais, mais les choses sont telles qu'il me faut composer avec cette situation. Il me faut encore trouver l'équilibre, et c'est une tâche encore en cours. ❝ Ses parents et les miens sont amis depuis avant qu'on naisse, du coup... Tu comprends. ❞ Je rigole et m'amuse de te voir t'amuser du nom de famille évoqué. Après tout, il y a une immense différence de niveau de vie quand un nom de famille pareil fait son entrée. Il m'est impossible de ne pas juger ta curiosité non plus lorsque tu uses de l'humour pour continuer sur ce terrain des plus mystérieux pour certains. Passant la langue sur mes lèvres, je me décide à prendre mon courage et te regarde, légèrement intimidé. ❝ Pour être franc, son appartement est grand, tout comme son lit... Et j'y passe beaucoup de temps donc... ❞ je me rends compte de ce que je dis, et je vois déjà venir les mots s'emmêler au point de te livrer une version de l'histoire totalement biaisée. Je bugue et trébuche sur mes propres syllabes et dans un rire libérateur, je me calme et reprends. ❝ On sort ensemble en fait. C'est pas officiel officiel, mais c'est sérieux entre lui et moi, vraiment sérieux. C'est surement ma première vraie histoire et récemment, elle s'est débloquée pour de vrai donc on en est là. ❞ Est-ce plus clair ? J'en doute, mais le principal est dit : je suis en couple avec mon meilleur ami d'enfance. ❝ C'est encore un peu compliqué car c'est un Rothschild donc tu te doutes que tout ce qui est publique doit être géré et pensé en amont, mais tu es une coloc d'enfer et je te fais confiance pour ne rien dire... Tu sais tout maintenant. ❞ Tout, non, mais ce qui compte, oui. Je suis prêt à l'interrogatoire si celui-ci vient à se faire. ❝ Et toi, des choses à me dire ou...? ❞ Autant retourner la chose aussi, que la discussion n'aille que dans un sens. Ce serait regrettable. Nous continuâmes à échanger le reste du temps, à se perdre dans de longues discussions.

w/ @Victoria Lahey
(edit du 12 juin, rajout de la dernière phrase pour cloturer. )

Ce n’est pas très fair-play de ma part, mais j’essaye de le faire un peu culpabiliser de ne plus rentrer en utilisant Leïa comme excuse. C’était après tout son idée de prendre un chat et si je l’adore, je me retrouve à m’en occuper seule ce qui n’était pas du tout le plan initial. C’est en recherchant une certaine stabilité que je me suis installée avec le jeune homme et je réalise de plus en plus que ce n’est pas dans ce penthouse que je vais la trouver. Eben ne sera plus là pour longtemps, quoi qu’il en dise. Il est déjà parti, physiquement, j’attends juste le moment où il va réellement l’accepter et me l’annoncer pour de bon. « Ça aide. » Dis-je avec un sourire, sans trop savoir quoi ajouter. Le nom de Wolford n’est peut-être pas aussi connu que celui de Rothschild, mais je suis bien consciente que l'argent n’a jamais été un problème pour mon coloc et sa famille. J’arque un sourcil lorsqu’il mentionne la taille de son lit et me retiens de rire. J’ai envisagé la possibilité que ce soit quelqu’un de spécial qui le déloge mais je ne m’attendais pas à ça. « Promis, je n’irai pas vendre votre histoire à JustJared. » Dis-je en riant. Pourtant, j’en tirerais probablement un chèque avec quelques zéros qui ne seraient pas de refus sur mon compte en banque, mais jamais je n’irais trahir un ami dans le but de m’enrichir. « Merci de me faire confiance et puis… J’espère pour vous que ça se débloquera assez vite. Il n’est pas Prince non plus. » Il n’en est peut-être pas loin mais je ne sais pas, leur nom est connu mais pas au point d’être des people qui font la une de la presse, si ? Ou je ne m’y intéresse pas assez, c’est probable. « Rien de spécial. J’ai revu mon ex mari et on s’est enfin expliqué, après 5 ans… Je ne pensais pas avoir besoin de tourner cette page mais au final ça me fait du bien aussi. Et puis sa meilleure amie travaille avec moi donc c’était dans l'intérêt de tous qu’on règle ça une bonne fois pour toute. » Je n’entre pas dans les détails de cette conversation, car elle ne concerne que Gabriel et moi. L’eau a coulé sous les ponts, mais je me sens mieux depuis que j’ai pu lui expliquer les raisons qui m’ont poussée à finir dans les bras d’un de ses amis. « Sinon la routine ; boulot, câlins avec Leïa, un verre de vin et Netflix. » C’est triste dit comme ça, mais ça me fait vraiment du bien de retrouver un peu de stabilité.