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A la guerre comme au lit, tous les coups sont permis. |
Faire le pitre, l’intouchable, l’imbu de lui-même, le séducteur sont des facettes présentées au monde. Affinées au fil du temps, elles me protègent. Qui peut savoir, qu’au fond de cette armure git un gosse effrayé par l’échec, par la déception et l’abandon. Qu’on me rejette. Que je ne sois pas assez drôle, éduqué. Qu’on ne m’aime plus. Qui pourrait le deviner ? Un seul. Souvenir fracassant. Mon premier. Celui que j’ai eu espoir d’être mien il y a quelques années. Revenu. J’avais feint de ne pas savoir qui c’était. Mais son nom m’a fait lâcher mon téléphone. J’ai manqué de souffle. Myocarde qui s’emballe. J’ai tremblé. Les souvenirs ont déferlé. Mon premier. Passion. Luxure. Drogue. Illégalité. Il m’a emporté au-delà de mes capacités. Artisan d’un pan de ma Vie. Il s’est gravé en moi. J’ai dû me sevrer de lui. Accro. Ses mains. Sa voix. Son audace. Il brillait si fort. Court mais intense. De l’amour ? Je n’en sais rien. Mais il m’a retourné les entrailles. Entrée par la grande porte. Je me suis délecté de ses mots. Pucelle au creux de ses paumes. De son charisme, il m’a frappé. De sa passion, il m’a drogué. Par sa présence, j’ai défailli. Et j’en voulais encore. Mais ... J’ai fui. Je n’aurais jamais cru possible. Un matin. Lueur de lucidité. Rare. J’ai pris mes affaires et je suis partie. Je l’ai maudit de ne pas m’avoir couru après. L’espoir sanglant de compter pour lui. Mais non ce fut le silence. Meurtrier. Assourdissant. Plus que jamais, je me construis une armure. Infligé ce poison qu’il m’avait fait gouter : l’attention. C’est dangereux. On se croit privilégié. Alors oui, je le fais subir pour ne plus en être victime. Jamais. Oh non jamais, j’aurais cru qu’il reviendrait se glisser dans ma Vie. Le repousser. Ses trésors. Ses bébés. J’ai eu si mal. J’ai pleuré cette nuit-là. Rares sont mes moments de faiblesse. Il a su fracturer mon cœur. Et visiblement il revenait finir son œuvre. Depuis, j’oscille entre le fuir. Et croiser son regard. Je l’avais vu au loin. Et j’ai pressé le pas. Mais là, savoir qu’il est bel et bien là ... J’ai envie de le confronter. Confirmer qu’il ne me fait plus rien. Non, je ne retournerais pas dans sa toile. J’ai grandi. Je ne suis plus ce garçon, en quête d’extase sous ses hanches. Non, je suis un homme. Et pourtant, l’idée de croiser ses orbes a nouveau me fait trembler. Un mot. Et je plonge. J’avance. Je recule. Je me maudis de vouloir ruiner ce que j’ai bâti. Il m’a fallu de longues heures pour me ressaisir. Je suis Nate. Et il ne m’atteindra. Répété inlassablement. Mais je l’avais sous-estimé. Et il avait commencé a jouer sans que je sois prêt.
Une semaine après son irruption. Apres, avoir manqué d’air. J’étais à l’hôpital. Un 24h aux urgences. J’avais insisté auprès de mes tuteurs pour en vivre une par mois. J’étais doué. Je voulais apprendre. Je voulais me rendre utile. Pas ensevelir sous la théorie. Des mois d’insistance. Et j’allais vivre ma troisième nuit aux urgences. Des petits bobos à gérer. Mais ça m’allait. Box suivant, patient suivant. Je prends à la volée sans lire le nom. Grand sourire, je toque sur le rideau du box, et l’ouvre. Bouche ouverte que je couvre de ma main droite. Je fais trois pas, butant dans le chariot des soins. Cœur qui éclate. Mes deux mains s’agrippent au dossier. Je finis par le regarder. Hood. Il était là. Tempête dans l’esprit. Je veux faire demi-tour. Je refuse de l’approcher. « Je viens te prendre des gants. » Je sursaute. Mon tuteur qui me sort de ma torpeur. Ça va ? il me questionne. Mince sourire. Oui ... J’ai cru voir un fantôme. dis-je en lorgnant l’amas de souvenirs qui ne me lâche pas du regard. Hood. Est là. C’est fort probable. En attendant ton patient en chair en os, t’attend. Tuteur rit puis me laisse, refermant le rideau derrière lui. Je n’ai pas le choix. Rester pro. Comment quand je lui hurle dessus mentalement ? Comment quand j’ai envie de me cacher de lui ? Mais je prends sur moi. Blessure à la main monsieur Hood. Je toise sa main. Je vais devoir le toucher. J’enfile des gants, contrôlant au mieux mes tremblements. Il sait se soigner. Métier secret. Il sait faire. Salopard. Je redoute son contact. Je revérifie mon chariot, prépare de quoi le désinfecter. Pas le choix. Mon premier. Mon souvenir vient de gagner une bataille. Je prends sa main et commence les soins. Il n’est personne. Il n’est pas celui qui m’a plongé dans une euphorie. Il n’est pas celui qui a qui j’ai offert mon âme, mon cœur et mon corps. Juste un patient. Il t’a bien niqué Nate.
(c) AMIANTE
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