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a woman who wants to seduce a man has only to cross wall paper
« Parlez-moins fort, mademoiselle ! » Je fusillais la bibliothécaire du regard. On ne me disait pas de me taire, à moi. Si je voulais parler, je parlais. Ce n’était pas une vieille femme aux allures de mégère qui allait m’en empêcher. Cela faisait pourtant trois fois qu’elle m’ordonnait de la boucler. Mais trop entêtée à continuer la discussion que j’entretenais avec un jeune homme qui faisait les même études que moi, je continuais de parler. Mon interlocuteur n’était absolument pas une proie à séduire. Je n’étais pas du tout en train de le charmer. Bien au contraire. Nous étions simplement en train de parler archéologie du XIXe siècle. Seulement lui, il parlait tout bas. La discussion était bien engagée, et j’étais complètement attentive à ce qu’il me racontait. A l’entendre, c’était certain, l’archéologie était sa passion première. Un peu comme moi, d’ailleurs. Une énième fois, la bibliothécaire me rappela à l’ordre. A croire qu’elle était de mauvais poil aujourd’hui. Peut-être sa mauvaise humeur était-elle dûe à la destruction, récemment, d’une partie de la bibliothèque. Après tout, je la comprenais très bien. C’était elle qui allait devoir réorganiser la pièce. Je levais les yeux au ciel, alors que, pour éviter une nouvelle fois d’en prendre pour mon grade et de me faire virer de la bibliothèque, je coupais court à la discussion, pourtant très intéressante. « Si j’continue, j’vais me faire virer. On reparlera de tout ça plus tard, hein … » Je lui offrais un petit sourire désolé et m’en allait chercher le livre, qu’à la base de tout ça, j’étais venue emprunter. Je me baladais tranquillement dans les rayons, cherchant scrupuleusement celui dans lequel je devais m’arrêter. Je marchais, encore et encore, avec lenteur – pour faire en sorte que les talons de mes escarpins ne claquent pas contre le sol – et continuai ma marche. Je continuai, jusqu’à ce qu’une silhouette masculine osa m’interpeller. Il ne me fallut pas plus de deux secondes pour la reconnaître. Un large sourire étira mes lèvres. A ma vue, il se tenait de profil, yeux rivés sur l’étagère de livre en face de lui, à la recherche d’un livre, certainement. Il était d’une beauté qui faisait froid dans le dos. Comme à chaque fois. Je m’engageais dans l’allée et sans attendre une seule seconde, je l’accostais, en essayant d’y mettre un maximum de charme. « Si c’est moi que tu cherches comme ça, je suis là tu sais. » J’arquais un sourcil, souriante. C’était toujours mieux de commencer par une blague de ce genre.
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