lead them or fall ((vivian))

Je ne pensais pas qu’il était possible d’aussi mal vivre le fait de n’avoir eu Eden que jusqu’au milieu de la journée aujourd’hui. Normalement, le mercredi, je le récupère, passe la soirée avec lui et c’est notre moment à nous pour quarante huit heures, soixante douze si j’arrive à convaincre son oncle de me le laisser plus longtemps - je ne demande jamais, je le fais et puis c’est tout. Seulement là, avec le retour de Will, toutes mes habitudes - enfin, celles des quatre derniers mois concernant Eden - ont été mises à mal. Il va me falloir un petit moment pour me réhabituer au tout et retrouver mes marques. Et quoi de mieux que de se plonger dans le travail pour cela ? Rien. C’est mon échappatoire, ma façon de faire et surtout, le moyen le plus sain et correct que j’ai trouvé pour m’occuper l’esprit. Sans compter que certains de nos contrats ont besoin d’être rafraîchis - ou dépoussiérés. Recevoir quarante neuf pour cent des parts l’an dernier a accru mes responsabilités et tout ce qui touche aux partenariats et à la communication est de mon ressort maintenant. Assise dans la voiture en direction des bureaux de WPP Group pour une réunion avec le PDG, je me vide l’esprit en regardant quelques vidéos sur youtube. Depuis quelques jours, je suis en panne de lecture complète et j’ai vraiment besoin de m’occuper le soir. Je ne peux pas travailler jour et nuit - au risque de m’endormir sur le bureau - et le côté confortable de mon lit me manque terriblement, je ne peux pas le nier. Karl se gare au plus près des bâtiments de l’entreprise et je range mon téléphone dans mon sac à main avant de sortir de la voiture. Ma robe blanche à motifs fleuris recentrée, je quitte l’habitacle de la Rolls Royce et entre dans les bureaux. On m’emmène rapidement vers le bureau où j’ai rendez-vous. Cela fait bien longtemps que je n’ai pas vu Patrick et j’ai hâte de le retrouver, de discuter de la vie mais aussi des affaires parce que c’est pour cela que je suis là, on ne va pas se mentir. Et quand j’entends Madame Sattler va vous recevoir. J’arque un sourcil et souffle Comment ça Madame Sattler ? Il est passé où Patrick ? Pourquoi est-ce que je n’ai pas rendez vous avec lui, au juste ? Il est trop pour rentrer à la maison, à mon grand regret. Je n’ai plus franchement hâte de voir ce que ça va donner, cette rencontre. Un gros client comme ça, c’est important. Mais je ne la connais pas, cette Madame Sattler, alors n’importe qui d’autre que moi aurait fait l’affaire. @Vivian Sattler

Dire que je suis surprise d’être guidée vers le bureau d’une femme est un euphémisme. Je ne m’attendais vraiment pas à cela et, très peu friande des surprises, je me demande bien pourquoi je n’ai pas été prévenue du changement. Si Patrick n’est pas disponible et que c’est son assistante - ou sa femme - qui gère les entretiens, j’aurais pu déplacer le mien. Ce n’est pas que je suis moins bonne négociatrice avec une femme qu’un homme mais tout simplement que je n’avais pas prévu de sortir mes meilleurs arguments pour notre contrat. Enfin, des arguments autre que mon sourire parfait et ma poitrine apparente, bien entendu. Ceux-là font partie du lot et ils sont là base du lot même, pour être honnête. Je déteste être réduite à cela mais j’aime en jouer lorsque c’est moi qui le décide. L’inverse aurait été bien différent, je ne vais pas mentir. Mais puisque rien ne me fait peur, c’est avec un aplomb certain que je me lève et suis l’assistante qui m’emmène au bureau de Madame Sattler. Bon sang, qu’il soit marié ne me choque pas mais qu’est-ce qu’il a fait - et dans quel état est-il ? - pour rater un de nos rendez-vous et ne pas m’avoir prévenu personnellement ? Lorsque je pénètre dans le bureau, mes yeux glissent sur le mobilier. Des tas de choses ont changé, je le vois bien. Le bureau est le même, par exemple, mais l’emplacement des objets qui s’y trouvent est différent. Enchantée. Que je souffle rapidement avant de lui offrir un délicat sourire. C’est à ce moment-là que je vois son visage, que je découvre qui elle est. Et elle me rappelle quelque chose, ou plutôt quelqu’un. Je ne sais pas vraiment qui elle est mais je l’ai déjà vu sur des photos avec Jeremiah, des clichés de repas de famille que sa mère m’a montré, toute heureuse de me montrer mon meilleur ami plus jeune alors qu’on dînait tous ensemble. Elle a ce regard perçant et ces boucles bien dessinées qui me demandent combien de temps elle a passé à se coiffer ce matin. Madame Marriott-Wildingham. Que je corrige rapidement, pas par manque de respect mais puisqu’on en est à l’étape des présentations, autant faire les choses dans la plus grande des formes. Je suis désolée, je suis un peu surprise. Je m’attendais à voir Patrick. Enfin, Monsieur Sattler. C’est toujours lui que je rencontre pour ces rendez-vous annuels. Il va bien ? Ça m’intrigue énormément et maintenant que nous sommes plus que deux, peut-être que ça sera plus facile de discuter. Et lorsqu’elle retourne derrière son bureau, je me débarrasse de mes affaires, que je pose sur la chaise à moitié cachée par l’écran et me pose sur l’autre. Jambes croisées, buste bien droit, je m’attends à avoir un début de réponse à mes questions.