Protect me from what I want • CHUCK

En retard. Il était en retard.
Cela faisait plusieurs heures que j'attendais sous mon réverbère en tapant du pied, grillant cigarettes sur cigarettes, maigre compensation au manque qui s'emparait peu à peu de moi. Mon dealeur était en retard d'au moins trois heures déjà. Je n'en démordrais pas, je ne bougerais pas. J'ai besoin de ma dose. Déjà, je sentais mes veines pulser dans mon bras, elles qui étaient devenues si visibles depuis mon premier shoot, il y a trois ans. Mes yeux parcouraient la rue vide et noire. Rien à l'horizon, juste quelques chats errants qui traversaient les rues. Peut-être étais-je moi aussi un chat errant. Peu à peu, le froid s'empara de mon corps, me fit trembler. Je savais qu'en réalité il ne faisait pas froid. Ces terribles frissons qui bientôt se changeraient en convulsions n'étaient autre que les symptômes du manque, que je n'avais pas eu à éprouver depuis longtemps. Souvent, on me le faisait livrer chez moi, discrètement caché dans un colis Amazon. Mais aujourd'hui tout était différent. Pas de colis, personne au rendez-vous... Je soupirais pour me rassurer. personne ne pouvait me tracer, je suis bien trop intouchable. Mais je ne pouvais plus tenir cette peur insidieuse qui grimpait en moi. Près d'ici, je voyais briller les lueurs d'un hôpital. Je secouais la tête. Non. Je ne peux pas en être réduit à cela. Et pourtant si. Je m'approchais doucement de l'édifice, un morceau de verre à la main. Je respirais à grandes bouffées. Puis je me résolus à l'enfoncer dans ma paume. Mes dents grincèrent, je me retenais de crier. Le manque était plus fort que la douleur. Je saignais abondement. Je me traînais jusqu'aux urgences de l'hôpital, avant de crier, de façon très théâtrale : «  Un médecin, vite ! Un médecin, je vous en supplie ! » Plusieurs infirmières se jetèrent sur moi. Décidément, je n'avais rien perdu de mon talent d'acteur.

❝ Protect me from what I want ❞

feat Oscar & Chuck ✖ Quelques heures. Cela faisait quelques heures que j'avais commencé mon tout premier stage à l'hôpital à mi-temps. Car oui, je devais suivre les cours à Harvard et mettre en application tout ce que j'ai appris en étant affectée dans un service. Ici c'était les urgences. J'étais en train d'observer un dossier, lorsqu'un homme se mit à hurler passant devant les gens qui attendaient depuis un bon bout de temps dans la salle d'attente. Je trouvais même qu'il en faisant un peu trop, quand ma supérieure dit - Chuck, va t'occuper du jeune homme. J'ai fait oui de la tête avant de me diriger vers le brun. « Calmez-vous, sinon je ne pourrais pas vous soigner si vous vous agitez comme vous le faite en ce moment. » Mettant des gans en caoutchouc sur mes mains, j'essayais de regarder tant bien que mal, la blessure qui était située à la main, mais pas facile lorsque la personne bouge tout le temps.

Je ne m'arrêterais pas, non. je ne m'arrêterais pas de bouger tant que personne ne m'aura pris en charge. Je sentais mes yeux s'assécher, mes muscles se contracter. J'avais besoin et je ne lâcherais rien tant que personne ne m'aurait prêté une quelconque attention. Je n'avais cure des divers badauds qui attendaient pour un mal de crâne, mon mal était bien plus grave que je ne sais quel rhume. Après tout, officiellement, j'avais tout de même une blessure ouverte. Sauf qu'elle était extérieure, alors que la véritable est intérieure et incurable. Je faisais un bruit de tous les diables quand enfin une jeune demoiselle pointa le bout de son nez. Je la jaugeais du regard. Pas assez vieille pour être un véritable médecin, mais tout me disait qu'elle n'avait rien d'une infirmière. Tant mieux, cela m'évite un autre scandale pour avoir droit à de vrais soins. Après tout, une infirmière ne peut pas faire d'ordonnances. Je repris soudainement mon regard de chien triste, alors qu'elle me sommait de ne plus bouger. Soit. Je m'immobilisais. On me conduit vers un lit où je pourrais m'asseoir pendant que l'on s'occupait de ma main. Mes yeux se redressèrent vers la jeune femme.«  Cela fait affreusement mal, je n'en peux plus... Aidez-moi s'il vous plaît, vous n'auriez pas d'anti-douleurs ? J'ai l'impression que l'on m'arrache la main... » Je dis tout cela avec une voix qui ne pouvait qu'apitoyer. Je donnais le maximum pour pouvoir être contenter.

❝ Protect me from what I want ❞

feat Oscar & Chuck ✖ Lorsque mes gants étaient mises, je tendais avec beaucoup de mal d'observer la plaie que le jeune homme avait sur la main. Heureusement pour moi, que le brun s'est calmé aussitôt après lui avoir ordonné de plus bouger, mais cela m'étonnerai que ça dure bien longtemps. Attrapant le tabouret, j'ai saisi les accessoires ainsi que les pansements pendant que l'homme âgé d'une vingtaine d'années. Regardant de plus prêt la blessure du type, elle entendit sa demande quelque peu surprenante. « Cela fait affreusement mal, je n'en peux plus... Aidez-moi s'il vous plaît, vous n'auriez pas d'anti-douleurs ? J'ai l'impression que l'on m'arrache la main... » Posant ses yeux vers, je me suis mise à le regarder en croisant les bras. « Je pense que pour une plaie, vous exagérez, monsieur. En attendant je vais vous soigner, de plus vous aurez besoin de quelques sutures. » D'abord, j'ai désinfecté le bobo en enlevant le sang avec de l'alcool, puis je pris les ciseaux avec du fil et commence à coudre tout en faisant attention. « Comment vous vous êtes fait ça ? »

Je lançais un regard noir à la jeune femme, qui semblait minimiser ma situation. N'étais-je pas assez convaincant ? Ou bien n'avais-je pas percer assez profondément ? Pourtant, l'immense douleur était bien là, j'ai dû toucher plusieurs muscles, pas mal de nerfs et tout autant de veines. Alors pourquoi cette péronnelle ne m'accordait-elle que si peur d'attention ? Je déglutis avant d'articuler : « Je n'exagère rien Mademoiselle. Regardez la profondeur, c'est vous le médecin, vous devriez savoir qu'une blessure telle que celle-ci peut-être grave, mes nerfs sont atteints, j'ai besoin d'anti-douleurs ! » Il me semblait certes assez impertinent de lui expliquer son métier, mais je ne voyais pas quoi faire d'autre. Il fallait la convaincre et la mener sur le chemin des analgésiques. Au pire, même si c'est un niveau en dessous de la morphine, ça aurait peu d'importance, vu mon état de manque. Ma main se mit à trembler pendant qu'elle la tenait et qu'elle s'apprêtait à la bander. Sa question me fit frémir. Tous mes neurones s'emballèrent, mon cerveau se mit à fonctionner aussi vite que dans la ruelle. Que dire ? Qu'inventer ? Je réunis toute la force de mon imagination. « Hé bien vous savez, Cambridge n'est pas une ville très sûre. Et je suis assez argenté, si vous voyez ce que je veux dire. », lâchais-je, en lui montrant le logo Vivienne Westwood de mon veston. « Je flânais dans les rues quand soudain, un clochard s'est rué sur moi avec un couteau et a essayé de me dévaliser. Je ne me suis pas laissé faire, je l'ai mis au tapis, puis je me suis enfui. Cependant, il a eu le temps de me porter un coup de couteau dans la main le bougre ! J'espère que ça ne s'est pas infecté... » Cette histoire était peut-être affreusement tirée par les cheveux, mais elle avait un côté plausible. Même si je détestais jouer au fils à papa agressé par un méchant SDF, j'y étais contraint. On a rien sans rien après tout.