Une photo compromettante en couverture de la revue populaire numéro un du moment, accompagnée de quelques lignes peu élogieuses sur la célèbre demoiselle. Ses yeux azurs filèrent le long du papier imprimé, se posant nonchalamment sur les lettres d'imprimerie qui la concernaient.
dit-elle, le ton insolent, laissant tomber le journal sur la table, sous le regard désabusé de son agent.
De son véritable nom Lyra Serena DeAngelis, la demoiselle était de ces jeunes qui, victimes d'une notoriété qui les avait pris d'assaut sans crier gare, en avaient subi les méfaits. Désormais, si son pseudonyme restait associé à quelques fameux morceaux pop britanniques, il était également synonyme de frasques en tout genre ; l'apparition de son minois d'adolescente à la une de la presse à scandales se voulait quasi quotidienne. Une jeunesse brisée par la face cachée d'une célébrité trop précoce, Serena jouait alors de cette image d'enfant dépravée et rebelle, enchaînant gardes à vue et cures aux frais de la princesse. Et, si ses producteurs originels se désolaient de voir leur protégée ainsi sombrer, les acteurs économiques qui l'entouraient profitaient pleinement de ce nouveau visage qui ne cessaient de remplir généreusement leurs portefeuilles.
Il fut néanmoins, un temps où la demoiselle faisait rêver les adolescentes du monde entier, en entonnant des morceaux emprunts de mélodies classiques ou, a contrario, rythmées de jazz et de rock.
she's a dancer, she's a swan.« she will find her way in this big bad world. »◄ LONDON. (uk) ; 21 jan. 2004. ►Entrechats, pas de bourrée et arabesques. Son regard enfantin s'illuminait sous la beauté des enchaînements ; bien qu'elle peinait à les effectuer dans leur intégralité, l'adolescente se délectait presque des exigences de leur professeur, Mme Dubois. Sa difficulté première fut de devoir le comprendre, celle-ci s'exprimant exclusivement en français, langue officielle du ballet. Serena ne parvenait guère encore à réaliser qu'elle avait rejoint les petits rats du
Royal Ballet of London ; pourtant, elle comptait désormais parmi les enfants les plus chanceux du pays, ceux ayant, malgré leur jeune âge, d'ores et déjà atteint un rêve.
Encouragée par sa famille, Serena s'était toujours donnée corps et âme dans le milieu artistique ; dès ses cinq ans, la jeune DeAngelis s'était aventurée dans ce monde impitoyable qui ne paraissait qu'innocent alors : entre piano, ballet et cours de chant, elle avait toujours su que sa vie ne serait comblée avant qu'elle ne puisse vivre de sa passion. Mais elle ignorait encore qu'indulgence et pitié n'avait guère leur place au sein de cet univers.
« Lyra. C'est à ton tour. » annonça Mme Dubois. L'adolescente était, aux yeux de tous, de loin la meilleure de sa génération de jeunes danseurs. D'un pas décidé, la tête haute, elle s'avança au centre ; sa longue chevelure ambrée parfaitement nouée en chignon dégageait son visage angélique. la douceur de ses traits n'était cependant pas celle qui animait son être ; Serena était ce que l'on nomme familièrement une battante. Son ambition, mêlée à une insolence certaine, insolence dont elle avait du se défaire pour appartenir à ce cercle très privé, avaient été son moteur durant toutes ces années.
« Quatrième position, s'il te plait. » Elle s'exécuta et, pareille à l'oisillon qui prendrait son envol, réalisa un piqué digne des plus grands. Le regard admiratif de ses collègues animait son désir de réussite, de perfection. Mais, alors qu'elle s'élançait dans une pirouette fouettée, une violente décharge gagna son membre inférieur gauche. L'ensemble de son corps l'abandonna sous les yeux inquiets de l'assemblée, ses jambes se dérobant sous le joug de la douleur. Bien qu'elle refusait alors de l'admettre, Serena savait pertinemment qu'il s'agissait du chant de cygne de sa courte carrière de danseuse de ballet.
show must go on.
« curtain ! fast music ! light ! ready for the last finale ! great ! the show looks good ! »
◄ LONDON. (uk) ; 02 apr. 2006. ►
Le public faisait salle comble. Les flashs des appareils crépitaient au rythme des applaudissements, tandis que la jeune artiste saluait son auditoire de manière théâtrale. Ce succès soudain ravissaient producteurs et investisseurs qui avaient misé sur la demoiselle, sans conviction réelle au départ. Le rideau s'abaissa, séparant à nouveau le monde des coulisses, de celui du spectateur. Une fois de retour dans la face cachée du show-business, Serena montrait un visage que l'on ne lui connaissait guère, celui d'une adolescente qui, de par cette notoriété grandissante, savait que nul ne pouvait lui résister. Face à son public, elle aimait faire jouer son image de Cendrillon ; cette enfant issue des quartiers défavorisés de Londres qui, malgré les obstacles mis en travers de sa route, avait vu ses rêves se réaliser. Mais, loin d'être naïve, elle avait bien rapidement compris les rouages du succès ; le talent seul ne suffisait pas pour atteindre le sommet.
Serena avait beaucoup souffert de son échec au Royal Ballet ; une violente rupture des ligaments l'avait poussée à mettre un terme à ses rêves d'étoile. Mais, son désir de réussir dans le monde artistique était bien plus fort que toute blessure, aussi grave eut-elle été. Elle avait ainsi donné un coup de main à la chance, en enchaînant auditions et rendez-vous professionnels.